Panne sur le train Paris-Clermont-Ferrand : comment expliquer les incidents à répétition sur cette ligne ?

Après une panne ayant bloqué vendredi 700 passagers dans un Intercités en provenance de Paris et à destination de la capitale auvergnate, le ministre de la Transition écologique a convoqué le PDG de la SNCF. Les perturbations et retards sont fréquents sur cette ligne. Eléments d'explication.
Article rédigé par franceinfo
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Un train Intercités en gare de Paris-Bercy et à destination de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), le 2 novembre 2023. (LAURE BOYER / HANS LUCAS / AFP)

Un train parti à 18h57 de Paris qui entre en gare de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme)... à 6 heures du matin, avec plus de sept heures de retard. La mésaventure des quelque 700 passagers qui ont passé la nuit du vendredi 19 au samedi 20 janvier dans le train sans chauffage, ni électricité, ni eau, a suscité de nombreuses réactions. Selon le journal La Montagne, Emmanuel Macron lui-même a demandé "des explications immédiates" et que des "sanctions soient prises". Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a annoncé mardi avoir convoqué le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou. Ce dernier "devra vendredi (...) proposer un plan de mesures concrètes et immédiates" pour remédier aux incidents récurrents sur cette ligne, a annoncé le ministre, précisant qu'il partagerait le contenu de ce plan "d'ici quinze jours avec les élus et les acteurs du terrain". 

Comme l'ont noté de nombreux internautes sur le réseau social X, la panne de vendredi est loin d'être la première mésaventure des passagers de cette ligne Intercités. En juin 2019, un train au départ de Paris était resté bloqué pendant six heures près de Montargis, pour une arrivée à Clermont-Ferrand avec 11 heures de retard. En juillet 2022, un retard de 20 heures avait été enregistré après un départ de Paris, en raison notamment d'une rupture de caténaire, rapportait à l'époque France Bleu. En juin 2023, un trajet a duré 19 heures, relate BFMTV. Un mois plus tard, le retard accusé était de 16 heures, toujours selon BFMTV. En décembre, un sanglier percuté a quant à lui engendré un retard de près de six heures, selon Le Journal du Centre...

La situation semble en outre se dégrader avec le temps. En 2023, la compagnie ferroviaire affichait une régularité de 80,5%, en chute libre de 7% par rapport à 2022, relève France Bleu. Sans compter les trains annulés, dont le nombre n'est pas communiqué par la SNCF. Franceinfo revient sur les causes ayant conduit certains passagers à surnommer le Paris-Clermont "la ligne maudite".

Du matériel ancien

"Il y a un besoin impératif de remplacer ce matériel roulant", estime Stéphanie Picard, porte-parole du collectif des usagers du train Clermont-Paris, auprès du Figaro. Les voitures Corail, utilisées par la SNCF sur la ligne, datent des années 1975 à 1982, rappelle aussi celle-ci à BFMTV, dénonçant par ailleurs des "locomotives en fin de vie". Ces dernières, des BB 26000, ont été livrées entre 1988 et 1998, précise France Bleu. Si elles sont normalement conçues pour fonctionner cinquante ans, leurs pannes se multiplient, comme ça a été le cas vendredi.

Le maire Les Républicains de Limoges (Haute-Vienne), Emile Roger Lombertie, également vice-président de l'association Urgence Ligne POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse), une autre ligne d'Intercités, dénonçait aussi sur franceinfo, en mars, un "matériel ancien" qui contribue aux nombreux retards et suppressions de trains, néfastes pour l'activité économique de son territoire.

Un programme de modernisation de la ligne a bien été lancé, avec l'arrivée de nouveaux trains, baptisés "Oxygène". Mais leur livraison ne doit pas démarrer avant mi-2025, pour s'achever fin 2026, précise SNCF Voyageurs à franceinfo. "En attendant, on fait quoi ?, s'interroge dans les colonnes du Figaro Hervé Gonthier, secrétaire général du secteur CGT Cheminots Auvergne-Nivernais. On arrive au bout du bout, on ne peut pas attendre 2026, voire 2027." Plusieurs solutions, comme celle de faire circuler de vieux TGV pendant quelques années, ont été écartées, rapporte France Bleu. 

Des voies à moderniser

Auprès de BFMTV, Stéphanie Picard déplore le peu d'investissements de l'Etat faits sur cette ligne "pendant des décennies". Les rames "roulent sur des voies qui n'ont pas été entretenues, avec des caténaires pas entretenues", déplore aussi le maire de Limoges sur franceinfo. Même SNCF Voyageurs y va de sa critique envers l'Etat, autorité organisatrice de la ligne : le Paris-Clermont "connaît en effet une situation difficile depuis de nombreuses années par manque d'investissements publics, à la fois sur la modernisation du réseau ferroviaire et sur le matériel roulant", selon un porte-parole à franceinfo. L'Etat et l'entreprise ont néanmoins engagé des travaux sur le réseau, à hauteur de "900 millions d'euros depuis 2018 et d'ici 2026", assure SNCF Voyageurs.

Là encore, une solution bienvenue mais tardive, selon certains élus locaux. "On en est arrivés là à cause d'une succession de reports et d'abandons, entre les propositions faites par les différents gouvernements et les oppositions des élus locaux qui n'ont jamais pu se mettre d'accord", regrette Emile Roger Lombertie. Dans une lettre à l'ex-Première ministre Elisabeth Borne, en juin, le président de la région Auvergne Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez (LR), dénonçait lui "un avis de I'Autorité environnementale demandant une étude d'impact supplémentaire" qui aurait entraîné une perte d'"au moins 18 mois pour la réalisation des travaux de modernisation" de la ligne, relate La Montagne.

Un manque de personnel

Le manque de personnel sur la ligne conduit à l'annulation quasi quotidienne de trains, assure dans Le Figaro Hervé Gonthier. Par ailleurs, des suppressions de personnel allongent les retards, souligne ce dernier, comme ça a été le cas en décembre, après une collision avec un sanglier qui a forcé le train à stationner. "L'équipe d'intervention de Nevers [près du lieu de stationnement du train] a été supprimée il y a quelques années, donc l'équipe de Clermont-Ferrand a dû s'y rendre en voiture, soit à trois heures de route, raconte le représentant de la CGT. Si l'équipe de Nevers avait été présente, il y aurait eu un retard, mais beaucoup moins important." 

"Ça fait partie de l'explication, mais c'est marginal, assure SNCF Voyageurs à franceinfo. Les causes externes (intémpéries, heurts sur les voies) et les problèmes liés au matériel restent prépondérantes et à l'origine de plus de 60% des retards."

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