Conversion des voitures thermiques en électriques : le rétrofit, une réponse complémentaire pour "rouler tous les jours sans polluer l'air des villes"
Face à la transition écologique, une solution est plébiscitée par certains candidats à la présidentielle : le rétrofit, la transformation de son véhicule thermique en électrique. Deux ans après son autorisation en France, l'intérêt des professionnels et du grand public est grandissant.
Cet article fait partie de notre opération "Les focus de franceinfo", qui met en avant des sujets-clés peu traités dans la campagne présidentielle : le coût du logement, la crise de l'hôpital public, le tabou de la santé mentale et l'empreinte carbone des transports.
"Vous allez être déçue du son !", lance Arnaud Pigounidès, président fondateur de REV Mobilities, tout sourire en s'installant à bord de sa Peugeot 504 coupé datant de 1971. À l'intérieur, on fait un bond en arrière dans le temps. Sauf que sous le capot, pas de moteur thermique. À la place, des batteries électriques. Et on n'entend qu'une chose : le silence. "Vous êtes dans une voiture qui a 51 ans et qui va vivre encore 50 ans grâce à l'électrique, avec la pêche de l'électrique, s'enthousiasme-t-il. Et le fait qu'elle soit sans émissions, vous pourrez rouler tous les jours avec sans risquer de polluer l'air des villes."
La Peugeot a beau avoir quelques années sous le capot, elle démarre au quart de tour, avec une autonomie de 180 à 200 km. Mais le véhicule n'est pour l'instant qu'un prototype. Il n'a pas d'autorisation de rouler : actuellement, seuls quatre modèles (la 2CV, la 2CV fourgonnette, le 103 et le solex) sont homologués. "Les initiatives se prennent maintenant en vue d'homologation d'ici quelques mois et c'est sans doute à la fin de l'année ou en début d'année prochaine qu'on verra apparaître un plus grand volume des véhicules, sans doute utilitaires au début, explique Olivier Marchegay, directeur général du groupe REV Mobilities. Donc, vous verrez dans les rues des villes en 2023 des véhicules 'rétrofités', avec la surprise de voir des véhicules traditionnellement faisant du bruit diesel ne plus faire de bruit grâce à des moteurs électriques."
Le rétrofit, de 15 à 20 000 euros
La pratique est autorisée en France depuis le 4 avril 2020 et permet de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Pour "rétrofiter" son véhicule, il faut compter entre 15 et 20 000 euros, soit deux fois moins cher qu'une Renault Zoé achetée neuve. À cela peuvent s'ajouter des aides de l'État. Depuis le 1er juin 2020, le rétrofit électrique ouvre droit à une prime versée par l’État, qui peut aller jusqu'à 5 000 euros.
L'entreprise REV Mobilities s'adresse à trois marchés : la voiture ancienne, les flottes d'utilitaires des artisans – soit 6 millions d'utilitaires transformés par le neuf et par le rétrofit dans les prochaines années – et une division poids lourds et bus. Son ambition : "rétrofiter" 20 000 véhicules sur les trois prochaines années, ce qui ferait économiser plus de 120 000 tonnes de CO2, selon l'entreprise. "Pour le véhicule particulier aujourd'hui, le problème qu'il y a, il faut être honnête, c'est que le rétrofit est encore cher, comme l'électrique est encore cher, estime Arnaud Pigounidès. Vous prenez la différence entre une Clio diesel à 18 000 euros et une Zoé à 32 000 euros, c'est 14 000 euros, ce qui équivaut au poids et au volume des batteries pour avoir une autonomie suffisante."
"Aujourd'hui, pour les véhicules particuliers, on ne sent pas encore le marché se retourner. Ça arrivera d'ici 4 à 5 ans, une fois qu'on aura déjà bien avancé sur tous les secteurs les plus importants : les artisans, le transport, la logistique et aussi tous les véhicules les plus polluants."
Arnaud Pigounidès, président fondateur de REV Mobilitiesà franceinfo
Mais pour le patron de REV Mobilities, ce sont des économies futures. "Le prix au kilomètre de l'électrique est trois fois moins cher que l'essence, et peut-être même quatre fois moins cher dans les prochains mois parce que l'essence ne fait qu'augmenter, pointe-t-il. Vous faites donc des économies tout au long de la vie du véhicule électrique en ayant prépayé des batteries qui vous font faire des économies. Vous voyez le schéma, c'est assez vertueux."
Les utilitaires, cible principale à horizon 2025
Mais le rétrofit ne s'adresse pas qu'aux passionnés de voitures anciennes. "Techniquement, on peut 'rétrofiter' tous les véhicules, assure Aymeric Libeau, fondateur de Transition-One, une start-up qui transforme des véhicules, de la fiat 500 à la Twingo 2 en passant par la Clio 3. Ce qui compte c'est l'usage qu'on veut en avoir. Le rétrofit ne permet pas d'avoir 500 km d'autonomie parce qu'on va réutiliser les volumes qui ont été libérés. Les constructeurs automobiles sont en train de nous montrer aujourd'hui qu'il y a une course à l'autonomie. Mais est-ce qu'on va vraiment utiliser cette autonomie aussi souvent qu'on le pense ?"
