Congrès de la CGT : qui sont Marie Buisson, Céline Verzeletti et Olivier Mateu, les principaux candidats à la succession de Philippe Martinez ?
Son ultime bataille sera la réforme des retraites. Du moins en tant que patron de la CGT. Philippe Martinez, 61 ans début avril, passera le flambeau du secrétariat général de la deuxième plus grosse organisation syndicale française lors d'un congrès organisé à Clermont-Ferrand, du lundi 27 au vendredi 31 mars. Au printemps, il avait souhaité que Marie Buisson, secrétaire générale de la fédération de l'enseignement, de la recherche et de la culture de la CGT lui succède.
Cette candidature ne fait pas l'unanimité. Le secrétaire général de l'Union départementale des Bouches-du-Rhône, Olivier Mateu, a aussi fait connaître son ambition. Et le nom de Céline Verzeletti, co-secrétaire générale de l'Union fédérale des syndicats de l'Etat, est aussi soufflé par certaines fédérations.
Pour désigner un nouveau secrétaire général, les délégués représentant les différentes branches de la CGT éliront la commission exécutive, une sorte de direction élargie (50 membres). Le bureau et son secrétaire général, qui constituent la plus haute instance de direction (10 membres), seront ensuite élus au sein de cette commission exécutive par le comité confédéral national (130 membres) composé des secrétaires généraux des unions départementales et des fédérations. Avant cette échéance, franceinfo revient sur le profil des trois principaux candidats.
Marie Buisson, l'élue de Philippe Martinez
Son parcours. A 54 ans, elle est la secrétaire générale de la Fédération éducation recherche culture (Ferc). Une "petite" fédération, à l'échelle de la CGT, qui comptait en 2020-2021 "un peu plus de 25 000" adhérents, selon elle. Cette fille d'un cadre de l'industrie pharmaceutique et d'une formatrice pour adultes, née à Paris, a enchaîné des petits boulots avant de reprendre ses études et de devenir professeure en lycée professionnel. Encartée à la CGT depuis "vingt ans", comme elle l'affirme à l'AEF, elle intègre en mai 2019 la commission exécutive confédérale, l'organe de direction élargi de la CGT, où elle est chargée des questions liées à la transition écologique. Elle est surtout connue pour avoir représenté le syndicat au sein de la coalition "Plus jamais ça", qui réunit syndicats, associations et ONG, en mars 2020, avec la volonté de traiter de front les questions sociales et environnementales.
Sa ligne. Marie Buisson déclare, auprès de l'AFP, vouloir faire de son syndicat un "outil pour tous les salariés de ce pays", et mettre au cœur de ses priorités les questions liées à la transition écologique et à l'égalité femmes-hommes.
Ses soutiens et opposants. Adoubée par le patron sortant, elle est aussi vue par certains comme la candidate qui orientera l'organisation vers des questions sociétales, au détriment du social et de l'économie. Au sein de la coalition "Plus jamais ça", initiative qui demande notamment l'arrêt des soutiens publics aux projets dans le secteur des énergies fossiles, elle s'est attiré les foudres d'une partie des fédérations industrielles de la CGT. "Le logiciel industrialiste et productiviste est encore très présent à la CGT, où l'énergie nucléaire est par exemple vue comme une énergie propre par beaucoup", explique à franceinfo Karel Yon, sociologue du syndicalisme et des mouvements sociaux, chargé de recherches au CNRS. La manière dont Philippe Martinez s'est engagé dans l'alliance "Plus jamais ça", sans consulter les instances internes, a aussi beaucoup froissé ces fédérations.
Certains opposants de Philippe Martinez, parmi lesquels le patron de la puissante fédération de la chimie, Emmanuel Lépine, reprochent aussi à la candidate sa relative discrétion, et de ne pas avoir mené de "luttes emblématiques". Elle est par ailleurs l'un des fers de lance du rapprochement de la CGT avec la FSU, premier syndicat de l'éducation. Une initiative, elle aussi, critiquée par une partie de l'appareil, qui craint une "remise en question de l'identité de la CGT", selon Karel Yon.
