Conférence de presse d'Emmanuel Macron : un président de la République a-t-il le droit de faire campagne pour son parti ?
En annonçant la dissolution de l'Assemblée nationale, dimanche 9 juin, Emmanuel Macron a immédiatement déclenché la campagne des législatives. D'ici au premier tour, fixé le 30 juin, le chef de l'Etat n'a pas vraiment décidé de faire profil bas durant une courte mais intense campagne. Déjà très impliqué durant la campagne des européennes, le chef de l'Etat a participé mercredi 12 juin à une conférence de presse à Paris pour défendre ses choix politiques et conjurer "l'esprit de défaite" qui gagnerait les rangs du camp présidentiel avant le scrutin.
Le chef de l'Etat peut-il cependant s'impliquer autant dans une campagne pour des législatives anticipées ? "Le droit électoral n'interdit pas au président de la République ni aux ministres de faire campagne, à condition qu'il n'y ait pas de confusion entre leur fonction politique et leur activité de campagne", précise Romain Rambaud, professeur de droit public à l'université Grenoble Alpes. Il y a pourtant des limites à cet investissement dans la campagne des législatives, dans deux domaines : les moyens utilisés pour faire campagne et les interventions médiatiques.
Des dépenses très encadrées
Le chef de l'Etat ne peut pas utiliser les moyens liés à sa fonction pour faire campagne. La conférence de presse organisée mercredi s'est ainsi déroulée au Pavillon Cambon Capucines, un lieu réservé pour l'occasion par le parti Renaissance, et non à l'Elysée. Quant aux collaborateurs du président ou des ministres qui étaient présents à l'événement, ils ont dû poser des congés.
Tous les frais engagés par les interventions d'Emmanuel Macron dans cette campagne devront être déclarés dans les comptes de campagne des candidats de Renaissance. "On prendra en compte toutes les dépenses, sauf celles liées à sa sécurité, puisqu'il garde une sécurité même sur des séquences privées", explique le parti présidentiel. Ces frais, comme les salaires des équipes du siège, seront ensuite ventilés, c'est-à-dire divisés par le nombre de candidats aux législatives. Toutes les dépenses seront examinées a posteriori par la Commission des comptes de campagne (CNCCFP), qui les validera ou non.
En revanche, si Emmanuel Macron se déplace pour soutenir un candidat dans l'une des 577 circonscriptions de France, les frais occasionnés n'ont pas besoin de figurer dans les comptes de campagne, comme le rappelle la CNCCFP, en vertu d'une jurisprudence établie par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat.
Un temps de parole décompté
Diffusée sur plusieurs chaînes de télévision, la conférence de presse de mercredi devrait vraisemblablement être décomptée par l'Arcom, le gendarme de l'audiovisuel, comme du temps de parole pour le parti Renaissance, et non comme du temps de parole présidentiel. Le verdict n'interviendra cependant pas tout de suite : dans une recommandation publiée lundi pour la campagne des législatives, l'organe de régulation a communiqué un calendrier des transmissions à effectuer par les chaînes de télévision, pour chaque période de la campagne. Chaque chaîne doit déclarer ce qui correspond, selon elle, à du temps d'antenne consacré au régalien et ce qui a un lien avec la campagne elle-même. Ensuite, l'Arcom réalise une analyse de ce décompte mais ne corrige pas l'estimation de la chaîne. Si elle considère que les chaînes n'ont pas décompté ce qu'il fallait, elle les prévient d'un éventuel équilibre sans influer directement sur la ligne éditoriale.
C'est la même chose pour les réseaux sociaux : le président ne peut pas utiliser les comptes officiels de l'Elysée pour diffuser des messages de campagne, il doit recourir à ses comptes personnels. Malgré ces réglementations qui visent à séparer le président du chef de campagne, il demeure "une confusion, une ambiguïté culturelle, entre l'Etat et le politique", estime Romain Rambaud. Un président en campagne aura en effet un écho médiatique bien supérieur à nombre de candidats.
Les mêmes règles s'appliquent aussi au chef du gouvernement et à ses ministres, qui doivent en outre respecter une période de réserve. Depuis lundi et la publication du décret convoquant les élections, ils doivent limiter drastiquement leurs déplacements et leur communication.
Persona non grata par les candidats ?
S'il a le droit de s'investir dans la campagne, et d'apparaître sur les affiches des candidats ou leur profession de foi, l'utilité de cette implication est remise en cause jusque dans son propre camp, où l'on estime qu'Emmanuel Macron devrait plutôt se mettre en retrait. De nombreux candidats ont d'ailleurs décidé de faire campagne sans mettre en avant le président sur leurs affiches, contrairement à 2022.
"Je ne ne veux surtout pas être rattaché à lui durant cette campagne."
Un député sortant de la majoritéà franceinfo
"Ce n'est pas un boulet, mais Emmanuel Macron ne peut pas rentrer dans la campagne", a affirmé Richard Ramos, député sortant du Loiret, sur RMC. "Nous sommes des députés de terrain, il faut nous laisser faire notre campagne. Pour le président Macron, aujourd'hui, il y a comme une espèce de rejet."
Au siège de Renaissance, on compte mener cette campagne comme d'habitude. "Il ne va évidemment pas disparaître du matériel de campagne", explique-t-on toutefois. "Un kit" sera mis à disposition pour tous les candidats investis. "Ils piocheront ce qu'ils veulent dedans."
Gabriel Attal davantage impliqué
Dans les faits, Emmanuel Macron s'est défendu de s'impliquer dans la campagne. "Le président de la République, il doit donner un cap, une vision, mais il n'est pas là pour faire campagne aux législatives. Je ne ferai pas campagne aux législatives. De la même manière que je ne l'ai pas fait en 2022 et en 2017", s'est-il défendu lors de sa conférence de presse.
"C'est le Premier ministre qui va porter cette campagne avec les responsables de la majorité qui sont là à ses côtés."
Emmanuel Macron, président de la Républiquelors de sa conférence de presse
Gabriel Attal, qui a dénoncé mardi matin devant les anciens députés de la majorité une décision "brutale" de la part du président, a en effet annoncé qu'il comptait être en première ligne d'ici au 30 juin, malgré ce désaccord sur la dissolution de l'Assemblée : "Je mènerai cette campagne en tant que chef de la majorité et en tant que Premier ministre", a-t-il promis sur TF1.
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