Ancien réfugié, humoriste, prisonnier politique... On vous présente cinq eurodéputés aux profils atypiques
Les 28 de l'UE doivent enfin tomber d'accord mardi sur leur nouvelle équipe dirigeante. En cas de nouvel échec, les eurodéputés pourraient choisir de retarder l'élection de leur président. On vous en présente cinq, qui sortent de l'ordinaire.
"Cela donne une très mauvaise image de l'Europe, une image pas sérieuse", s'est emporté Emmanuel Macron, alors que les 28 n'ont pas réussi à s'accorder sur le quartet des postes clés de l'Union européenne : présidence de la Commission européenne, du Conseil, du Parlement, Haut représentant pour les affaires étrangères.
Si les 28 échouaient de nouveau mardi 2 juillet à s'accorder sur des noms qui doivent respecter des équilibres géographiques, politiques et femmes/hommes, un effet domino risque de se faire sentir jusqu'à Strasbourg. Les eurodéputés pourraient en effet choisir de retarder l'élection de leur président, l'une des variables de l'équation de Bruxelles.
Et parmi ces élus, certains présentent un parcours pour le moins original. D'un indépendantiste espagnol en prison à un humoriste satirique allemand en passant par un médecin italien qui a passé trente ans de sa vie à soigner des migrants : franceinfo vous propose un petit tour d'Europe de ces eurodéputés à suivre.
Un réfugié britannique écologiste
Qui est-ce ? Etiqueté comme le "maire le plus cool de Grande-Bretagne" par les médias britanniques, Magid Magid, 29 ans, est devenu dimanche le premier député européen écologiste du Yorkshire. Dans cette région du nord-est de l'Angleterre, son parti a battu les conservateurs et les travaillistes. Il signe ainsi la meilleure performance des Verts depuis trente ans, analyse le quotidien local Yorkpress (en anglais). Arrivé enfant de Somalie avec sa famille pour fuir la guerre en 1994, Magid Magid affirme avoir été "accueilli à bras ouvert" à Sheffield. Il n'a jamais quitté la ville, en devenant même le maire en mai 2018. "Sheffield, putain qu'est-ce que je t'aime !" a-t-il écrit sur Twitter en apprenant dimanche qu'un habitant sur quatre avait voté pour les écologistes.
Sheffield I fucking love you!
— MΛG!D (@MagicMagid) May 26, 2019
So proud!
https://t.co/AFmMrLjJiG
Magid Magid aime bousculer les traditions. Il prône la tolérance, l'intégration sociale et la lutte contre le racisme. Il a notamment déclaré : "Par le simple fait d'être un immigré, noir et musulman de surcroît, tout ce qu'abhorre le Daily Mail [un quotidien conservateur], j'espère que les gens vont pouvoir dire : 'A Sheffield, nous ne faisons pas comme les autres, nous mettons en avant nos différences, et nous en sommes fiers'."
Signe distinctif ? Celui qui ne quitte pas son jean ni sa casquette à l'envers a beaucoup fait parler de lui l'année dernière en se mettant en scène lors du conseil municipal, un sombrero sur la tête. Objectif ? Afficher sa solidarité avec le Mexique, pour dénoncer la politique de Donald Trump. Il a d'ailleurs fait voter une interdiction de venue pour le président américain, instituant au passage une "journée de la solidarité mexicaine", le 13 juillet.
I Magid Magid, Lord Mayor & first citizen of this city hereby declare that not only is Donald J Trump (@realDonaldTrump) a WASTEMAN, but he is also henceforth banned from the great city of Sheffield!
— MΛG!D (@MagicMagid) 4 juillet 2018
I further declare July 13th to be Mexico Solidarity Day! pic.twitter.com/qYehdHYDEt
Une ancienne aide-soignante française
Qui est-ce ? Il y a deux ans, Anne-Sophie Pelletier, 43 ans, était en premières lignes d'une grève au retentissement national à l'Ehpad des Opalines, dans le Jura. Pendant 117 jours, d'avril à juillet 2017, elle s'est illustrée en tant que porte-parole emblématique de ce conflit. D'abord couverte par la presse locale, l'une des plus longues grèves en France a été ensuite médiatisée dans tout le pays, après un reportage signé Florence Aubenas dans Le Monde.
A l'époque, Anne-Sophie Pelletier est aide médico-psychologique à l'Ehpad et n'appartient à aucun parti. Mais quelques mois après la fin de la grève, elle choisit de rejoindre La France insoumise. Elle raconte à L'Est républicain qu'elle a ensuite été poussée par son collectif local à présenter sa candidature aux européennes. Placée en cinquième position sur la liste menée par Manon Aubry, la désormais eurodéputée compte porter dans l'Hémicycle son combat pour une meilleure considération des seniors. "On sacrifie la dignité des personnes âgées et la dignité des soignants sur l'autel de la rentabilité", a-t-elle ainsi déclaré sur France 5.
