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Salaire minimum : "Une augmentation du Smic bénéficie très peu aux pauvres"

Gilbert Cette, professeur d'économie et président du groupe d'experts qui a remis mardi un rapport sur le salaire minimum, a préconisé mardi sur franceinfo "des dispositifs ciblés sont beaucoup plus efficaces" pour lutter contre la pauvreté. 

Article rédigé par franceinfo
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Image d'illustration.  (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Le groupe d'experts sur le salaire minimum de croissance a remis, dans la nuit de lundi 4 à mardi 5 décembre, un rapport au gouvernement et aux partenaires sociaux. Il s'y prononce notamment contre la revalorisation automatique du Smic. "Cela ne veut pas dire geler le Smic", a précisé sur franceinfo Gilbert Cette, professeur d'économie associé à l'université d'Aix-Marseille, président du groupe d'experts. "Nous montrons, chiffres à l'appui, qu'une augmentation du Smic bénéficie très peu aux pauvres", a-t-il avancé.

franceinfo : pourquoi préconiser la fin de la revalorisation automatique du Smic ?

Gilbert Cette : C'est un dispositif qui a des conséquences très pernicieuses pour notre pays, avec une circularité entre les hausses de salaire et les hausses de Smic. La hausse de Smic pousse les salaires, l'augmentation des salaires pousse le Smic. Et cela n'existe dans aucun pays du monde : sur 35 pays de l'OCDE, 27 ont un salaire minimum. Et sur ces 27, quatre seulement ont des clauses de revalorisation automatique. Sur ces quatre pays, trois se contentent d'avoir une indexation sur les prix. Le dernier, c'est nous, qui ajoutons à cette indexation sur les prix, une indexation automatique sur la moitié du pouvoir d'achat d'un index salarial.

Pourquoi augmenter le Smic chaque année automatiquement pénaliserait l'emploi et les salariés les plus pauvres ?

Parce qu'il est clair que les chefs d'entreprise, et en particulier les chefs de PME, sont sensibles au coût du travail. Une dynamique trop rapide du coût du travail par rapport à l'évolution de la productivité des personnes peut les amener à embaucher moins, ou à avoir des perspectives de marché réduites pour leur production. Il ne faut pas oublier que la France est un pays qui souffre d'un problème de compétitivité : pour la 10e année consécutive nous enregistrons un déficit de nos échanges extérieurs. Il n'y a pas de demande insuffisante en France. Il y a une offre compétitive qui est insuffisante par rapport à la demande adressée aux entreprises.

La France souffre aussi d'avoir huit millions de personnes sous le seuil de pauvreté, avoir un Smic est une mesure indispensable ?

Absolument. Notre rapport développe beaucoup cette question de la pauvreté. Nous montrons, chiffres à l'appui, qu'une augmentation du Smic bénéficie très peu aux pauvres. Parmi les bénéficiaires de l'augmentation du Smic, 23 % seulement sont dans un ménage pauvre. Des dispositifs ciblés sont beaucoup plus efficaces pour s'attaquer au vrai problème de la pauvreté. Par exemple, la prime d'activité. Il y a moins de pauvreté dans les pays nordiques et scandinaves, et ils n'ont pas de salaire minimum. Il y a moins de pauvreté dans les 23 des 27 autres pays de l'OCDE dans lesquels il n'y a pas de clause de revalorisation automatique.

Le ministère du Travail se dit aujourd'hui "attaché à une progression automatique du Smic" : votre proposition est-elle déjà enterrée ?

Notre rapport est public depuis peu de temps ; il est logique que les instances gouvernementales apprécient le caractère favorable ou défavorable de telle ou telle option. Nous en proposons deux : une option dans laquelle nous conserverions en France une indexation sur l'inflation, ce qui nous mettrait dans la situation d'un nombre très restreint de pays. L'autre option consisterait à enlever les deux clauses d'indexation automatiques du Smic. Cela ne veut pas dire geler le Smic : le gouvernement aurait toute latitude de prendre des décisions annuellement, en fonction de la situation du marché du travail, de la situation globale de l'économie française.

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