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Européennes : la propagande électorale du RN et de LREM a-t-elle été privilégiée en Occitanie ?

Un message Facebook partagé sur une page populaire des "gilets jaunes" affirme que les feuillets des deux partis étaient mis en avant dans certains envois postaux. La préfecture de l'Hérault explique qu'il s'agit d'un "problème technique". La loi n'encadre pas la manière dont les plis sont composés.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Deux femmes passent devant des panneaux électoraux installés pour les élections européennes, le 22 mai 2019, à Paris. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Un coup de pouce au Rassemblement national et à La République en marche dans la dernière ligne droite ? L'accusation est grave. A deux jours des élections européennnes, vendredi 24 mai, un message, publié sur la page du groupe Facebook de "gilets jaunes" "Fly Rider infos blocage", affirme que dans l'Hérault, certains électeurs ont eu "la surprise" de découvrir que la propagande électorale des deux partis en tête des intentions de vote dans les sondages était mise "en évidence" dans les envois postaux.

Comme l'a constaté France 3 Occitanie, dans plusieurs départements (Hérault, Lozère, Gard, Pyrénées-Orientales), les bulletins et les professions de foi des différents partis sont, dans certains envois, divisés en deux liasses, glissées chacune dans les documents du RN et de LREM. Le post Facebook dénonce une "drôle de conception de la mise en enveloppes, pas très conforme à l’égalité de considération entre toutes les listes".

Un "problème technique"

Contacté par franceinfo, la préfecture de l'Hérault reconnaît cette mise sous plis et explique qu'il s'agit d'un "problème technique". Dans les envois en question, les professions de foi des différents partis n'auraient pas dû être glissées dans celles du RN et de LREM, juge la préfecture. L'erreur a été commise par l'entreprise à laquelle les mises sous plis ont été sous-traitées, assurent les services de l'Etat.

La préfecture de Lozère confirme à franceinfo un "problème matériel". La machine du prestataire ne pouvait pas traiter chaque feuille individuellement, le papier étant trop fin. Les bulletins et professions de foi de chaque parti ont donc été divisés en deux piles identiques, à la main par les intérimaires engagés pour l'occasion. Et des liasses ont ensuite été composées en glissant les documents dans un bulletin plié en deux. La machine a ainsi pu attraper les liasses et les mettre sous plis, décrit la préfecture. C'est un "pur hasard" si ce sont les feuilles du RN et de LREM qui ont été choisies. Et l'observateur dépêché par la préfecture n'a pas tiqué. Contacté par France 3 Occitanie et franceinfo, le prestataire n'a pas répondu à nos questions.

"Rien ne le prévoit légalement"

Reste que, contrairement à ce qui est affirmé dans la publication Facebook, "les circulaires des listes candidates ne sont pas pliées selon un ordre pré-établi pour l'envoi chez l'électeur des professions de foi. Rien ne le prévoit légalement, à la différence de l'ordre des panneaux d'affichage électoral", assure à franceinfo le ministère de l'Intérieur. 

La loi qui encadre les élections européennes dicte seulement que "quinze jours avant la date des élections, il est institué dans chaque département (...) une commission chargée d'assurer l'envoi et la distribution de tous les documents de propagande électorale". Et le texte précise que "chaque liste de candidats désigne un mandataire qui participe aux travaux de cette commission avec voix consultative".

Il n'y a pas d'irrégularité, selon un avocat

La distribution des programmes, professions de foi et bulletins de vote est certes financée par l'Etat, mais leur impression, elle, est à la charge des listes candidates. Et toutes ne les ont pas fait imprimer, faute de moyens financiers suffisants. Certaines listes invitent même les électeurs à imprimer eux-mêmes leur bulletin de vote, avant de se rendre aux urnes, en le téléchargeant depuis le site internet du parti. Et en tout état de cause, toutes les professions de foi sont consultables sur le site internet du ministère de l'Intérieur.

En cas de litige, un juge électoral peut être saisi, expose à franceinfo Alexandre Labetoule, avocat au sein du cabinet parisien CLL avocats. "Dans un premier temps, le juge électoral se prononce sur une question : est-ce une irrégularité ? Et dans un second temps, il en tranche une autre : est-ce que cette irrégularité a altéré la sincérité du scrutin ?" 

Pour l'expert, plaider l'irrégularité dans ce cas "est absurde". "Les envois postaux ne contiennent même pas la moitié des 34 listes. Il n'y a pas de stricte égalité sur ce point et aucune obligation légale."

Avoir sa profession de foi et son bulletin de vote dans le pli, quel qu'en soit l'ordre, ne saurait avoir d'incidence.

Alexandre Labetoule, avocat

à franceinfo

Un rapport de l'inspection générale de l'administration, remis au gouvernement en 2015, pointait un système "très coûteux" et "inefficace". Entre la mise sous pli des documents, l’adressage et l’acheminement, la dépense s’est élevée en 2012 à 210 millions d’euros (125 millions pour la présidentielle et 85 millions pour les législatives), selon la mission. Et "beaucoup d’électeurs ne reçoivent pas la propagande, ou trop tard". Ainsi, "aux élections européennes de 2014, près de 7% des courriers ont été retournés en mairie, faute d’une adresse correcte".

Les rapporteurs soulignaient que "hormis le Royaume-Uni, aucun autre Etat membre ne procède à l’envoi de propagande officielle papier au domicile des électeurs". Ailleurs dans l'Union européenne, "il revient aux partis politiques ou aux candidats de s’en charger s’ils le jugent utile"

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