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Manifestations du 1er-Mai : comment les syndicats se préparent à un "troisième tour social" sur la réforme des retraites

Après la victoire d'Emmanuel Macron à la présidentielle, les représentants syndicaux entendent mettre la pression sur le président réélu avec les manifestations du 1er-Mai. Les partenaires sociaux se veulent vigilants, notamment sur le dossier de la réforme des retraites.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Plusieurs syndicats manifestent à l'occasion des traditionnels défilés du 1er-Mai, à Paris le 1er mai 2021. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)

"On doit reprendre la main et ça commence le 1er mai". Pour Benoît Teste, secrétaire général de la FSU (Fédération syndicale unitaire), le rendez-vous est fixé. Une semaine après la réélection d'Emmanuel Macron face à Marine Le Pen, les organisations syndicales CGT, Solidaires, FSU et Unsa appellent à la mobilisation lors des traditionnels défilés syndicaux du 1er-Mai, pour un "troisième tour social".

"Tout ne se joue pas maintenant, mais c'est un moment important, un capteur pour qu'on sente la capacité de mobilisation pour la suite", estime Benoît Teste. Les partenaires sociaux se disent inquiets de certains points du programme macroniste, comme la réforme des retraites qui parvient à réunir les syndicats dans une même opposition. 

"Une injustice et une erreur"

"Lors de ce 1er mai, on va porter nos revendications sur les droits sociaux et dire que, partir sur une réforme des retraites avec un recul de l'âge à 65 ans, ce n'est pas entendable. Même si Emmanuel Macron a fait de toutes petites concessions en fin de campagne", prévient Murielle Guilbert, co-déléguée de Solidaires. "C'est une injustice et une erreur de reculer l'âge légal, et on a des analyses pour le démontrer", appuie Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière (FO), dont le syndicat va se joindre aux manifestations dans certains départements. 

La CGT (Confédération générale du travail) a également prévenu dans une déclaration qu'elle "saura rapidement rappeler au président et à son nouveau gouvernement qu'il existe une opposition majoritaire à ses projets, notamment d'allongement de l'âge de la retraite à 65 ans". Même Laurent Berger, secrétaire général du syndicat réformiste de la CFDT (Confédération française démocratique du travail), constate que la proposition sur les retraites d'Emmanuel Macron fait l'objet d'un "puissant rejet"Il réclame dans Le Monde "une vraie discussion" avec les partenaires sociaux.

"Emmanuel Macron doit prendre conscience de l'enjeu, des tensions qu'il y a aujourd'hui en France. Il doit apaiser, se rendre compte des fractures dans la société", alerte également Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l'Union nationale des syndicats autonomes (Unsa).

"Son rôle, c'est de rassembler. Et commencer par [réformer] les retraites, ça ne paraît pas être le meilleur moyen."

Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l'Unsa

à franceinfo

Même s'ils craignent l'effet des vacances scolaires, les syndicats espèrent aussi mobiliser ce dimanche sur la question du pouvoir d'achat et de la défense des services publics. "Cela fait des années qu'on aide les entreprises. Aujourd'hui, c'est le temps des salariés", réclame Dominique Corona.

Les organisations tiennent aussi à faire passer un message au gouvernement, notamment sur le calendrier des réformes. "On sent bien que ça va aller très vite, avec sans doute la volonté stratégique de nous noyer sous un certain nombre de projets : réforme des retraites, pacte enseignant, refonte des grilles dans la fonction publique, création de France Travail, etc., craint Benoît Teste, de la FSU. Dans le calendrier annoncé, il y a volonté de faire tout ça dès le début du quinquennat." Emmanuel Macron a de son côté assuré vendredi vouloir "prendre le temps de la concertation", en évoquant une mise en place de la réforme "à l'horizon 2023".

