Est-il vrai que 18 millions de migrants sont entrés en Europe depuis cinq ans, comme l'assure Nicolas Dupont-Aignan ?
Ce chiffre choc, lâché par le candidat souverainiste aux européennes lors du premier débat télévisé entre les têtes de liste, est le résultat de l'addition de données d'Eurostat. Mais sa méthode de calcul est erronée.
"En cinq ans, il y a eu 18 millions de migrants en Europe." Ce chiffre a été asséné par Nicolas Dupont-Aignan, jeudi 4 avril, au cours du premier grand débat télévisé des têtes de liste aux européennes. La déclaration du souverainiste face à ses onze rivaux a suscité de très nombreuses réactions sur Twitter, entre moquerie, protestation ou approbation. Mais est-elle seulement exacte ? Voici la réponse de franceinfo dans le cadre de sa rubrique vrai ou fake.
En 5 ans, il y a eu 18 millions de migrants en Europe ! On ne peut pas accueillir toute la misère du monde. Il faut dire STOP pour que les Français puissent vivre dignement dans leur pays, je pense notamment à nos retraités qui sont sacrifiés. #LEmissionPolitique
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) April 4, 2019
Pour appuyer les propos de son candidat, Debout la France a posté sur Twitter une capture d'écran d'un tableau réalisé à partir des bases de données d'Eurostat, un institut d'étude statistique dépendant de la Commission européenne. On y lit qu'entre 2014 et 2017, 18 005 867 personnes précisément sont entrées dans les 32 pays européens dont les données sont compilées.
18 millions de migrants en #Europe depuis 2014 selon une étude @EU_Eurostat !
— Debout La France (@DLF_Officiel) April 4, 2019
https://t.co/2aWqkKZbSX#LEmissionPolitique #DupontAignan #Européennes2019 pic.twitter.com/iHxiv9RMOZ
Première observation : le chiffre de 18 millions est atteint non pas en cinq ans comme l'affirme Nicolas Dupont-Aignan, mais sur quatre, entre 2014 et 2017, les données pour 2018 n'étant pas disponibles. Deuxième observation : ces entrées concernent des pays d'Europe au sens large, puisque des Etats extérieurs à l'Union européenne – la Suisse, la Norvège, l'Islande ou le Liechtenstein, membres de l'espace Schengen – sont comptabilisés. Troisième observation : Eurostat précise en légende de son tableau que certains de ces chiffres sont provisoires et d'autres des estimations.
Quatrième observation (et non des moindres) : le calcul fait par Nicolas Dupont-Aignan et Debout la France à partir des données d'Eurostat n'a pas grand sens. Une autre étude d'Eurostat permet de se rendre compte que les souverainistes additionnent des immigrants qui n'ont pas grand-chose à voir entre eux. En 2014, 340 383 immigrants ont été comptabilisés en France. Mais 126 345, soit 37,1% du total, étaient des Français rentrant dans leur pays. Ne restaient donc plus que 214 038 étrangers : pour 83 644 d'entre eux (24,6%), il s'agissait des habitants d'un autre pays membre de l'UE immigrant en France et pour 130 394 (38,3%) des habitants d'un pays non-européen venant en France. Les 18 millions d'immigrants cités par Nicolas Dupont-Aignan ne sont donc pas tous des étrangers venant de l'extérieur de l'Europe.
Une autre base de données d'Eurostat permet de connaître le nombre d'immigrants étrangers non-européens en Europe. Entre 2014 et 2017, ils ont été 8 177 010, bien loin des 18 millions de Nicolas Dupont-Aignan.
Mais attention, Eurostat prévient dans un rapport que "ces chiffres totaux ne représentent pas les flux migratoires vers/depuis l’Union européenne prise dans son ensemble, puisqu’ils incluent également les mouvements entre les différents Etats membres de l’Union". Autrement dit, un immigrant non-européen qui entre en Europe par la France, part ensuite en Allemagne et choisit finalement de s'installer au Danemark, franchissant ainsi trois frontières nationales, compte pour trois entrées d'immigrants en Europe dans les statistiques d'Eurostat.
Cinquième (et dernière) observation : Nicolas Dupont-Aignan n'évoque que les entrées sur le territoire européen, pas les départs de ces cinq dernières années.
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