ÉDITO - Les riches encore plus riches ? Derrière les inégalités, la mondialisation
L'angle éco du lundi 16 février s'est penché sur les inégalités. Selon une étude d'Oxfam, l'écart entre les plus riches et les plus pauvres s'est encore creusé. Pour François Lenglet, la cause en est la disparition des frontières. Les riches ont profité d'un nouveau marché : le monde, quand les plus pauvres subissent la mondialisation.
Toute controversée qu’elle est, l’étude Oxfam pointe la forte augmentation des inégalités sur la planète, et elle rejoint ici d’autres travaux, ceux de l’économiste Thomas Piketty bien sûr, mais aussi ceux du Fonds monétaire international : voilà plus d’un siècle qu’il n’y a jamais eu autant de différences entre riches et pauvres. L’élargissement du fossé s’explique en bonne partie par la mondialisation de l’économie, qui offre aux plus mobiles, aux plus talentueux, aux mieux formés des opportunités d’enrichissement considérables. L’économiste François Bourguignon le résume ainsi : le fameux Caruso, ténor du début du XXe siècle, a vendu un million de disques ; son successeur Pavarotti, qui a exactement la même capacité, a vendu 100 millions de disques, grâce au marché international. Il est cent fois plus riche. Et c’est bien sûr le cas pour les sportifs, pour les chefs d’entreprise, pour les financiers. L’économie sans frontières a fait monter le prix de leurs spécialités, et donc leurs revenus.
L'autre face de la mondialisation : la pauvreté
A l’autre extrémité de l’échelle sociale, la mondialisation a eu un effet rigoureusement inverse. Elle a mis en concurrence les sans-qualification de tous les pays. Car rien de plus interchangeable qu’une force de travail non qualifiée : un Chinois vaut un Français ou un Américain, il fait à peu près la même chose, avec la même productivité. Mais son salaire est bien plus faible. Les entreprises ont donc délocalisé massivement, puisque les frontières ne les arrêtaient plus ni pour investir, ni pour réimporter les produits qu’elles faisaient fabriquer à l’étranger.
La concurrence qu’ont exercée les armées de sans-qualification d’Asie ou d’ailleurs a donc fait baisser les salaires dans les pays développés, aux États-Unis par exemple, mais aussi en Allemagne, avec l’apparition des mini-jobs. Quant aux pays qui disposent d’un salaire minimum comme la France, ils ont subi les ravages de cette concurrence sous une autre forme, le chômage de masse. Puisqu’on ne pouvait pas faire baisser les salaires dans ces pays, c’est la quantité de travail, le nombre d’emplois, qu’on a réduite… Et on a quand même fait baisser les salaires sous une autre forme, la diminution des charges sociales, financées par une augmentation du déficit budgétaire et des impôts.
Moins d'inégalités entre pays mais...
Derrière les inégalités, il y a donc un phénomène qui a rendu les pauvres plus pauvres et les riches plus riches : la disparition des frontières. Un phénomène qui débute avec la chute du Mur, en 1989, et le triomphe de l’économie de marché, et qui ne fera que s’accentuer avec l’essor des nouvelles technologies au cours des années 1990. Il aura pour conséquence de diminuer les inégalités entre les pays – un riche en Chine pèse autant qu’un riche aux États-Unis – mais de les augmenter au sein d’un même pays, selon le degré et la nature de l’exposition des individus à la mondialisation.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.