"Gilets jaunes", grande concertation, fiscalité des carburants adaptée… Ce qu’il faut retenir du discours d’Emmanuel Macron sur la transition énergétique
Le chef de l'Etat s’est exprimé mardi pour répondre aux inquiétudes soulevées par le mouvement des "gilets jaunes", tout en maintenant le cap fixé par le gouvernement pour sortir de l’énergie fossile.
"Nous pouvons transformer les colères en solutions." C’est sur cette formule qu’Emmanuel Macron a achevé son discours, mardi 27 novembre, devant des personnalités et des élus engagés dans la lutte contre le changement climatique, à l’Elysée. Le chef de l’Etat a présenté la très attendue Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et fixé "le cap de la transition énergétique" pour les prochaines décennies tout en répondant à la fronde des "gilets jaunes", après dix jours d'un mouvement citoyen inédit contre l'augmentation des taxes sur le carburant.
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Le président a assuré qu'il entendait ces "protestations d'alarme sociale". "Mais il y a aussi une alarme environnementale", a-t-il défendu, détaillant le cap de l’exécutif, les mesures et la méthode pour parvenir à concilier "transitions écologique et sociale". Voici ce qu’il faut retenir de son intervention.
Sur les "gilets jaunes" : compréhension de la colère mais intransigeance face aux violences
Rassurer… Le chef de l'Etat s'est attelé à rassurer les "gilets jaunes". "Je crois comprendre très profondément les attentes et les frustrations, ces colères sourdes, ces rancunes et ses rancœurs des citoyens", qui durent depuis "plusieurs décennies", a affirmé Emmanuel Macron. En cause, selon lui : "Des vies empêchées et bloquées par les taxes et les normes" pour "ceux qui roulent beaucoup et qui [ont] déjà du mal à finir leurs fins de mois". "Ils [les manifestants] disent que ce sont toujours les mêmes qui font les efforts et ils ont raison", a reconnu Emmanuel Macron, qui les a présentés comme les victimes de "la facture de quarante ans de petites décisions, d'évitements".
C'est une France à qui on a demandé beaucoup. On ne peut pas considérer qu'on fera une France nouvelle sans elle, ou malgré elle.
Emmanuel Macronà l'Elysée
Sans compter que "les inégalités sociales (...) sont bien souvent doublées d'inégalités environnementales", a ajouté le président, remarquant que ceux qui vivent dans "les passoires thermiques, les logements mal isolés" sont souvent "les citoyens les plus modestes".
Face à ces inquiétudes, Emmanuel Macron s'est prononcé pour "une écologie populaire" et a promis que la transition écologique ne rendrait pas "encore plus difficile la situation de nos citoyens en zone rurale ou périurbaine".
Je refuse cette alternative dans laquelle on voudrait nous plonger et qui dirait : 'l'écologie est un truc d'urbains et de bobos'.
Emmanuel Macronà l'Elysée
… mais refuser les violences. En parallèle de ce message rassurant, Emmanuel Macron s'est opposé aux violences commises lors de certains rassemblements. "Le respect, la décence commune s'imposent partout dans le pays", a-t-il rappelé, martelant qu'il "ne céderai[t] rien à ceux qui veulent faire passer le désordre". Tout en assurant qu'il "ne confond[ait] pas ces actes inacceptables avec les manifestations sur lesquelles ils se sont greffés".
Je ne confonds pas les casseurs avec les citoyens qui veulent faire passer un message.
Emmanuel Macronà l'Elysée
Il a aussi envoyé un message à ses opposant politiques : "On ne peut pas avoir demandé la taxe carbone il y a quelques années et dénoncer aujourd'hui la hausse du prix des carburants", assurant qu'il "n'aur[ait] aucune faiblesse à l'égard de ceux qui manipulent, instrumentalisent et cherchent la violence".
Sur le cap : plusieurs annonces pour soutenir la transition écologique et énergétique
Emmanuel Macron l’a annoncé d’emblée : le gouvernement ne changera pas de cap en matière de transition écologique. "On ne peut pas être le lundi pour l'environnement et le mardi contre l'augmentation des prix du carburant", a-t-il martelé. Car la pollution fait déjà de nombreuses victimes en France, a-t-il rappelé, chiffres à l’appui : "Toutes les dix minutes, un Français meurt prématurément de la pollution", soit "48 000 décès par an. C'est plus que tous les accidents de la route, les meurtres, les noyades, les suicides et les accidents domestiques réunis."
