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Blocages du 17 novembre : la place de la voiture "continue de monter" dans les "territoires ruraux"

Le sociologue Éric Le Breton affirme que les territoires ruraux sont encore très dépendants de la voiture. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des voitures se croisent sur une route de campagne. (GERARD HOUIN / MAXPPP)

"Les ruraux consacrent 20% de leur budget mensuel au seul poste des transports. C'est absolument énorme !", a indiqué le sociologue Éric Le Breton vendredi 16 novembre sur franceinfo, alors que les "gilets jaunes" se mobilisent dans toute la France, samedi 17 novembre, pour protester contre la hausse des carburants. "Ça fait 50 ans qu'on concentre toutes les innovations de mobilité dans le coeur des grandes agglomérations", a-t-il commenté en pointant la faiblesse des investissements dans les autres territoires. Pour lui, "ce mouvement des 'gilets jaunes' est intéressant car il permet d'en discuter et de mettre le problème sur la table".

franceinfo : La voiture est-elle encore une nécessité pour la majorité d'entre nous ?

Eric Le Breton : Exactement ! Les gens du rural, les gens du périurbain, n'ont pas le choix et on sait qu'aujourd'hui, la place de la voiture baisse significativement dans le coeur de certaines grandes agglomérations. Mais elle continue de monter sur tous les autres territoires.

Est-ce que ça veut dire que notre pays n'évolue finalement pas ou très peu sur ce sujet ?

Ça fait 50 ans qu'on concentre toutes les innovations de mobilité dans le coeur des grandes agglomérations : les métros, les tramways, les gares multimodales, les parkings sympas et accueillants. Dès qu'on franchit les premières couronnes, on a plus de fiscalité, des services techniques très minces et sans compétences suffisantes sur ce domaine. Des élus qui n'ont pas les moyens de tout faire et puis des territoires qui en plus sont compliqués parce que c'est peu dense, c'est très dispersé, les distances restent bien évidemment longues. Par conséquent, ce mouvement des gilets jaunes est intéressant car il permet d'en discuter et de mettre le problème sur la table.

Est-ce que la question de la récupération politique vous semble pertinente ?

Il faut peut-être commencer par prendre les revendications telles qu'elles sont formulées. C'est vrai que quelques centimes de plus au litre ça va coûter dix euros de plus au mois, mais dix euros de plus au mois pour des gens qui ont un smic, la question se pose. Il faut aussi prendre en compte les chiffres de l'INSEE. Par exemple, l'enquête 'budget ménages de 2011 ' qui montre que les ruraux (entre 15 et 18 millions de français), consacrent 20% de leur budget mensuel au seul poste des transports. C'est absolument énorme !

Applique-t-on les mêmes mesures pour tout le monde ?

Oui, tout à fait. Il y a un autre élément qu'il faut absolument prendre en compte, c'est la situation du marché du travail. Parce que l'inquiétude des personnes qui vont éventuellement se mobiliser, ce n'est peut-être pas tant des questions d'aménagement du territoire. Mais plutôt une question de précarisation du marché du travail. Si d'un côté, on ponctionne de plus en plus une fiscalité lourde sur le carburant, et qu'en plus les gens se sentent précarisés dans les situations d'emplois, on a là une contradiction qui devient très dure à vivre et très angoissante.

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