"Aujourd'hui, on a plus de 10 000 demandes de rétrofit de véhicules qui viennent de France, mais aussi d'autres pays d'Europe et d'autres pays dans le monde. On va lancer nos commandes à la fin de l'année et on voit aujourd'hui qu'il y a un vrai intérêt sur ce type de solutions."
Aymeric Libeau, fondateur de Transition-Oneà franceinfo
La filière rétrofit souhaite s'attaquer aux flottes de bus des collectivités mais aussi aux véhicules des artisans, directement impactés par les Zones à faibles émissions (ZFE) qui seront mises en place au 31 décembre 2024 dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants. Les véhicules ayant des vignettes Crit’Air 5 et 4, soit les diesels les plus anciens, seront bannis. "C'est 43% du parc d'utilitaires qui ne pourra plus circuler", s'alarme Arnaud Pigounidès qui reconnaît que la demande "est extrêmement forte" concernant les utilitaires. "Ça va être horrible pour les artisans et donc ça les intéresse énormément de pouvoir changer la motorisation de leurs véhicules qu'ils utilisent tous les jours, qu'ils ont choyés et aménagés. C'est une superbe économie pour eux, donc on a une demande qui est époustouflante sur l'utilité."
Chez REV mobilities, le carnet de commandes s'allonge : plus de 2 000 commandes. "On a un partenariat avec une mutuelle des artisans et des professions alimentaires, la MAPA, qui montre qu'il y a un vrai succès, un vrai désir de transformer et surtout, ça fait faire des économies."
L'enjeu des objectifs de neutralité
Le rétrofit correspond à 66% de réduction de gaz à effet de serre, jusqu'à 87% sur des bus. Cette solution paraît faire d'autant plus sens alors que l'Europe interdira dès 2035 la vente des véhicules thermiques, avant leur interdiction complète en 2050. "On ne peut pas jeter 260 millions de véhicules, lâche Sébastien Rolo, patron de Lormauto à Lisieux (Calvados), on ne peut pas atteindre les objectifs de neutralité en passant exclusivement par un renouvellement du parc, ce n'est pas socialement acceptable de tout jeter." Sa startup récupère des anciennes Twingo pour les "rétrofiter". Son homologation devrait arriver dans les mois à venir.
"260 millions de voitures, si on les empile les unes sur les autres, c'est exactement la distance Terre-Lune."
Sébastien Rolo, patron de Lormautoà franceinfo
"Une chose est sûre, c'est qu'importer des véhicules électriques fabriqués en Asie, ça ne fait qu'alimenter l'économie de ces pays-là, poursuit-il. Quand on importe une voiture chinoise rebadgée sous une marque française, on a certes fait les choses pour la marque française, mais on a surtout payé des ouvriers qui travaillent très, très loin de chez nous."
"Vous imaginez bien que les garagistes, tous ces professionnels de l'automobile qui sont à proximité des clients, vont perdre 30 à 50% de leur activité avec la voiture électrique, rebondit Aymeric Libeau. Le rétrofit produit localement et permet à ces professionnels de l'automobile de trouver une nouvelle activité."
Que proposent les candidats à la présidentielle ?
Le rétrofit figure au programme de plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Alors que le candidat écologiste Yannick Jadot propose la transformation d'un million de véhicules, Valérie Pécresse en faisait son cheval de bataille en septembre 2020 en tant que présidente de la région Île-de-France, et souhaite aujourd'hui, en tant que candidate Les Républicains, développer la filière. Du côté du Parti socialiste, dans son programme, Anne Hidalgo souhaite renforcer "les aides à l’acquisition de véhicules électriques et au rétrofit par la création d’un prêt à taux zéro pour la mobilité durable." Une incitation au rétrofit qui figure aussi dans le programme de Jean-Luc Mélenchon qui souhaite aussi "renforcer la prime à la conversion."
"Actuellement, il ne se passe pas un jour sans que le rétrofit soit mentionné dans les médias nationaux, se félicite Amaury Lafonta, directeur commercial de REV Mobilities. Et si ce n'est pas le rétrofit, ce sont des formes d'aides à destination des ménages pour l'accessibilité à l'électrique qui, en fait, pour lequel le rétrofit est une excellente solution."
L'association AIRe, qui regroupe 15 sociétés spécialisées dans le rétrofit en France, propose même un plan du rétrofit, à une semaine du premier tour. Y figure dix propositions, de la mise en place d’un support équivalent à celui des 6 000 euros versés aux voitures neuves, à l'accompagnement de la filière dans sa communication vers le grand public, le soutien de la filière dans ses actions d’industrialisation, jusqu'à l'aide aux homologations.
L'objectif pour la filière : produire plus de deux millions de conversion avant 2032. "On a plus de 40 millions de voitures en parc, même si on avait 100% des véhicules vendus en électrique, il faudrait plus de 20 ans pour décarboner le parc existant, estime Stéphane Wimez, co-président de l'association AIRe. Et donc, nous, on est une approche complémentaire." Arnaud Pigounidès conclut : "On y participera pour que ça se fasse, peut-être entre 15 et 20 ans. C'est une super bonne nouvelle pour nos poumons, pour nos oreilles, pour le confort de conduite aussi, et puis, une bonne nouvelle aussi pour nos portefeuilles."
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