Départementales : le ministre Patrick Kanner en campagne pour ne pas perdre le Nord
En plus de son portefeuille à la Ville, à la Jeunesse et aux Sports, Patrick Kanner brigue un quatrième mandat dans son canton de Lille. Francetv info a suivi, le temps d'un week-end, le seul ministre de plein exercice en campagne.
La semaine a été longue pour Patrick Kanner. "Vous m'avez peut-être vu à la télé ces derniers jours, après le terrible crash en Argentine", lance-t-il, invité par une association du quartier défavorisé de Lille-Sud, samedi 14 mars. Le visage d'une femme dans l'assistance s'éclaire : "Aaaaah oui ! Sur BFM non ?" Malgré l'actualité tragique, pas le temps de souffler pour le socialiste. Candidat à un quatrième mandat dans son canton de Lille, il sillonne ce week-end-là le Nord pour faire campagne et apporter son soutien aux têtes d'affiche socialistes pour les départementales. Compliqué quand on a – littéralement – un emploi du temps de ministre. En l'occurrence celui de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. "Mais mon boulot au gouvernement ne durera qu'un temps, je ne veux pas perdre mes racines", explique Patrick Kanner.
A chacun de ses déplacements de campagne, il le dit, il le répète : il n'est qu'un simple "militant". Mais avec sa double casquette, Patrick Kanner offre aussi un angle d'attaque à ses adversaires UMP. L'un des candidats, François Kinget, tacle "le mélange des genres" entre ses activités de ministre et sa campagne pour les départementales. "Il n'y a pas de confusion", rétorque l'intéressé, installé avec ses dossiers à l'arrière de sa voiture de campagne. "Louée par la fédération PS du Nord, tient-il à préciser. Je ne suis pas ici avec les moyens de la République. Ce véhicule sera intégré dans mes comptes de campagne. De ma fonction de ministre, il n'y a que mon officier de sécurité, qui me suit dans mes déplacements, mais c'est normal."
"Je reste lillois"
Sur le terrain, en porte-à-porte ou en réunion publique, le voilà engagé dans des conversations bien éloignées des discussions du Conseil des ministres. Obligé de répondre à la colère d'une mère de famille, qui se plaint de l'absence d'équipements sportifs ou "de la merde dans les pelouses" au pied de son immeuble. A un locataire de HLM qui se plaint de la toxicité supposée de son lino. Et, surtout, aux craintes de ses électeurs après sa nomination au gouvernement. Car pour beaucoup ici, il n'est pas "monsieur le ministre". C'est plutôt "monsieur Kanner" ou même "Patrick" qu'on apostrophe en pleine rue. Voire "monsieur le président", en référence à son passage à la tête du conseil général, de 2011 à 2014. "Mais vous êtes toujours parmi nous ?" s'interrogent certains dans son canton. "Je reste lillois", répond invariablement Patrick Kanner, pas peu fier quand les habitants s'inquiètent de son départ pour Paris : "La proximité, c'est ma marque de fabrique."
Mais au marché de Wazemmes, passage obligé pour les candidats, la politique nationale le rattrape. A peine arrivé, Patrick Kanner est interpellé par un représentant de la CFDT locale, prêt à "bloquer la ville" dès le lendemain avec les routiers. "Gattaz [le président du Medef], faut le casser, on se fait enfumer par les patrons", tempête le syndicaliste. "Faut donner du travail aux gens, sinon, ils ne voteront pas pour vous", glisse un homme. Dans les allées, à ceux qui lui demandent de l'aide, Patrick Kanner distribue sa carte : "Rappelez-moi, venez me voir à ma permanence." Sans oublier de défendre la politique de l'exécutif. "Valls est déterminé, assure le ministre. Je n'ai pas honte de ce qui est fait au niveau national, bien au contraire. Après, il reste la peste du chômage, nous sommes dans une phase difficile mais qui ne durera pas. Ce gouvernement réussira comme moi j'ai pu réussir à la tête de ce département."
En campagne face à ses "ennemis" : l'abstention et le FN
Au détour d'une allée, il croise le binôme investi par le Front de gauche et Europe Ecologie-Les Verts, visiblement peu convaincu par son discours. L'un des candidats, Hugo Vandamme, évoque "le découragement", "l'écœurement" de la population face à la politique de l'exécutif. "Je croise beaucoup de gens qui ont voté Hollande en 2012 et qui maintenant disent qu'ils vont voter Marine", assure-t-il. Avant d'apostropher le ministre : "Vous avez une responsabilité dans la montée du FN." Aux dernières européennes, avant le redécoupage électoral, la liste conduite par Marine Le Pen est arrivée en tête dans le canton, sans faire d'étincelles, avec 18,21% des voix. Dans un coin du marché, les candidats frontistes espèrent "jouer les trouble-fête le soir du premier tour". "La situation nationale pourrait se retourner contre Kanner, veut croire Françoise Coolzaet, membre du binôme FN. C'est un épouvantail, il porte l'image catastrophique du gouvernement."
De réunion en réunion, Patrick Kanner le repète : "Mon premier ennemi, c'est l'abstention. Le deuxième, c'est le FN." Quand il évoque ce sujet, il quitte sa bonhomie habituelle pour se faire plus offensif. Fini les petites blagues, il dégaine le dernier numéro de L'Obs, consacré aux dérapages des candidats frontistes. "En face de nous, il y a ça, les horreurs du FN", met-il en garde, allant jusqu'à évoquer l'Allemagne ou l'Italie des années 1930. "Je ne dis pas que Marine Le Pen est un Franco, un Hitler ou un Mussolini en puissance, tempère le socialiste. Mais elle porte un idéal d'exclusion, d'intolérance."
Un "marathon" politique "risqué"
Patrick Kanner le sait : son résultat sera scruté. Les secrétaires d'Etat Ségolène Neuville et André Vallini sont aussi candidats, mais il est le seul ministre de plein exercice à se présenter aux élections départementales. "J'ai une plus grande pression médiatique, reconnaît-il. J'aurais pu rester tranquillement au ministère. Là, je sais que je prends des risques. Ils sont mesurés, mais ils sont assumés." Dans sa voiture, Patrick Kanner jette un œil à l'agenda de la semaine à venir, tout aussi chargé. Quand soudain, au bord de la route, un petit camion attire l'attention du ministre. "Oooooh, une friterie ! Mais on n'a pas le temps, non ?" Patrick Kanner a à peine le temps de s'enthousiasmer, un coup d'œil à sa montre suffit à le faire déchanter. "Tant pis."
Très en retard sur son programme, l'homme politique vient de quitter Fourmies, après Lille et Maubeuge. Déjà 130 kilomètres au compteur ce samedi, et il est encore attendu à Feignies, à 45 minutes de route de là. La dernière étape de ce qu'il nomme son "marathon" politique.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.