Céline Verzeletti, le choix des grandes centrales
Son parcours. Elle aussi a connu des années de "galère" avant de passer le concours de l'Administration pénitentiaire et de devenir surveillante de prison. A 54 ans, Céline Verzeletti est désormais co-secrétaire générale de l'Union fédérale des syndicats de l'Etat (UFSE), qui compte environ 50 000 syndiqués. Elle est membre du bureau confédéral depuis 2015, où elle est chargée des dossiers Egalités, Libertés syndicales et Coordination des luttes. Née au Havre, d'un père cheminot, conducteur de train et militant CGT, et d'une mère institutrice, elle est formée aux luttes sociales par la Jeunesse communiste. Elle a d'ailleurs toujours sa carte du PCF et prône le rapprochement des syndicats avec la sphère politique. Elle avait participé en janvier à une marche soutenue par la France insoumise, rappelle BFMTV.
Sa ligne. Céline Verzeletti critique la verticalité au sein de la CGT et assure à franceinfo vouloir y réintroduire une dose de "démocratie interne". De tradition contestataire, la syndicaliste estime aussi que "la principale modalité d'action pour obtenir des conquêtes sociales reste la grève reconductible". Enfin, elle considère que l'égalité femmes-hommes et l'écologie sont "des sujets importants, mais ils ne doivent pas invisibiliser le conflit essentiel entre le monde du travail et les intérêts du grand patronat". "Il faut mener la bataille contre le système patriarcal et le système capitaliste de front", précise-t-elle.
Ses soutiens et opposants. Sans être officiellement candidate à la succession de Philippe Martinez, elle apparaît comme la plus à même de rassembler la CGT aux yeux de plusieurs puissantes fédérations (cheminots, énergie, une partie de celle de la santé). "Sa candidature se présente comme une alternative féminine à Marie Buisson, choisie par Philippe Martinez", relève Karel Yon. Selon lui, "certains peuvent mettre dans leur soutien à Céline Verzeletti l'idée d'une espèce de patriotisme CGT à l'ancienne, du temps d'une proximité plus forte avec le PCF".
Olivier Mateu, le radical
Son parcours. A 48 ans, Olivier Mateu est sapeur-forestier et secrétaire départemental de la fédération CGT des Bouches-du-Rhône, une des plus puissantes de France avec près de 35 000 adhérents. Encarté au parti communiste à 14 ans, il vient d'une famille de militants qui a combattu le franquisme en Espagne. Il a grandi à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), une des rares villes du département encore communiste, au cœur d'un complexe industrialo-portuaire où les porte-conteneurs barrent l'horizon.
Sa ligne. Il critique la participation de la CGT au collectif "Plus jamais ça", dont Marie Buisson est une figure, tout en assurant qu'il n'est pas climatosceptique. Il est le tenant d'une ligne dure, comme lorsqu'il appelle à la pénurie de carburant dans son département pour protester contre la réforme des retraites. Ou quand il répète qu'il ne soutient "ni Poutine, ni Zelensky". "La guerre en cours est une guerre d'un impérialisme contre un autre", s'agace-t-il auprès de l'AFP. Il défend ainsi l'adhésion de la CGT des Bouches-du-Rhône à la Fédération syndicale mondiale (FSM), classée très à gauche, que la confédération a quittée en 1995. "Si vous voulez qu'on fasse venir des jeunes, des femmes, des hommes, il faut retrouver une CGT à l'offensive, une CGT qui s'assume, qui ne s'excuse pas quand elle passe à la télévision, ferme sur ses revendications", justifie auprès de l'AFP cet adepte des punchlines.
Ses soutiens et opposants. Sa candidature n'a pas rempli toutes les conditions requises par les statuts, assure une source syndicale à franceinfo. Mais sa validité sera décidée lors du congrès. Il apparaît toutefois peu probable qu'Olivier Mateu l'emporte, relève Karel Yon, au regard de ses convictions radicales. Sa volonté de réintégrer la CGT à la Fédération syndicale mondiale, notamment, est une demande "qui n'est pas du tout majoritaire".
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