: Vrai ou faux Réforme des retraites : l'égalité salariale entre les femmes et les hommes permettrait-elle de rapporter 5,5 milliards d'euros au régime général ?
Mettre fin aux inégalités salariales entre les hommes et les femmes pour financer les retraites. Pour l'UGICT-CGT (Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens) et l'association féministe Nous Toutes, la mesure est une alternative au recul de l'âge légal souhaité par le gouvernement. "Si le salaire moyen des femmes était égal à celui des hommes, les cotisations supplémentaires versées (...) pourraient rapporter 5,5 milliards d'euros" au régime des retraites, écrivait la députée écologiste Marie-Charlotte Garin, le 15 février, sur Facebook. La veille, l'élue du Rhône avait participé à une remise du chèque de 5,5 milliards d'euros, organisée symboliquement devant l'Assemblée nationale par l'UGICT-CGT et le collectif Nous Toutes.
D'après une étude de l'Insee (PDF), à volume de travail égal, les femmes étaient payées 16,1% de moins que les hommes en 2019. En moyenne, le revenu salarial des femmes était inférieur de 22% à celui des hommes. Combler l'écart des rémunérations entre les femmes et les hommes, est-il vraiment une solution crédible pour financer le déficit des retraites ? Franceinfo a sollicité l'expertise de plusieurs économistes pour répondre à cette question.
Des cotisations et des pensions qui augmentent
Contactée par franceinfo, la CGT assure que sa proposition s'appuie sur une étude réalisée en 2011 par la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (Cnav). "Il s'agissait d'évaluer l'effet d'une égalité salariale entre les hommes et les femmes sur le régime des retraites", explique Régis Mezzasalma, conseiller confédéral CGT.
Selon l'étude de la Cnav, un alignement des salaires des femmes sur ceux des hommes provoquerait "mécaniquement" une augmentation des cotisations perçues d'un montant 18,5 milliards à l'horizon 2050. Les cotisations retraites étant calculées sur la base du salaire, "si on augmente celui des femmes, mathématiquement, elles vont davantage cotiser", analyse l'économiste Stéphanie Villers, conseillère économique pour le cabinet d'audit PwC.
Les pensions des femmes étant indexées sur leurs rémunérations, celles-ci seraient également revalorisées de 20% en cas d'égalité salariale rapporte l'étude. Soit 2 000 euros en moyenne, selon l'étude de la Cnav (PDF). D'après la simulation de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse, le coût d'une telle hausse des pensions s'élèverait à 13 milliards d'euros en 2050. Le chiffre de 5,5 milliards d'euros avancé par la CGT correspond donc à la différence des recettes (18,5 milliards) et des dépenses (13 milliards).
Un déficit creusé à long terme ?
L'étude de la Cnav comporte cependant des limites, soulignées par ses auteurs. La simulation réalisée ne prend pas en compte l'importance du temps partiel dans l'activité des femmes et part de l'hypothèse que l'ensemble des femmes travaillent à temps plein. Or, selon l'Insee (PDF), un tiers de l'écart salarial entre les hommes et les femmes s'explique par une "différence de volume de travail".
En 2020, souligne l'Insee, 27% des femmes occupaient un emploi à temps partiel. Soit trois fois plus que les hommes. "La note ne fait que simuler l'hypothèse d'un relèvement global de la masse salariale des femmes. Ceci, indépendamment du temps de travail. Donc, sans prendre en compte les temps partiels et les postes occupés", commente un spécialiste du dossier.
L'effet d'une suppression des inégalités femmes-hommes pourrait même à long terme creuser le déficit du régime des retraites, selon l'étude de la Cnav. Vers 2060, il est probable que la mesure génère "plus de dépenses que de ressources", avertit-elle. Notamment parce que le déficit des retraites est fondamentalement lié au "ratio entre actifs et retraités", décrypte un connaisseur du dossier.
"Si vous augmentez aujourd'hui les salaires des actifs, vous allez obtenir à court terme des cotisations supplémentaires, ce qui va faire du bien au régime, note ce spécialiste. Mais dans 30 ans, ces travailleurs vont prendre leur retraite et bénéficier de pensions plus élevées. Or, en 2060, les actifs ne seront pas assez nombreux pour cotiser pour les retraités. Payer des retraites plus importantes va alors creuser le déficit."
Les inégalités ont la vie dure
Ce possible déficit à long terme est cependant à mettre en rapport "avec les économies engendrées par un recours moindre aux minimas sociaux, grâce à la hausse des salaires, pour le financement des retraites de base", estime Régis Mezzasalma. "Il faut être par ailleurs prudent sur les hypothèses de déficit à long terme, comme nous l'indiquent les rapports du Conseil d'orientation des retraites", tempère également Martine Pernod, économiste et maître de conférence à l'université de Lille.
Si certains scénarios du Conseil d'orientation des retraites (PDF) prévoient un retour à l'équilibre en 2070, d'autres annoncent la résorption du déficit entre 2030 et la fin des années 2050, soit avant l'échéance de 2060 évoquée dans l'étude de la Cnav. Celle-ci date d'ailleurs de 2011 et repose sur des prévisions aujourd'hui obsolètes. Dans leur simulation, les auteurs tablaient sur une convergence des salaires femmes-hommes entre 2012 et 2023. Or, d'après l'Insee, on en est encore loin.
Selon L'Observatoire des inégalités, même à temps de travail et métiers équivalents, les femmes demeurent 5,3% moins payées que les hommes.
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