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Vidéos "On est prêts à passer Noël ici" : on a suivi les "gilets jaunes" d'Hirson, dans l'Aisne, pendant une semaine

Une équipe de France 2 est restée plusieurs jours avec un groupe de "gilets jaunes", en région Hauts-de-France, entre le lundi 26 et le vendredi 30 novembre.

Article rédigé par franceinfo
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Angélique et Benjamin comptent parmi les "gilets jaunes" de Hirson, dans l'Aisne, en novembre 2018. (FRANCE 2)

Au plus fort du mouvement, les "gilets jaunes" de Hirson (Aisne) étaient 400, rassemblés autour d'un rond-point de cette commune de 9 000 habitants. Aujourd'hui, ils sont moins nombreux, mais toujours soutenus par les klaxons des automobilistes et décidés à tenir "jusqu'à Noël, et même au Nouvel An"Il faut dire que dans cette ville, où s'est rendue une équipe de France 2 pendant plusieurs jours, le taux de chômage est d'environ 16%.

Pour les manifestants, qui se réchauffent les mains près d'un feu de palettes, le problème va donc bien au-delà de la hausse du prix du carburant. Ici, les manifestants veulent, entre autres, qu'Emmanuel Macron "dégage" et que la TVA soit supprimée : "Il avait qu'à réagir avant, la colère n'est pas d'aujourd"hui." "Si on entend Hulot, ça va être la fin du monde bientôt. Mais nous, ce qu'on voit, c'est déjà la fin du mois", lâche un manifestant, béret rouge sur la tête et pancarte anti-Macron à la main.

Le discours de Macron ne convainc pas

Le lendemain, mardi 27 novembre, ils sont une soixantaine à braver de nouveau le froid pour s'installer sur le rond-point. Certains refusent d'écouter le discours du chef de l'Etat, tandis que d'autres s'y intéressent de près, portable vissé à l'oreille. La "grande concertation" sur la transition écologique annoncée par le président ? "C'est pas ce qu'on demande", déplore une jeune femme.

Nous, ce qu'on lui demande, c'est de baisser les taxes, qu'on arrête d'être en galère à la fin du mois, qu'on arrête de trimer.

Une "gilet jaune" de Hirson

à franceinfo

A plusieurs reprises, Emmanuel Macron évoque leur colère, mais beaucoup sont finalement déçus : "Ҫa ne sert à rien ce qu'il dit, qu'il passe à l'action !", réclame-t-on. Plusieurs finissent par renoncer en cours de route. "Soyons francs, il revient toujours sur la même chose, le climat, et finalement, il ne dit rien", estime une autre manifestante. Après le discours, une partie des manifestants se rassemblent dans la maison de l'un d'eux et décortiquent les propositions du chef de l'Etat. "Je pense qu'il n'a pas entendu les Français. Le pouvoir d'achat est absent de son discours", pointe un "gilet jaune".

 

Des manifestants paupérisés

Parmi les déçus du président, Angélique, une intérimaire qui fait vivre sa famille avec 1 000 euros par mois, en cumulant les allocations familiales et différentes aides. Pour cette manifestante qui paie 70 euros son plein de carburant, la voiture est devenue un luxe. "On essaie de limiter les déplacements comme on peut, mais comme ici y'a rien on est obligés de s'en servir et du coup, forcément, ça coûte de l'argent", témoigne-t-elle.

Idem pour Benjamin, qui vit avec sa femme et son enfant dans une maison prêtée par sa mère. Ce maçon touche le RSA en fonction de ce qu'il gagne sur ses chantiers, mais cela ne suffit pas : "900 euros, ce n'est pas énorme. Arriver à la fin du mois et ne plus réussir à vivre correctement... C'est un ras-le-bol général." Sur le rond-point d'Hirson, ces deux "gilets jaunes" sont le symbole d'une France paupérisée, qui s'éloigne progressivement des classes moyennes.

 

Le soutien des habitants

Benjamin a un profond sentiment de déclassement, notamment au supermarché. "C'est rare qu'on fasse des grosses courses, explique-t-il au côté de sa compagne. J'y vais deux-trois fois dans la semaine."

J'achète ce qu'il faut au fur et à mesure. C'est peut-être pire mais ça reste des petites sommes, ça fait moins peur.

Benjamin, "gilet jaune" à Hirson

à France 2

Le supermarché de la commune se trouve à quelques centaines de mètres du rond-point où se réunissent les "gilets jaunes". La mobilisation s'est aussi déplacée devant ses portes, pour une heure de blocage, au grand dam de certains clients. "Il ne faut pas embêter les gens dans leur quotidien", lâche ainsi l'un d'entre eux. Après une heure de blocage, les "gilets jaunes" arrêtent leur opération.

Mais malgré les râleries, les consommateurs solidaires sont plus nombreux que les mécontents. Sur le rond-point occupé par les manifestants, même constat. Des denrées alimentaires viennent d'être déposées par des automobilistes : des pains au chocolat, des pains aux raisins. "Un peu de réconfort pour le matin", résume un "gilet jaune". Pour le déjeuner : six pizzas offertes par un restaurateur d'Hirson. "Ça fait toujours chaud au cœur, c'est que les gens nous soutiennent, explique une manifestante. C'est bon pour le moral."

Un boulanger apporte même chaque soir ses invendus aux "gilets jaunes". "Nous, on n'est pas présents sur place à cause de notre travail, on s'est dit qu'on pouvait les aider autrement", explique Laurent Fleury. Pourtant, le mouvement a aussi des conséquences sur les commerçants de la commune. Des propriétaires d'une quincaillerie partagent ainsi les revendications du mouvement, mais aimeraient qu'il s'arrête : le magasin est déserté par les clients. Mais pas question pour les "gilets jaunes", pour l'instant, d'arrêter la mobilisation.

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