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Grève et manifestations : pourquoi les cheminots de la SNCF se mobilisent-ils contre la réforme des retraites ?

Plusieurs syndicats de cheminots appellent à défiler et à faire grève mardi. Ils protestent contre la fin de leur régime spécifique.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Une manifestation nationale de cheminots, le 4 juin 2019 à Paris. (RICCARDO MILANI / HANS LUCAS / AFP)

En ordre dispersé. Après FO, qui s'est mobilisé samedi 21 septembre, c'est au tour de la CGT d'appeler, mardi 24 septembre, à une journée d'action nationale interprofessionnelle contre la réforme des retraites. Cette journée se traduira par des manifestations : le cortège parisien partira à 14 heures de la place de la République. Mais également par des grèves : à la SNCF, la CGT-Cheminots, premier syndicat représentatif dans l'entreprise ferroviaire, et SUD-Rail, la 3e force syndicale, appellent à des arrêts de travail.

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Les raisons de leur colère ? Les syndicats de cheminots dénoncent la fin de leur régime spécial de retraites, qui sera fusionné dans le nouveau système universel à points à partir de 2025. Mais ils s'inquiètent aussi de la fin du statut pour les nouveaux embauchés en 2020, avec la fin du monopole de la SNCF publique sur le rail. Passage en revue. 

Des retraites déjà rognées par les précédentes réformes

A quel âge les cheminots peuvent-ils partir à la retraite ? Pour le personnel sédentaire, l'âge légal, détaille le site info-retraite (qui fédère les différents organismes de retraite), passe progressivement de 55 ans [en 2016] à 57 ans en 2024, par paliers de quatre mois par an pour les générations nées à compter de l'année 1967. En 2019, un cheminot sédentaire né en 1964 peut ainsi partir à la retraite à 55 ans et 8 mois. De la même façon, l'âge minimal de départ pour les conducteurs a été porté de 50 ans en 2016 à 52 ans en 2024. 

De quoi faire rêver ? C'est "plus compliqué que ça !", s'insurge le secrétaire de l'Unsa ferroviaire Robert Dillenseger, joint par franceinfo. "Il y a une confusion entre l'ouverture des droits et l'âge effectif de départ. On peut ouvrir ses droits à la retraite à 56 ans si on est cheminot sédentaire, mais ça ne correspond pas à l'âge effectif de départ à la retraite dans la réalité. Si on veut une pension décente, il faut souvent partir plus tard pour éviter les décotes prévues par les précédentes réformes [un agent de la SNCF né au premier semestre 1962 doit ainsi cumuler 164 trimestres, soit 41 années pour une retraite à taux plein. Ce qui suppose d'avoir commencé à travailler à 16 ans]. "Du coup, l'âge effectif de départ est de presque 60 ans pour les sédentaires." 

Le quotidien Les Echos faisait le même constat l'an dernier : "Les cheminots ont d'ores et déjà tendance à prolonger leur activité de trois ou quatre ans après l'âge minimal, selon une étude de l'association Fipeco [Finances publiques et économie]. Ils partent à 57 ans et 10 mois en moyenne en 2017. La progression est rapide puisque, en 2014, ils partaient à 56 ans et 6 mois, en 2015 à 56 ans et 9 mois, en 2016 à 57 ans et 3 mois."

Des retraites qui vont être absorbées dans le futur système à points 

Du coup, s'étonne encore Robert Dillenseger, "les précédentes réformes ne sont pas encore stabilisées qu'on en met déjà une autre sur la table". Et il s'indigne qu'"on supprime les compensations données en échange des contraintes de travail, alors que les cheminots circulent toujours le week-end, la nuit et les jours fériés !" 

Comme les autres régimes spéciaux de retraite, celui des cheminots doit en effet être fusionné avec les autres dans le futur système universel à points, qui entrera progressivement en vigueur à partir de 2025. Dans son rapport sur la réforme des retraites, le haut-commissaire aux Retraites, Jean-Paul Delevoye, prévoit explicitement la disparition du régime spécifique à la SNCF. Dans le nouveau système, la "pénibilité"  des métiers pourra être prise en compte mais elle permettra, au mieux, de partir deux ans plus tôt à la retraite.

Pour le syndicat SUD-Rail, il s'agit ni plus ni moins de "casse sociale". "Derrière la communication du gouvernement, qui prétend que le système de retraite à points serait plus 'égalitaire', il faut donc comprendre que 'l'égalité' se fera à la façon d'un nivellement par le bas de la retraite de la majeure partie de la population (...). A la clé, ce qui s'annonce, c'est une paupérisation généralisée des retraité-es." Avec une colère suffisante pour unir les différents mécontentements ? Secrétaire fédéral Sud-Rail, Eric Meyer l'espère : "Si on a décidé de se joindre à la journée d'action du 24 septembre, c'est bien parce qu'on souhaite une convergence avec les autres syndicats et les autres branches professionnelles contre la politique sociale d'Emmanuel Macron", dit-il à franceinfo.

Pour les nouvelles recrues, 2020 sonne le glas du statut de cheminot 

Autre motif de colère : "A partir du 1er janvier [2020], la SNCF recrutera des salariés sans le statut cheminots", rappelle Le Figaro. La réforme des retraites se conjugue donc avec un changement majeur, qui verra les nouveaux embauchés basculer dans un nouvel univers.

"Au 1er janvier 2020, l'ensemble des nouveaux embauchés signera un contrat de droit privé avec une société privée et l'ensemble des contractuels, 15% à la louche, basculeront vers de nouveaux contrats", détaille Eric Meyer. Mais une page blanche reste à écrire. Quel type de contrat ? Avec quelles conventions collectives, alors que la SNCF va éclater en plusieurs sociétés ?

Selon les syndicats, rien n'est réglé pour l'instant, et il y a urgence. "Il reste à peine trois mois pour régler le volet social. Et cette question-là est prégnante pour les cheminots", souligne encore le syndicaliste SUD-Rail. D'autant que le temps presse : "En 2020, on arrête la fin du recrutement au statut et on ne sait pas encore comment on va embaucher ! fulmine Robert Dillenseger. Il y a trente-six choses à négocier, au point qu'on a demandé un délai supplémentaire. Tout reste à faire, avec en plus un nouveau PDG [Jean-Pierre Farandou, successeur de Guillaume Pépy] qui a fait ses lettres de noblesse dans le cadre de la concurrence [Keolis, une filiale de la SNCF]. Ce n'est pas de nature à nous rassurer."

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