Moratoire fiscal sur les carburants : "Le gouvernement a mis des choses sur la table mais cela arrive un peu tard"
"Les premières remontées semblent montrer que le compte n'y est pas" prévient le politologue Jérôme Fourquet.
"Le gouvernement a mis des choses sur la table mais cela arrive un peu tard", a estimé mardi 4 décembre sur franceinfo le politologue Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’IFOP, après l'annonce par le Premier ministre Edouard Philippe d'un moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants ainsi que du gel de la hausse du prix de l'électricité et du gaz. Le politologue souligne également que le calendrier et le fait que ces mesures soient avancées par Edouard Philippe "sont de nature à ne pas optimiser et rendre pleinement efficaces ces annonces".
franceinfo : le moratoire annoncé par Edouard Philippe, est-ce la bonne manière de répondre aux "gilets jaunes" ?
Jérôme Fourquet : ces annonces, qui sont conséquentes, interviennent peut-être un peu tard. Le mouvement a pris de l'ampleur, de la force. Le cahier des doléances s'est élargi. Donc on peut avoir une interrogation sur l'efficacité de cette mesure et son coût politique. Le gouvernement a mis des choses sur la table mais cela arrive un peu tard. Le fait que ce soit Edouard Philippe qui porte ces annonces est compréhensible. C'est lui le chef du gouvernement. Mais on a vu que toutes les revendications s'adressaient directement à Emmanuel Macron. Les "gilets jaunes" et les Français veulent entendre Emmanuel Macron. Sans doute y a-t-il une prise en compte de la situation, mais le calendrier et l'émetteur sont de nature à ne pas optimiser et rendre pleinement efficaces ces annonces. Le but recherché est de faire cesser le mouvement au plus vite. Les premières remontées semblent montrer que le compte n'y est pas.
Ce moratoire, c'est une épée de Damoclès ?
C'est très anxiogène. Du coté des "gilets jaunes" on doit estimer que le gouvernement cherche à gagner du temps. Et on se dit qu'il y a un risque que les taxes reviennent à un moment. On se dit, si on est "gilet jaune", "le rapport de forces est en notre faveur et il faut pousser notre avantage". On voit bien que le mouvement s'est politisé, s'est élargi. On rappelle que le déclencheur, c'est une hausse de quelques centimes sur le prix des carburants. Maintenant on est sur l'ISF, la taxation des Gafa, la dissolution de l'Assemblée nationale. Bien évidemment, toutes ces revendications ne sont pas pleinement partagées par tous les gens qui se revendiquent ou qui se reconnaissent dans le mouvement des "gilets jaunes". Un certain nombre d'entre eux ont cette revendication et, a minima, ils vont estimer qu'ils vont avoir une garantie ferme et nette de l'enterrement des mesures qui étaient prévues sur la hausse de la fiscalité énergétique.
Ces annonces ne sont pas suffisantes pour faire cesser la mobilisation ?
Il faut être prudent. C'est un mouvement qui n'est pas structuré, qui est protéiforme. Mais les premiers retours qu'on a pu avoir et la détermination qu'on a pu observer depuis quelques semaines montrent que tout cela a pris corps. Il faut rappeler que beaucoup de ces "gilets jaunes" ne sont pas des professionnels de l'action politique ou syndicale. Tout cela nous laissait penser qu'on était face à quelque chose qui était en train de prendre une certaine consistance et qu'il serait difficile de faire entrer la rivière dans son lit.
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