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Que s'est-il passé lors de l'irruption de "gilets jaunes" en pleine nuit devant le domicile de Marlène Schiappa au Mans ?

La secrétaire d'Etat a porté plainte lundi, dénonçant notamment des "menaces de mort". Une vidéo, tournée par un participant, montre des insultes et des jets de pétards, mais aucune menace.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La secrétaire d'Etat Marlène Schiappa lors d'un meeting de campagne de La République en marche pour les élections européennes, à Toulouse, le 17 mai 2019. (SANDRA FASTRE / AFP)

"Cette violence est intolérable !" La secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité femmes-hommes Marlène Schiappa a dénoncé, dans un message publié lundi 27 mai sur Facebook, l'irruption d'un groupe de "gilets jaunes" devant son domicile familial au Mans (Sarthe), dans la nuit de vendredi à samedi. Elle explique notamment avoir été visée par des menaces de mort, qui l'ont poussée à déposer plainte lundi.

Une enquête a été ouverte, a confirmé le procureur de la Sarthe à franceinfo. Mais le déroulé des faits rapportés par la secrétaire d'Etat est remis en cause par des "gilets jaunes" sur les réseaux sociaux, se référant à une vidéo tournée par un des participants à ce cortège. 

"Des menaces de mort" explicites, selon la secrétaire d'Etat

Marlène Schiappa, qui explique qu'elle se trouvait à son domicile avec son mari, ses deux filles et une amie de ces dernières, affirme que la famille a été "violemment [tirée] du lit", peu avant 1 heure du matin samedi, "par une quarantaine de 'gilets jaunes' furieux qui ont déboulé devant chez nous, sous nos fenêtres".

Ce groupe de "gilets jaunes" a, selon la secrétaire d'Etat, hurlé "des slogans agressifs", dont "des menaces de mort" : "Schiappa, on est venus pour te crever !""C'est ton dernier jour", a-t-elle énuméré lundi sur RMC.

Elle décrit également des jets de pétards en direction de son domicile, l'utilisation de cornes de brume, des "bruits de frappes sur les portes / fenêtres", et accuse les manifestants d'avoir "dégradé la porte" en y collant une affiche, et tagué la chaussée et "les environs".

""On a clairement franchi une ligne rouge", a-t-elle déploré sur franceinfo lundi, précisant, dans son texte sur Facebook : "On ne touche pas aux enfants." Marlène Schiappa y décrit ses filles, persuadées "que les 'gilets jaunes' disant sans cesse dans des manifs à la télé, ou sur Facebook, qu'ils vont tuer le gouvernement sont venus le week-end de la Fête des mères mettre leurs menaces à exécution, tuer leur mère et envahir leur maison".

Une vidéo diffusée sur Facebook

Une vidéo de la scène confirme une partie du récit de la secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un Facebook Live, c'est-à-dire une diffusion en direct par un internaute, retransmise sur la page Direct 21 INFO officiel. Encore visible mardi matin, et consultée par franceinfo, elle a été retirée dans l'après-midi. "Facebook l'a censurée", a expliqué à franceinfo une administratrice de la page.

On voit sur cette vidéo un cortège de "gilets jaunes" prendre part à une manifestation dans les rues du Mans. Deux heures après le début de cette vidéo, le groupe arrive au domicile de Marlène Schiappa. L'idée de cette cible n'a émergé que pendant la manifestation, affirme Romuald, l'auteur des images, joint par franceinfo. La maison de la secrétaire d'Etat est la seule que l'on voit ainsi prise pour cible. En revanche, tout le parcours des "gilets jaunes" est émaillé de chants et de jets de pétards et certains laissent sur leur passage des affiches et des tags sur la chaussée.

"Des cris et des lancers de pétards dans la rue"

Il reste une quarantaine de personnes quand le cortège arrive devant le domicile de Marlène Schiappa, confirme Romuald. Les manifestants s'arrêtent alors, et les images montrent que certains lancent des pétards, de faible puissance, en direction de la maison. Le bruit est suffisant pour attirer l'attention du voisinage, comme Nidale, habitant d'une maison à quelques mètres de là, interpellé par "des cris et des lancers de pétards dans la rue".

L'un d'eux colle une affiche sur la porte. Le groupe, accompagné de sifflets et d'une trompette, reprend des chants scandés depuis le début de la manifestation, comme "Et la rue, elle est à qui ? Elle est à nous !", "Anti, anticapitalistes, aha" ou encore "On est là, même si Macron ne veut pas, nous on est là"Des slogans s'adressent plus directement à Marlène Schiappa : "On va aller chercher les impôts là, oh !", lance un homme. Des insultes sont proférées, dont "enfoirée" et "collabo""Salope ! Sors de là, salope !", crie une femme à plusieurs reprises.

La vidéo, en revanche, ne permet de distinguer une menace de mort proférée par les manifestants. Il est toutefois possible que ces propos aient été couverts par les chants ou les commentaires du vidéaste. Les manifestants restent par ailleurs à quelques mètres de la maison, et on ne voit aucun d'entre eux frapper les portes ou les fenêtres, ni tenter de s'y introduire. Selon Le Point, qui dit avoir consulté le rapport de la police locale sur cet incident, celui-ci affirme également que Marlène Schiappa a été insultée, mais pas menacée, et note qu'un tag "GJ" a été réalisé devant son domicile.

Une intervention de police, mais pas d'arrestations

Au bout de moins de deux minutes, un homme présenté comme le mari de Marlène Schiappa finit par ouvrir la porte. On le voit s'adresser à la foule, mais ses propos ne sont pas audibles, couverts par des chants qui redoublent alors d'intensité"Quelqu'un m'a dit qu'il avait expliqué que sa femme n'était pas là", se souvient Romuald. Quelques instants plus tard, l'homme rentre dans son domicile, et on voit le groupe quitter les lieux.

Ce départ a eu lieu juste avant l'arrivée des forces de l'ordre, a expliqué Marlène Schiappa sur RMC. La vidéo ne montre aucune intervention de la police. On y voit le groupe reprendre sa marche sans empressement et continuer sa déambulation pendant au moins vingt minutes. Mais Romuald confirme que la police s'est bien rendue sur les lieux "quelques minutes après" : "Il y avait encore trois personnes derrière moi quand je suis parti, les policiers ont juste demandé leurs trois identités, mais n'ont rien fait de plus".

Il affirme que les participants ne pensaient pas enfreindre la loi : "Pour nous, Marlène Schiappa n'était pas à l'intérieur, donc on ne risquait rien". Les images ne montrent, au moment de leur arrivée, aucune lumière allumée dans la maison de la secrétaire d'Etat. En revanche, les manifestants ont tout de même fini par renoncer à leur idée initiale de poursuivre la soirée en se rendant devant les domiciles d'autres responsables de La République en marche vivant au Mans : "Ça ne s'est pas fait, les participants à cette manifestation ne voulaient pas avoir de soucis."

Selon une administratrice de la page Facebook où figurait la vidéo, Romuald a été invité, mardi, à se présenter à la gendarmerie. Contacté par franceinfo, le parquet a refusé de commenter le déroulement des faits, mais précise qu'aucune interpellation n'a eu lieu dans cette affaire. De son côté, le cabinet de Marlène Schiappa n'a pas répondu à nos sollicitations mardi.

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