"Gilets jaunes" : à quoi faut-il s'attendre pour le 19e samedi de manifestation ?
Le week-end dernier a été marqué par de nombreuses violences à Paris, qui ont incité le gouvernement à durcir le ton. Ce 19e samedi du mouvement est donc marqué par des interdictions de manifester et le recours aux militaires de la force Sentinelle.
"Le mouvement n’existe plus, c'est le chant du cygne." Christophe Castaner, le ministre de l'Intérieur, voulait signer la fin du mouvement des "gilets jaunes" après les manifestations du 16 mars qui ont engendré de nombreuses violences sur les Champs-Elysées. Une semaine plus tard, la 19e journée du mouvement se prépare alors que le gouvernement a durci son discours et que les interdictions de manifester se succèdent dans plusieurs villes. Voici à quoi il faut s'attendre.
Des appels à manifester dans plusieurs villes
Contrairement au samedi 16 mars, qui avait été annoncé comme "mémorable" par les "gilets jaunes" et où le mouvement s'était concentré à Paris et avait donné lieu à des actes de violence et de saccage, cette 19e journée ne concernera pas uniquement la capitale. A Paris, certains lieux, comme les Champs-Elysées, la Concorde ou la place de l'Etoile, seront interdits aux manifestations. Les défilés devraient alors se dérouler dans d'autres quartiers.
La page Facebook "Gilets Jaunes Acte 19 : La Guerre est déclarée" donne rendez-vous devant l'Elysée. Un autre groupe, "Acte 19 Tous en Gilets Jaunes, on lâche toujours pas", appelle au calme avec un mot d'ordre : "pas de casse, pas de violence, des revendications". Il prévoit une manifestation qui partira de la place Denfert-Rochereau (14e arrondissement) pour se rendre au Parvis du Sacré-Cœur (18e arrondissement). Une des figures du mouvement, Eric Drouet, a assuré sur YouTube qu'il serait à Paris, mais qu'il ne participerait pas à cette manifestation. "Ils font ce qu'ils veulent, mais ce n'est pas ce qui fera bouger le gouvernement ou le mouvement", a-t-il lancé.
Hormis Paris, certains membres des "gilets jaunes" veulent faire de Nice l'épicentre de la 19e journée. Le rendez-vous a été donné à 10 heures place Garibaldi, a annoncé le site de Nice-Matin. "On manifestera à Nice sans être des voyous, on veut simplement exercer notre droit", a assuré à l'AFP Lucien Pons, professeur à la retraite. Johnny Toulouse, figure du mouvement niçois, prévoit pour sa part que cela "va chauffer à Nice". D'où la réaction du maire, Christian Estrosi, sur Twitter.
#Acte19 Suite à l’appel national à manifester à #Nice06 lancé aujourd'hui sur les réseaux sociaux et après le chaos de #Paris, je demande au Premier ministre @EPhilippePM et au ministre de l’Intérieur @CCastaner d’interdire tout rassemblement à Nice. pic.twitter.com/anC1g7FkwI
— Christian Estrosi (@cestrosi) 19 mars 2019
A Montpellier, un appel à la manifestation a également été lancé: "Il y a des covoiturages et des hébergements prévus pour les personnes en provenance de Marseille et Toulouse. Notre appel a été relayé par Priscillia Ludosky, nous attendons du monde", confirme un membre des "gilets jaunes" de la ville. "La manifestation sera importante mais nous n'attendons pas de déferlement. Nous serons vigilants", a assuré la préfecture à l'AFP.
D'autres villes comme Bordeaux (place de la Bourse), Toulouse (allée Jean-Jaurès), et Metz (place de la République) sont concernées. Dans cette dernière, les rassemblements seront autorisés, mais pas les défilés. A La Rochelle, une manifestation (qui n'a pas été autorisée par les autorités) est prévue par les "gilets jaunes" et s'accompagne d'appels "à des actions de dégradations massives et d'atteintes physiques aux forces de l'ordre", selon la police. Une autre figure des "gilets jaunes", Priscillia Ludosky, a pour sa part annoncé qu'elle se rendrait à Lille.
Tourcoing-Lille
— Priscillia.L (@PLudosky) 21 mars 2019
Rdv samedi
Va falloir se lever tôt ♀️
Enfin, à Guéret, plutôt que d'organiser une manifestation, les "gilets jaunes" appellent à des blocages de camions à des endroits stratégiques de la ville.
