Retraites : contestation "plus violente", Emmanuel Macron "humilié"... Comment les médias étrangers commentent le printemps social en France
Alors que l'intersyndicale appelle à une dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites dans toute la France, mardi 28 mars, les médias étrangers regardent avec attention évoluer le mouvement social.
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Depuis un peu plus d'une semaine et l'utilisation de l'article 49.3 par le gouvernement, le 16 mars, pour faire adopter la réforme des retraites à l'Assemblée, la contestation s'est durcie. La violence entre la police et les manifestants est encore montée d'un cran, ce week-end, à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, où de violents affrontements ont eu lieu autour d'un projet de "méga-bassine". Entre suivi attentif des évolutions de la mobilisation, inquiétudes sur les violences policières et analyse de la position d'Emmanuel Macron, les journaux étrangers suivent avec attention ce printemps social français.
Une contestation qui a "changé de visage"
Pour de nombreux observateurs, comme le New York Times (en anglais, article réservé aux abonnés), les manifestations "ont changé de visage au cours de la dernière semaine". "Dans certaines villes, elles sont devenues plus violentes", souligne ainsi le journal américain le 24 mars. "La fureur" des participants porte moins sur le report de l'âge légal à 64 ans que sur la "manière dont Emmanuel Macron a fait adopter la loi au Parlement", et la contestation pourrait se transformer en "une crise constitutionnelle", estime le journal.
En Espagne, le quotidien de centre gauche El Pais (en espagnol, article réservé aux abonnés), analyse lui aussi que les revendications "ne portent plus seulement sur les pensions. Il s'agit de la démocratie, une démocratie que les manifestants estiment ébranlée par l'adoption [du texte via le] 49.3", écrit, le 26 mars, le correspondant du journal à Paris, se demandant si le mouvement perdurera au printemps ou, au contraire, finira par s'essouffler. Le quotidien espagnol pense par ailleurs avoir trouvé le symbole de ce mouvement social : "En France, chaque révolte invente sa propre icône. Il y a eu la guillotine, les pavés de 1968, les gilets jaunes il y a quelques années", énumère El Pais.
La contestation contre [le recul] de l'âge de la retraite a trouvé son icône : un tas d'ordures en feu dans les rues de Paris, le portail d'une mairie de Bordeaux en flammes, un feu qui fascine et qui détruit.
El Pais
Enfin, alors que les opposants à la réforme défilent pour la dixième fois dans les rues de Paris depuis le début du mouvement, le quotidien indien The Indian Express (en anglais) s'interroge, le 24 mars : "comment comprendre 'le penchant à la manifestation' des Français ?" Le journaliste Arjun Sengupta avance un début d'explication avec "l'effervescence politique perpétuelle", qui serait "l'une des pierres angulaires de la société (…) française".
Des inquiétudes autour des violences policières
Les violences policières constituent un autre sujet de préoccupation pour les médias étrangers, alors que des heurts ont émaillé plusieurs cortèges depuis une semaine. "Des centaines de milliers de personnes devraient participer mardi à des manifestations (…) dans toute la France (…). Les autorités de Paris et de plusieurs villes sont préparées à des affrontements entre la police et les manifestants", écrit le quotidien britannique de centre gauche The Guardian (en anglais), le 28 mars. "La crise s'est intensifiée en raison de la controverse visant des tactiques policières, les avocats se plaignant d'arrestations arbitraires, de blessures et de brutalité lors du contrôle des foules", ajoute le journal.
Aux États-Unis, le Washington Post (en anglais, article réservé aux abonnés) relaie lui aussi les accusations d'utilisation par la police d'une "force excessive" lors "des manifestations". "Les manifestants (…) ont détruit des voitures et des bâtiments, incendié des ordures et des kiosques à journaux et se sont heurtés aux forces de l'ordre dans des villes comme Paris et Bordeaux ces derniers jours. Mais la réponse (…) apparemment aveugle de la police, y compris [via des] arrestations arbitraires et le recours à la violence contre des manifestants et des journalistes pacifiques, a également attiré l'attention", écrit le journal, se faisant écho des inquiétudes du Conseil de l'Europe au sujet des manifestations françaises. Ces préoccupations sont aussi relayées par la chaîne qatarie Al Jazeera (en arabe), l'une des plus regardées dans le monde arabophone.
Ces violences ont ému de la même manière nos voisins allemands et italiens, note le 28 mars le journal Courrier International. Les heurts survenus à Sainte-Soline ont singulièrement marqué les esprits. "Ce coin de l'ouest de l'Hexagone est devenu un aimant pour les casseurs professionnels", cingle le quotidien de droite Il Giornale (en italien). De son côté, le Berlinois Die Tageszeitung (en allemand) estime que les affrontements étaient "inévitables" en raison de l'énorme dispositif policier "qui attendait les manifestants devant le chantier".
Emmanuel Macron "humilié" par la contestation
Journalistes et éditorialistes européens ne sont pas toujours tendres avec le chef de l'Etat, ne manquant pas de revenir sur le report forcé de la visite du roi Charles III à cause des manifestations. " L'Élysée avait beau tenter de faire bonne figure, l'annonce du report de la visite du souverain britannique en France renvoie l'image d'une capitulation en rase campagne et constitue un sérieux camouflet pour Emmanuel Macron", estime le 24 mars le journal La Libre Belgique, qui flaire dans l'air un "parfum d'humiliation". "Macron 'humilié' par le report de la visite du roi Charles III, alors que la France se prépare à de nouvelles violences", titrait pour sa part le quotidien britannique The Telegraph (en anglais), le 25 mars. "En annulant le voyage, le président a pour la première fois reconnu que le pays danse sur un volcan", rapporte le journal, citant "un leader d'opposition".
Les commentaires les plus cinglants sur la crise actuelle sont venus de Russie, où la presse semble vouloir faire payer au président français son soutien à l'Ukraine face à l'invasion décidée par Moscou. La Pravda (en russe) ne s'est ainsi pas privée de relayer la polémique autour de la montre qu'Emmanuel Macron a discrètement retiré lors de son entretien à la télévision le 23 mars. Sur une chaîne de la télévision d'Etat, un journaliste a enfin "traité Emmanuel Macron de 'nazi' et l'a appelé à démissionner, déclarant aux téléspectateurs que la Russie est le seul pays où règnent la liberté et le respect des droits de l'homme", relayait le 27 mars un journaliste britannique de la BBC, Francis Scarr, sur Twitter.
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