Le chef de l’Etat a ainsi rappelé l’un des objectifs principaux du plan de transition énergétique : "Passer d'une France où 75% de l'énergie consommée est d’origine fossile à une France où, en 2050, la production et la consommation seront totalement décarbonées." Pour parvenir à cette "désintoxication", le président a fait plusieurs annonces :
La création d’un Haut Conseil pour l'action climatique. "Il doit permettre de rétablir des faits, des vérités scientifiques", a expliqué Emmanuel Macron. Et d’ajouter : "On ne peut pas permettre de confronter des avis sur des fausses informations et des contre-vérités." Ce Haut Conseil, chargé d’apporter un éclairage indépendant sur la politique du gouvernement en matière de climat, sera présidé par la climatologue franco-canadienne Corinne Le Quéré, et composé de douze autres scientifiques, économistes, ingénieurs et experts, précise la présidence dans un communiqué. Il est d'ores et déjà qualifié de superflu par l'opposition et des ONG.
La fermeture de 14 réacteurs nucléaires d’ici à 2035. En préambule, Emmanuel Macron a rappelé que le "nucléaire nous permet aujourd’hui de bénéficier d'une énergie décarbonée et à bas coûts". "Je n'ai pas été élu sur un programme de sortie du nucléaire mais sur une baisse de 50% de la part du nucléaire dans notre mix énergétique", a-t-il indiqué, précisant que l’échéance pour atteindre cet objectif avait été repoussée à 2035. D’ici là, 14 des 58 réacteurs nucléaires auront été arrêtés, a-t-il annoncé. En plus des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), qui fermeront "à l'été 2020", quatre à six supplémentaires doivent s'arrêter d'ici à 2030, a-t-il précisé. C'est EDF qui devra fixer la liste précise des réacteurs concernés, mais il n'y aura "aucune fermeture complète des sites", a assuré Emmanuel Macron.
Un investissement de 7 à 8 milliards d’euros par an dans les énergies renouvelables. Pour pallier la baisse de la part des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) et du nucléaire dans la production d’énergie en France, Emmanuel Macron a insisté sur la nécessité de développer les énergies renouvelables, avec, "à l'horizon 2030", un triplement de l'éolien terrestre et une multiplication par cinq du photovoltaïque. Concernant l'éolien en mer, le premier parc sera mis en service au large de Saint-Nazaire durant le quinquennat "et nous lancerons quatre nouveaux appels d'offres". Le soutien à l’essor de ces énergies va passer de 5 milliards d'euros actuellement "à 7 à 8 milliards d'euros par an", a annoncé le président. Dans le détail, les dépenses annuelles doivent atteindre jusqu'à 8 milliards d'euros d'ici la fin de la PPE, qui s'achève en 2028, selon l'Élysée. Cela représente un total de 71 milliards d'euros de soutien aux énergies renouvelables sur 2019-2028.
Sur la méthode : une concertation de trois mois dans toute la France
Une "grande concertation". Outre ces mesures, le chef de l'Etat a annoncé une "grande concertation de terrain" durant trois mois. Objectif : que "les acteurs économiques, sociaux et les territoires" construisent ensemble des "solutions et méthodes d'accompagnement" dans la transition écologique.
Emmanuel Macron invite "toutes les associations intéressées", y compris "les manifestants des 'gilets jaunes'", à "y prendre part et proposer des solutions".
Ils évoquent la fin du monde et nous on évoque la fin du mois. On va traiter les deux.
Emmanuel Macronà l'Elysée
"Le problème que nous avons aujourd'hui, c'est la déclinaison programmatique des solutions que nous apportons", a justifié le chef de l'Etat. "Nous n'avons pas réussi, en méthode, à faire en sorte que les solutions et les accompagnements soient au rendez-vous pour tout le monde, c'est vrai", a reconnu Emmanuel Macron, qui a cité l'exemple du chèque-énergie. "Le chèque-énergie, [les citoyens] ne savent pas ce que c'est et, en toute vérité, moi non plus !" "Quand ça n'est pas assez concret, assez simple, les gens ne l'utilisent pas."
Vers une taxe sur les carburants modulable ? Autre solution apportée pour tenter d'apaiser les "gilets jaunes", le président a ouvert la porte à une éventuelle modulation de la taxe sur les carburants (TICPE) en fonction de leur cours mondial. "Il nous faut construire une méthode pour (...) adapter toute nouvelle hausse de la taxe à l’évolution des prix du pétrole", a assuré Emmanuel Macron. En clair : baisser la taxe en cas de nouvelle "envolée des cours mondiaux", afin que les automobilistes les plus dépendants des carburants n'en paient pas le prix.
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