Des secteurs interdits aux manifestations
Mardi, Edouard Philippe a fait plusieurs annonces en réponse aux violences du samedi dernier. La principale : l'interdiction de manifester dans certains lieux emblématiques comme les Champs-Elysées à Paris, la place Pey-Berland à Bordeaux, ainsi que la place du Capitole à Toulouse (la liste des interdictions de manifester est à retrouver ici). Les Champs-Elysées et ses abords, la place de l'Etoile ainsi qu'un périmètre incluant le palais de l'Elysée et l'Assemblée nationale ont été officiellement interdits aux manifestations du samedi 23 mars par la préfecture de police.
La préfecture de Haute-Garonne a annoncé, vendredi, qu'elle interdisait les manifestations ou rassemblements de "gilets jaunes" samedi sur la place du Capitole à Toulouse, près de laquelle ce mouvement a prévu un départ de cortège. A Marseille, la préfecture de police des Bouches-du-Rhône a annoncé vendredi l'interdiction de toute manifestation dans le centre de la ville par crainte de heurts entre militants d'extrême gauche et d'extrême droite. Une manifestation contre le racisme et l'antisémitisme, programmée samedi à Marseille et non déclarée en préfecture, pourrait servir de théâtre à une rixe entre les deux mouvances.
A Nice, le maire de la ville, Christian Estrosi, a demandé à la préfecture une interdiction de manifester dans un "périmètre défini". Il a obtenu gain de cause : une partie de la ville (notamment le centre commerçant) est interdite aux manifestations. Pourtant, les "gilets jaunes" ont maintenu leur appel à défiler dans ce secteur.
Je remercie le @prefet06 qui vient de m’informer que le @gouvernementFR prendra conformément à ma demande un arrêté d’interdiction de manifester sur un périmètre défini par le ministre de l’Intérieur @ccastaner. Je n’accepterai jamais que #Nice06 soit la proie des casseurs.
— Christian Estrosi (@cestrosi) 20 mars 2019
Les militaires de Sentinelle mobilisés
Pour limiter les débordements, le gouvernement a appelé en renfort les militaires de l'opération Sentinelle. Une mesure qui a soulevé plusieurs questions. Le gouvernement a voulu éviter toute ambiguïté en assurant que les militaires ne seraient mobilisés que pour assurer des gardes fixes et statiques devant certains bâtiments. "Ils ne feront pas face aux manifestants", a assuré à franceinfo le colonel Guillaume Thomas, porte-parole adjoint de l'état-major des armées.
L'opposition a néanmoins condamné cette décision. Interrogé par franceinfo, un militaire, qui souhaite rester anonyme, redoute de se retrouver face à des manifestants, malgré les déclarations rassurantes de ses supérieurs. "On n'a pas le matériel nécessaire, parce qu'on n'a que des matraques télescopiques et des petites gazeuses à main, comme les filles ont dans leur sac. Après, c'est directement le fusil d'assaut."
Le gouverneur militaire de Paris, Bruno Leray, a précisé les conditions d'intervention des militaires pour franceinfo : "Ils sont soumis au même cadre légal que les forces de sécurité intérieure et ils ont différents moyens d'action pour faire face à toute menace. Ça peut aller jusqu'à l'ouverture du feu. Ils donnent des sommations. C'est arrivé par le passé, au Louvre ou à Orly. Ils sont parfaitement à même d'apprécier la nature de la menace et d'y répondre de manière proportionnée. [Ce qui peut aller jusqu'à ouvrir le feu] si leur vie est menacée, ou celle des personnes qu'ils défendent, évidemment."
Des propos qui ont suscité la stupeur de Jean-Luc Mélenchon, déjà très remonté contre la mesure. Le patron de La France insoumise a écrit au Premier ministre pour dénoncer des paroles "graves [qui] nourrissent une escalade mortelle". Face à la presse, il a également envoyé un message aux militaires : "Nous avons compris que leur avis n'a pas été sollicité. Nous disons à nos militaires que notre confiance en eux est totale. Nous leur demandons de n'accomplir aucun acte contraire aux conventions internationales même s'ils en reçoivent l'ordre."
J'adresse un appel aux militaires. Nous avons compris que leur avis n'a pas été sollicité. Nous disons à nos militaires que notre confiance en eux est totale. Nous leur demandons de n'accomplir aucun acte contraire aux conventions internationales même s'ils en reçoivent l'ordre.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 22 mars 2019
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