Statut des cheminots, concurrence, dette… Huit propositions chocs du rapport Spinetta sur la SNCF
Long de 127 pages, le rapport remis à Matignon dévoile 43 propositions, dont certaines pourraient modifier en profondeur la SNCF.
Un rapport remis jeudi 15 février au gouvernement par l'ancien patron d'Air France Jean-Cyril Spinetta préconise de profondes réformes de la SNCF. Parmi elles, une transformation de l'entreprise publique en société anonyme et la fin du statut de cheminot à l'embauche.
Le rapporteur estime que "la situation du transport ferroviaire est préoccupante" et que ses "performances ne sont pas satisfaisantes". Afin de remédier à cette situation, Jean-Cyril Spinetta a rédigé 43 propositions, dont certaines pourraient profondément modifier le fonctionnement de la SNCF. De son côté, la CGT Cheminots dénonce une "politique antiferroviaire" et promet "un conflit sévère" si cette dernière est maintenue. Franceinfo fait le point.
Vers un statut de société anonyme
Le rapport préconise de changer le statut de la SNCF, groupe composé de trois établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic) : SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Deux de ses composantes, SNCF Mobilités (qui exploite les trains) et SNCF Réseau (qui gère les rails), seraient transformées en sociétés anonymes à capitaux publics. SNCF Mobilités serait transformée au motif que "sa forme juridique actuelle n’est pas durablement compatible avec les exigences européennes" dans la perspective de l’arrivée de la concurrence, précise Le Monde.
Le statut actuel de la SNCF assure en effet une garantie illimitée de l'Etat, ce qui serait incompatible avec l'ouverture à la concurrence pour Mobilités et interdirait à Réseau de reconstituer une dette "non soutenable". Selon le rapporteur, ce changement de statut serait un garde-fou contre la "tentation" de l’endettement permanent. De leur côté, les syndicats y voient les prémices d'une privatisation et dénoncent une politique de "casse sociale".
La réduction du réseau TGV
"Le réseau à grande vitesse peut être considéré comme abouti" et construire de nouvelles lignes "entraînerait le TGV au-delà de sa zone de pertinence économique, c'est-à-dire les dessertes de très grandes agglomérations avec des trajets durant jusqu'à trois heures", estime le rapporteur. Le rapport préconise de régénérer les lignes les plus anciennes comme Paris-Lyon, Paris-Tours et Paris-Lille.
La fermeture des "petites lignes"
Jean-Cyril Spinetta appelle à un audit des "petites lignes", qui mobilisent actuellement 16% des moyens consacrés au ferroviaire, mais voient passer moins de 10% des trains et transportent 2% des voyageurs. Il recommande de "recentrer le transport ferroviaire sur son domaine de pertinence : les transports du quotidien en zone urbaine et périurbaine et les dessertes à grande vitesse entre les principales métropoles françaises". Les communes les plus petites pourraient donc être désavantagées.
La fin du statut de cheminot
Concernant le statut des cheminots, Jean-Cyril Spinetta suggère que les nouveaux embauchés à la SNCF ne bénéficient pas des avantages qu'il procure, à l'exemple de ce qui a déjà été fait pour La Poste et Orange. Près de 90% des 150 000 salariés de la SNCF (hors contractuels) ont un emploi "garanti à vie", détaille Ouest-France. Globalement, le temps de travail des cheminots est limité à 35 heures hebdomadaires et les départs à la retraite ont lieu plus tôt que dans le reste de la population active. L'âge moyen de départ était de 57,5 ans en moyenne en 2016. Ce statut permet aussi de bénéficier d'un régime spécial de Sécurité sociale, de la gratuité des billets de train pour les cheminots et de réductions pour leurs proches, précise le site de la SNCF.
Dans l'optique de l’arrivée de la concurrence, Jean-Cyril Spinetta propose la fin de ce statut et l'arrivée d'un "nouveau contrat social". Les nouveaux arrivés n’auront plus le statut de cheminot, lequel sera réservé aux anciens et s’éteindra de lui-même dans une trentaine d’années. Le rapporteur estime également que la SNCF devrait pouvoir "recourir pendant deux ans à la procédure des plans de départs volontaires", pour mettre fin aux "excédents d'effectifs qu'elle gère tant bien que mal".
Sur France Inter, le porte-parole de SUD-Rail a assuré que les cheminots "n'accepteront pas une remise en cause des éléments de leur contrat de travail" et qu'il pourrait "appeler à la grève de la façon la plus unitaire possible". La CGT Cheminots a estimé de son côté que "le statut est une chance pour la SNCF et non pas un problème".
La priorité à la modernisation des réseaux existants
Face aux incidents répétés à la gare Montparnasse, à Paris, en décembre 2017, le rapport Spinetta rappelle qu’autour des grandes métropoles, les trains du quotidien circulent sur un réseau vieux et inadapté au transport de masse. Il appelle donc à continuer "l’immense effort" de modernisation entrepris depuis 2013, qui "doit être et rester la priorité pour les vingt ans à venir", reprend Le Monde.
L'ouverture à la concurrence
L'ouverture à la concurrence fait suite à des directives européennes que la France est tenue de transposer dans sa loi au plus tard à la fin de 2018, précise Le Monde. Les concurrents de la SNCF devraient ensuite faire rouler leurs trains dans l’Hexagone à partir de 2021.
Le rapport distingue deux types d’ouverture à la concurrence : celle concernant les lignes TER conventionnées et subventionnées par les régions et celle concernant le transport ferroviaire sur longue distance (TGV et Intercités). Dans le cas des lignes régionales, plusieurs opérateurs répondront à un appel d’offres et le vainqueur deviendra exploitant de la ligne.
Ensuite, les salariés de la SNCF travaillant sur les TER pourront soit accepter d’être transférés dans l’entreprise ayant remporté l’appel d’offres, soit refuser et accepter une nouvelle affectation. Pour les TGV et Intercités, le rapport préconise l’exploitation d’une même ligne par plusieurs opérateurs, plutôt que son saucissonnage, reprend Le Parisien.
La reprise de la dette par l'Etat
SNCF Réseau concentre l’essentiel du déficit annuel du système ferroviaire français. Sa dette a augmenté de 15 milliards d’euros entre 2010 et 2016, pour atteindre près de 45 milliards d’euros fin 2016, décrit le rapport. Jean-Cyril Spinetta estime que l'Etat devrait reprendre "une part" de la très lourde dette de SNCF Réseau.
Pour Sud-Rail, "le problème de la dette" est "issu de 30 années de politique des transports de l'Etat" et sa reprise pourrait provoquer "une hausse des prix du transport ferroviaire".
Les gares et la police ferroviaire rattachées à SNCF Réseau
Le rapport propose de clarifier les rôles des entités du groupe ferroviaire. Il recommande notamment un rattachement à SNCF Réseau de la filiale Gares & Connexions (qui dépend actuellement de SNCF Mobilités) et de la Sûreté ferroviaire (qui dépend de la SNCF "de tête"), précise Le Monde.
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