"Grand rendez-vous social"

Pour lancer le chantier des réformes, Emmanuel Macron ne mise pas tant sur un "état de grâce" en ce début de deuxième quinquennat, que sur le fameux "changement de méthode" vanté tout au long de sa campagne. Il a d'ailleurs pris soin d'appeler les leaders syndicaux dans l'entre-deux-tours pour rassurer. Mais lundi, Bruno le Maire a lâché sur franceinfo qu'il ne pouvait pas "personnellement" garantir un non-recours à l'article 49.3 pour faire passer la réforme des retraites, laissant aux leaders syndicaux la perspective de négociations difficiles.

Pour le changement de méthode, les organisations restent donc méfiantes. "Je ne crois que ce que je vois, mais il est sûr que la concertation, ça ne peut pas être : 'La décision est prise et je vous invite à la mettre en œuvre'. Il faut qu'on soit entendus", prévient Yves Veyrier. "Pour l'instant, on est très dubitatifs, mais il faudra voir dans les faits", confirme Murielle Guilbert. 

Pour joindre les actes à la parole, Laurent Berger a demandé à Emmanuel Macron l'organisation d'un "grand rendez-vous social" pour "associer le plus grand nombre à la coconstruction des décisions." En 2012, François Hollande avait ainsi convoqué, dès le mois de juillet, une "grande conférence sociale", mais l'initiative n'avait pas été reconduite par son successeur en 2017.

"Monsieur le président, vous ne pourrez pas relever ces défis tout seul."

Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT

dans une tribune publiée dans "Le Monde"

Sur France inter, juste avant le second tour, le président a semblé faire un pas en ce sens : il a évoqué, sans trop de précisions, un rendez-vous social à l'été afin notamment d'évoquer la réforme des retraites. "Je pense qu'on peut le faire si on invente aussi une forme de dialogue social nouvelle", a répondu le locataire de l'Elysée au sujet de l'acceptabilité sociale de sa réforme. "On ne peut pas construire l'avenir du pays sans trouver un accord et [les partenaires sociaux] sont responsables."

a peut se conclure par la rue"

Lors du premier quinquennat, les syndicats ont parfois eu l'impression d'être mis de côté par le chef de l'Etat. "Il nous a méprisés et affaiblis, estime Benoît Teste. Au fondement du macronisme, il y a l'idée de dire : 'On peut se passer des syndicats, on s'en fiche'." Pour convaincre les partenaires sociaux, le chef de l'Etat devra donc démontrer qu'il a changé son logiciel, conseille l'ancien maire PS de Quimper, Bernard Poignant : "Emmanuel Macron pense que les syndicats sont très faibles et ne sont pas porteurs de l'intérêt général, mais il a tout intérêt à changer son regard."

Dans l'entre-deux-tours au siège de LREM, ce proche de François Hollande a participé à une rencontre sur le thème de la démocratie sociale organisée par Démocratie Vivante, un think tank situé dans l'aile gauche de la Macronie. "On nous a confié l'organisation de cette réunion publique de campagne. C'est quand même un marqueur", se félicite Aude de Castet, vice-présidente de l'association. Elle souhaite que, pour le nouveau quinquennat, "le slogan 'Avec Vous' ne soit pas qu'un slogan, mais aussi une méthode", car "la démocratie sociale est aussi une méthode d'acceptabilité pour la mise en place de toute réforme socio-économique".

De l'avis de tous les syndicats, si Emmanuel Macron n'ouvre pas la voie du dialogue, il prend le risque de se confronter à un automne social, au moment où sa réforme des retraites arrivera sans doute sur les pupitres du Parlement. "Si nous ne sommes pas entendus, nous n'aurons d'autres ressources que de faire appel aux salariés afin de manifester, voire d'aller à la grève", prévient déjà Yves Veyrier, de FO. "Il faut qu'il y ait un pas en avant vers les positions des représentants des salariés, réclame Murielle Guilbert. Sinon ça peut se conclure par la rue et par une désespérance comme on l'a vu lors du mouvement des 'gilets jaunes'." 

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