Cet article date de plus de trois ans.

Prix des carburants : "par nécessité", ces automobilistes traquent sur leur téléphone les stations les moins chères

Article rédigé par Robin Prudent, Vincent Matalon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Une station-service à Paris, le 16 octobre 2021. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS / AFP)

Avec les nouveaux records de prix du gazole et du sans-plomb en France, les applications qui comparent les tarifs des stations-service ont vu leur trafic exploser.

Chaque jour, le même rituel. Inès, étudiante en physique-chimie à Marseille, allume son smartphone et jette un œil à Essence&CO, une application qui compare le prix des carburants dans toutes les stations-service de France. "Avant, je l'utilisais de temps en temps, par curiosité, explique la jeune femme de 20 ans. Mais là, avec les prix qui flambent, c'est devenu une nécessité." Avec son petit boulot de secrétaire à côté de ses études, Inès est obligée de parcourir une trentaine de kilomètres par jour en voiture. Mais pas question de faire un plein complet avec ces prix exorbitants. "Je n'ai mis que 30 euros tout à l'heure, ça fait mal au cœur de mettre aussi cher dans de l'essence", confie-t-elle.

Inès n'est pas la seule à s'être retrouvée dans une situation délicate ces dernières semaines. Lundi 18 octobre, le prix du litre de gazole a atteint 1,5583 euro en France, un record, selon les chiffres du ministère de la Transition écologique. Pour l'essence SP95, le prix du litre a atteint 1,6567 euro en moyenne. En moins d'un mois, la facture s'en ainsi envolée d'environ cinq euros pour chaque plein de cinquante litres de gazole. Alors, face à cette flambée, les automobilistes s'organisent.

Du pain bénit pour les applis

Il y a deux semaines, au début de cette hausse des prix, Lina, étudiante en BTS commerce international, a cherché le moyen de comparer les tarifs affichés par les stations-service de son quartier. Et pour éviter de faire le tour des parkings avec son véhicule, elle s'est rabattue sur son smartphone et a découvert une autre application, Gasoil Now. "Je regarde tous les deux ou trois jours pour voir si ça a baissé", explique la jeune Marseillaise. L'application a rapidement bouleversé ses habitudes : "J'ai changé de station, je suis allée dans la moins chère", se félicite-t-elle.

En cette période d'inflation, les automobilistes français sont de plus en plus nombreux à faire des infidélités à leur station la plus proche. Depuis le début du mois d'octobre, Essence&CO note un pic de trafic, avec 30% à 40% de connexions en plus par rapport à l'année dernière, selon ses informations. Idem chez Gasoil Now, qui a vu son nombre de visites bondir de 50% en une semaine. "Notre application est clairement plus utilisée quand les prix du carburant sont élevés", reconnaît Daniel Pham, le fondateur français de Gasoil Now.

"On ne va pas se mentir : quand les automobilistes sont malheureux, on est heureux ! C'est notre business model."

Daniel Pham, créateur de Gasoil Now

à franceinfo

Créée en 2008, l'application permet de trouver, en quelques clics, la station la moins chère autour de sa position ou sur son trajet. "J'ai eu l'idée de créer Gasoil Now car j'étais en vacances dans une zone montagneuse, et presque à court de carburant. Je me suis dit qu'il manquait une application sympa pour trouver une station", raconte Daniel Pham. Cela tombe bien, depuis 2006, toutes les stations-service ont l'obligation de déclarer leurs tarifs dans la base de données du gouvernement. Ce sont ces informations que Gasoil Now communique ensuite aux utilisateurs, parfois complétées par des mises à jour manuelles.

"J'arrive à tenir depuis deux semaines"

Ces services en ligne, qui se rémunèrent à l'aide de publicités ou en vendant les données de leurs clients une fois celles-ci anonymisées, ont changé la manière de consommer de nombreux automobilistes. "Cela fait sept ou huit mois que j'utilise l'application et je regarde toujours dans un rayon de 10 kilomètres avant d'aller faire mon plein", explique Damien, chauffeur routier dans la Manche. Même réflexe pour Estelle, dans le Val-d'Oise. Grâce à l'application, elle gagne jusqu'à 15 centimes par litre de carburant. "Avec la hausse des prix, c'est hyper utile", assure-t-elle.

Certains sont même devenus accros. Morgane, étudiante à Saint-Etienne, ne peut pas s'empêcher de jeter un coup d'œil à l'application, même si elle utilise peu sa voiture. "J'ai eu de la chance de faire mon plein avant la flambée des prix. J'ai pu le faire à 1,36 euro le litre", raconte-t-elle. Depuis, la jeune femme serre les dents… et le frein à main. "J'arrive à tenir avec mon plein depuis deux semaines", se félicite-t-elle, en espérant des jours meilleurs. En attendant, elle estime quand même faire entre 7 et 10 euros d'économies par plein grâce à cette aide numérique.

"Tous les jours, je vais voir la station la moins chère sur l'application."

Morgane, étudiante à Saint-Etienne

à franceinfo

D'autres surveillent les fluctuations des prix de l'essence comme celles de la Bourse. Jean-Pierre, retraité, a carrément téléchargé deux applications et regarde le cours du litre de carburant fluctuer chaque jour. Il faut dire que ce Vendéen a trois véhicules, deux diesel et un essence, à emmener à la station-service. Pas question de s'arrêter à la première pompe sur la route pour faire un plein complet. Il préfère remplir un peu son réservoir très régulièrement, selon les prix du jour. "Parfois l'écart de prix n'est pas suffisant, on consomme la différence sur le trajet", reconnaît cet habitant d'une zone rurale. Et quand les prix baissent dans une station du coin, Jean-Pierre n'oublie pas de prévenir ses proches de la bonne affaire.

Le bouche-à-oreille reste en effet l'une des astuces préférées des automobilistes pour tenter de faire baisser l'addition. "De temps en temps, quand on est en galère dans un endroit qu'on ne connaît pas trop, on demande dans un groupe WhatsApp où mettre du gasoil", explique Ali, chauffeur VTC en région parisienne. Malgré un budget de près de 1 000 euros de carburant par mois, il préfère se fier à sa connaissance du marché et à ses bons contacts. "C'est comme cela que l'on trouve les meilleurs filons", assure-t-il.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.