Edith Bouvier et William Daniels : neuf jours d'épreuves en Syrie
Les deux journalistes français ont pu quitter Homs pour le Liban, jeudi, et sont rentrés en France, vendredi. Récit de cette évacuation compliquée.
Edith Bouvier et William Daniels sont enfin tirés d'affaire. Après une grande journée de confusion mardi, les deux journalistes français, bloqués à Homs en Syrie, pendant neuf jours, sont arrivés en France peu avant 18 heures, vendredi 2 mars. Leur avion médicalisé a atterri à l'aéroport de Villacoublay où ils ont été accueillis par leurs parents et par le présient Nicolas Sarkozy. C'est le chef de l'Etat qui annoncé jeudi depuis Bruxelles que les journalistes, bloqués à Homs, ville bombardée par l'armée syrienne, avaient pu atteindre le Liban.
"Je viens de m'entretenir avec Edith Bouvier, qui est naturellement très fatiguée, qui a beaucoup souffert mais qui sait qu'elle est libre et qu'elle sera bientôt soignée", a déclaré le chef de l'Etat lors d'un point presse improvisé en marge du sommet européen. Il a expliqué que l'évacuation avait été "extrêmement compliquée". L'armée syrienne libre (ALS), composée de déserteurs de l'armée régulière, a annoncé "la mort de membres parmi les meilleurs de la brigade Farouq à qui avait été confiée la mission d'évacuer les journalistes vers le Liban", sans préciser leur nombre.
Selon Le Figaro.fr, Edith Bouvier a pu parler à ses parents jeudi vers 17h50. Ces derniers ont trouvé qu'"elle avait la pêche". Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a annoncé que l'ambassade de France à Beyrouth (Liban) avait pris en charge les deux reporters. Vendredi matin, ils étaient "sous observation à l'Hôtel-Dieu de France àBeyrouth" et "l'état d'Edith Bouvier [était] stable", selon une source diplomatique.
Pris au piège des bombardements
La reporter du Figaro avait été grièvement blessée le 22 février, dans le quartier de Baba Amr, à Homs. L'armée syrienne avait bombardé le centre de presse de ce bastion des opposants au régime de Bachar Al-Assad, tuant le photographe français Rémi Ochlik et la journaliste américaine Marie Colvin, enterrés à Homs. Edith Bouvier et le photographe William Daniels étaient depuis bloqués dans la ville. Ils avaient appelé à l'aide dans une vidéo diffusée sur YouTube.
Sur une pleine page, Le Figaro relate ces "neuf jours d'épreuves et de silence". Après le bombardement, le Quai d'Orsay et sa cellule de crise, la présidence, "le dispositif d'urgence prévu par Le Figaro pour ses reporters en difficulté" se mettent tous en branle.
L'ambassadeur de France en Syrie tente d'organiser l'évacuation par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Croissant-Rouge syrien. "Un casse-tête qui sera près de réussir à deux reprises, mais ne permettra finalement pas l'extraction des reporters de Homs", écrit le quotidien. Cinq autres journalistes, dont le photographe britannique du Sunday Times Paul Conroy, également blessé, sont prisonniers de la ville assiégée. Le vendredi 24 février, trois ambulances du Croissant-Rouge pénètrent dans le quartier de Baba Amr où vivent terrés les journalistes. "Le groupe de journalistes refuse alors de s'embarquer avec les secours syriens, faute de présence internationale qui pourrait garantir leur sécurité", poursuit Le Figaro.
Opération commando
Malgré les difficultés à communiquer avec les reporters, on leur fait passer la consigne de suivre les ambulances la fois suivante. Mais lundi 27 février, ils ne sont pas au point de rendez-vous.
Dans la nuit de lundi à mardi, ils sortent de Homs avec des insurgés lors d'une véritable opération commando. "Dans l'obscurité la plus totale, au milieu d'une tempête de pluie et de neige, le groupe a d'abord emprunté le tunnel secret qui servait de dernière ligne de ravitaillement aux insurgés syriens assiégés", rapporte Adrien Jaulmes, grand reporter du Figaro, depuis Beyrouth.
Edith Bouvier, "plâtrée sommairement, a été brancardée à la lueur de lampes frontales dans cette canalisation étroite en partie coupée par les bombardements. Le tunnel n'était que la première étape de ce parcours à haut risque. Ils devaient ensuite franchir les lignes de l'armée syrienne qui encerclaient la ville, pour pouvoir enfin gagner la campagne, et la frontière libanaise." A la sortie du conduit, le groupe est pris sous un violent bombardement. Au moins treize insurgés y perdent la vie, selon l'ONG d'activisme en ligne Avaaz, qui a joué un rôle pivot dans l'exfiltration. Le groupe est dispersé.
Confusion puis soulagement
La journaliste française et William Daniels se réfugient dans un quartier voisin. Paul Conroy et le reporter espagnol Javier Espinosa se rendent chacun de leur côté au Liban. Ils empruntent les chemins de traverse dans la campagne syrienne tenue par les rebelles.
A Paris, c'est la confusion. L'évacuation d'Edith Bouvier est une première fois annoncée à tort mardi 28 février. Nicolas Sarkozy la confirme lui-même, avant de se raviser. Finalement, jeudi soir, soulagement. Edith Bouvier et William Daniels passent la frontière libanaise. Sur France Info, le directeur de la rédaction du Figaro, Etienne Mougeotte, fait part de son "soulagement". Sentiment partagé par la rédactrice en chef du Figaro.fr et le chef du service Etranger du quotidien.
Paris ferme son ambassade à Damas
Sitôt les exfiltrations confirmées, la France a pris la décision vendredi de fermer son ambassade en Syrie. "Ce qui se passe, c'est un scandale, il y a plus de 8 000 morts, [dont] des centaines d'enfants, et la ville de Homs qui menace d'être rayée de la carte, c'est absolument inacceptable", a estimé Nicolas Sarkozy.
"Le Conseil [européen] a condamné dans les termes les plus vifs ce qui se passe en Syrie, pas seulement à l'endroit de vos confrères (...), mais ce symbole-là est particulièrement inacceptable", a poursuivi le chef de l'Etat. "L'attitude du pouvoir syrien a été particulièrement inadmissible" dans les tentatives d'évacuation des journalistes français, a-t-il ajouté.
"Nous n'oublions pas la tragédie qui continue de se dérouler à Homs", a déclaré Nicolas Sarkozy, ajoutant : "La France demande instamment que cette tragédie cesse immédiatement et qu'il soit mis fin aux violences contre les populations civiles." L'opposition syrienne redoute un massacre, après la prise du quartier de Baba Amr par l'armée syrienne. Le Comité internationale de la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge syrien doivent pénéter dans ce quartier isolé, assiégé et bombardé depuis le 4 février.
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