Pour que les soignant.e.s, les ainé.e.s, les fragiles ne soient plus les oublié.e.s des arènes européennes, le #26Mai, #JeVoteInsoumis
— Anne Sophie Pelletier (@ASPelletier) 22 mai 2019
https://t.co/MWjaT7KmGQ
Signe distinctif ? Cette mère de famille a eu mille vies : diplômée en arts déco, elle est devenue spécialiste des tapisseries avant de reprendre des études de management dans l'hôtellerie-restauration. Elle a ensuite dirigé des appart'hôtels, avant de tout plaquer pour s'occuper de personnes âgées à leur domicile. Début 2019, elle a publié un livre pour dénoncer les mauvais traitements que subissent les personnes âgées : Ehpad, une honte française, (éd. Plon).
Lorsque je l'annonçai, ma famille en fut abasourdie : j'allais quitter un bon salaire, une situation stable, un statut établi pour recommencer ma vie professionnelle de zéro et devenir aide à domicile… femme de ménage !
Anne-Sophie Pelletierdans "Ephad, une honte française"
Un prisonnier politique espagnol
Qui est-ce ? Ancien vice-président du gouvernement régional catalan et chef du parti Gauche républicaine catalane, Oriol Junqueras, 50 ans, a été réélu dimanche au Parlement européen, où il a déjà siégé de 2009 à 2011. En détention provisoire depuis un an et demi, cet indépendantiste catalan avait fait des européennes sa priorité pour pouvoir "mettre en échec l'Etat devant l'Europe".
Un prisonnier politique entrant au Parlement européen est la meilleure manière de dénoncer la répression de l'Etat espagnol.
Oriol Junquerassur Twitter
Actuellement jugé pour son rôle dans la tentative de sécession de la Catalogne en 2017, il encourt 25 ans d'emprisonnement. Cet ancien professeur d'université a donc fait campagne depuis sa prison située dans les environs de Madrid. Nul ne sait encore s'il sera autorisé à la quitter pour pouvoir siéger à Strasbourg.
Signe distinctif ? Son grand rival n'est autre que Carles Puigdemont, tête de liste de l'autre grand parti séparatiste espagnol, qui vient aussi d'être élu au Parlement européen. Exilé en Belgique, Carles Puigdemont est menacé d'arrestation s'il met un pied en Espagne. Or, lui et Oriol Junqueras doivent prêter serment devant la commission électorale espagnole pour pouvoir occuper leur siège au Parlement européen. Le feuilleton autour des deux indépendantistes catalans ne fait que commencer.
Un humoriste satirique allemand
Qui est-ce ? "LOL", a ironiquement tweeté Nico Semsrott à l'annonce des résultats. A 33 ans, cet humoriste qui sévit sur la chaîne de télévision publique allemande ZDF vient de réussir son pari : être envoyé au Parlement européen après s'être présenté sous les couleurs d'un parti... satirique. Fondé en 2004, Die Partei (Le Parti) défend "le travail, l'Etat de droit, la protection des animaux, l'élitisme et l'initiative démocratique". Celui-ci comptait déjà un élu : Martin Sonneborn, un journaliste qui a réussi à renouveler son mandat européen dimanche. Comme lui, Nico Semsrott devra cesser sa collaboration hebdomadaire avec le "Heute-show", l'adaptation allemande du "Daily Show" américain, très populaire aux Etats-Unis. Dans cette émission diffusée sur la seconde chaîne publique allemande, Nico Semsrott incarnait un "coach en déprime".
Signe distinctif ? Pour ces européennes, Nico Semsrott et son parti ont fait parler d'eux en présentant huit faux candidats portant les noms de célèbres dignitaires nazis, comme Goebbels ou Eichmann. "Leurs noms étaient imprimés en plus gros caractères que ceux des autres candidats aux patronymes moins évocateurs", détaille Le Parisien. L'objectif : tromper les électeurs d'extrême droite pour qu'ils votent pour leur liste...
Un médecin pro-migrants italien
Qui est-ce ? Il a passé trente ans de sa vie à soigner des migrants sur l'île italienne de Lampedusa. Sur ce petit caillou d'une superficie de 20 km2, trait d'union entre l'Afrique et l'Europe, Pietro Bartolo, 63 ans, dit avoir été témoin des "crimes les plus grands que l'on puisse commettre contre l'humanité". Son engagement date de 1988. Alors qu'il termine sa spécialisation en gynécologie, il devient maire-adjoint de l'île et se retrouve "à l'avant-poste pour évaluer le flot de migrants qui commence à affluer en provenance de la Tunisie", détaille La Croix.
Depuis, "l'ange des migrants", comme on le surnomme à Lampedusa, n'a eu de cesse de dénoncer l'enfer subi par les migrants qui arrivent sur les côtes italiennes. Il vient d'être élu eurodéputé dans les rangs du Parti démocrate (centre-gauche) pour porter leurs voix au cœur des débats de l'Union européenne. Son parti fait figure d'exception à Lampedusa où l'extrême droite a dépassé les 50% aux élections européennes de dimanche, marquées par une très forte abstention dans l'île.
Signe distinctif ? Il apparaît dans le documentaire Fuocoammare de Gianfranco Rosi, primé par l'Ours d'or à la Berlinale en 2016. Sur France 3, il avait témoigné de la situation des migrants, au moment de la sortie du film.
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