Trois questions sur la "super prime" à la conversion annoncée par Edouard Philippe face à la colère des "gilets jaunes"
Le Premier ministre a annoncé mercredi matin le doublement de la prime à la conversion pour les ménages les plus modestes.
A trois jours du blocage annoncé par les "gilets jaunes", Edouard Philippe a fait une série de propositions, mercredi 14 novembre, pour atténuer la hausse des prix de l'énergie dans le budget des ménages. Le Premier ministre a notamment annoncé le doublement de la prime à la conversion pour les plus modestes. Voici ce qu'il faut savoir sur cette "super prime".
Qui aura droit à cette "super prime" ?
Depuis le mois de janvier 2018, un acheteur qui se débarrasse de son vieux véhicule polluant – vous pouvez tester votre éligibilité à la prime sur le site du gouvernement – peut financer son achat d'une voiture neuve ou d'occasion à hauteur de 1 000 euros pour les foyers imposables et 2 000 euros pour les foyers non imposables. Cette prime à la conversion s'élève même à 2 500 euros pour l'achat d'un véhicule électrique. Le gouvernement veut désormais financer un million de primes à la conversion d'ici la fin du quinquennat, contre 500 000 visées jusqu'ici, alors que 280 000 primes ont déjà été attribuées.
A compter du 1er janvier 2019, cette prime à la conversion passera donc à 4 000 euros pour les 20% des ménages les plus modestes (potentiellement 5,8 millions de personnes concernées, selon Matignon). Edouard Philippe a mis en avant le cas d'un couple avec deux enfants gagnant 1,8 smic, soit 2 697,25 euros. Un couple de deux salariés au smic avec trois enfants entrerait également dans les critères. La "super prime" concernera aussi "les personnes non imposables qui sont salariées et parcourent chaque jour au moins 30 km pour se rendre au travail (60 km aller-retour) ou qui travaillent en indépendants", a précisé Matignon.
Mais cela suffira-t-il à convaincre les Français de changer de véhicule ? Mercredi matin, Edouard Philippe a pris l'exemple d'un automobiliste, propriétaire depuis le milieu des années 2000 d'une 206 diesel qui consomme 6L/100km. "Avec la super-prime, il va pouvoir acheter un véhicule, y compris d'occasion, plus récent, qui lui permettra de passer à une consommation de 5L/100km", a détaillé le Premier ministre.
Une C3 essence d'occasion, vous pouvez l'acheter à 5 500 euros, cela veut dire que le reste à charge pour le Français, ce sera 1 000 à 1 500 euros.
Edouard Philippesur RTL
La prime à la conversion est-elle efficace pour lutter contre la pollution ?
C'est là où le bât blesse. Cette prime à la conversion peut permettre de financer l'achat de véhicules essence, diesel, hybrides et électriques. "Dans les faits, [la prime] permet surtout de remplacer un vieux moteur thermique par un moins vieux... moteur thermique", résume Le Monde (article payant). Depuis le 1er janvier, elle a favorisé l'achat de voitures diesel à 47% et essence à 46%, révèle le quotidien. Et seuls 7% des véhicules achetés grâce à la prime à la conversion sont électriques.
"C'est une prime pour favoriser le marché de l'automobile, cela va favoriser encore le diesel pour 15 années", estime ainsi Franck Laval, le président d'Écologie sans frontière, interrogé par franceinfo. Dans ces conditions, "on ne sera pas sur des véhicules véritablement moins polluants", estime Lorelei Limousin, l'une des responsables du Réseau action climat. Car si les véhicules éligibles doivent émettre moins de 130 g de CO2 par km, la pollution automobile vient des moteurs thermiques, "en particulier les diesels avec les oxydes d’azote, [qui] recrachent des gaz toxiques très dangereux pour la santé", souligne Le Monde. Des émanations qui ne sont pas prises en compte dans l'attribution de la prime.
Autre point d'achoppement : les véhicules éligibles ne sont pas forcément bien moins gourmands en carburant. "Entre 2004 et 2018, nous sommes passés de véhicules qui consomment 7L/100 km à 6L/100 km", explique Lorelei Limousin. "C'est trop peu", poursuit-elle.
Y aurait-il mieux à faire en matière d'écologie ?
Le Réseau action climat déplore "l'absence de pression sur les constructeurs automobiles pour qu'ils produisent vraiment des véhicules moins émetteurs de gaz à effets de serre et vraiment économes". "D'autant qu'on a vu avec le dieselgate qu'ils n'hésitent pas à tricher", constate Lorelei Limousin. L'écologiste insiste sur la nécessité d'"encourager la vente de petites cylindrées", plutôt que les SUV. Ce sont "des abominations écologiques", estime aussi Kevin Puisieux, de la Fondation pour la nature et l'homme, sur franceinfo. "Ce sont quasiment des 4x4 sans la puissance du moteur." Et pourtant, ils représentent le tiers des voitures vendus actuellement en France.
Le Réseau action climat regrette également "l'absence d'incitations pour des modèles alternatifs à la voiture individuelle" : "On pourrait financer des adhésions à des services de covoiturages ou d'autopartage ou encore des abonnements aux transports en commun par exemple", remarque Lorelei Limousin. Même constat pour France nature environnement qui regrette "des mesures du XXe siècle" et une vision court-termiste du gouvernement. "Les gens, on leur propose à nouveau une bagnole, on ne leur propose pas d'autres modes de transport. Les gens attendent d'autres mobilités. Mais là-dessus, rien, silence", a déclaré Michel Dubromel, président de l'association, sur franceinfo.
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