Derrière l’explosion des candidatures aux élections législatives, des enjeux financiers parfois sources de dérives
Le premier tour des élections législatives se déroulera dimanche 11 juin. Si l'enjeu pour les partis est bien-sûr politique, il l'est aussi sur le plan financier. Aujourd'hui les partis reçoivent des aides publiques en fonction du nombre de parlementaires élus mais pas seulement.
Le premier tour des élections législatives se déroulera dimanche 11 juin. Au total, 7 882 candidats sont en lice, un record depuis 2002 (8 221). Dans certaines circonscriptions, les électeurs auront le choix cette année entre plus d'une vingtaine de noms ! C'est quatre fois plus qu' il y a 30 ans, avec 5 candidats par circonscription en moyenne.
Cette inflation du nombre de candidatures n'est pas due au hasard. Si ce scrutin est bien-sûr politique, il représente aussi une source importante de financement pour les formations politiques, qui peut aller jusqu'à 50% des budgets des grands partis.
Inutile de décrocher un siège à l'Assemblée pour toucher l'aide publique
Depuis la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, l'Etat accorde chaque année et sous certaines conditions une subvention directe à certaines formations politiques. Une aide qui profite aussi aujourd'hui aux petits partis. "Initialement, l’aide de l’État était réservée aux seuls partis représentés à l’Assemblée nationale ou au Sénat [...] Le champ de l’aide a été élargi par la loi du 15 janvier 1990 [...] Dès lors, la représentativité des partis politiques n’est plus fondée uniquement sur le nombre de parlementaires, mais par référence au nombre de candidats présentés et au nombre de voix que ceux-ci ont obtenues", précise la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCPF) dans son rapport d'activité 2016.
Aujourd'hui, une partie de l'aide publique accordée aux partis et groupements politiques est calculée en fonction de leurs résultats aux élections législatives, sans qu'ils n'obtiennent donc nécessairement de siège au Parlement. Ceux qui ont présenté des candidats ayant obtenu chacun au moins 1% des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions toucheront ainsi chaque année 1,42 euros par voix obtenue. Le rattachement d’un parlementaire ouvrira droit au versement de la seconde fraction de l’aide publique, soit un peu plus de 37 700 euros. En 2016, l'enveloppe globale a ainsi atteint 63 millions d'euros, dont 85% ont été alloués aux grands partis et le reste à plusieurs petites formations.
Une porte ouverte à "l'escroquerie"
Pour multiplier leur chance de toucher ces fonds publics, certains mouvements regroupent leur force, concurrents aux législatives mais enregistrés sous la même étiquette à la préfecture. C'est le cas de plusieurs mouvements de la société civile, de partis régionalistes et de petits partis d'extrême droite. L'Union des Patriotes par exemple rassemble Civitas et les Comités Jeanne de Jean-Marie Le Pen.
Mais ce système démocratique qui vise initialement "à ne pas exclure de la répartition de l'aide publique certaines formations politiques ne disposant pas de représentation parlementaire, mais ayant recueilli de nombreux suffrages", comme le précise le CNCCPF, n'est pas sans faille. Certains mouvements reçoivent ainsi de l'argent public en tant que parti politique alors qu'ils n'en font quasiment pas en dehors des élections législatives. Par le passé, des mouvements sectaires ont même tenté de se financer par ce biais.
Pour René Dosière, spécialiste du financement des partis, ces détournements sont "faciles". "Dans ma circonscription - 70 000 électeurs et 40% d'abstention en général - 1% ça fait 420 voix. Si vous avez un nom correct, que vous mettez en avant la nature, la protection des animaux, etc, 400 voix ce n'est pas compliqué à obtenir", estime-t-il sur franceinfo, dénonçant une porte ouverte à "la tricherie et à l'escroquerie vis à vis des fonds publics".
La législation sur le financement des partis politiques est beaucoup trop laxiste et peut être trop facilement détournée par des pseudo partis politiques qui se créent à cette occasion-là, uniquement pour pouvoir obtenir 1% des voix et donc le financement de l'Etat, alors qu'ils n'ont aucune activité politique.
René Dosièreà franceinfo
A l'instar de celle de René Dosière, plusieurs voix s'élèvent aujourd'hui pour demander à changer la loi en durcissant notamment les conditions d'obtention des aides publiques. Sans attendre, certains mouvements ont fait le choix de ne pas participer à ce système, comme #MaVoix qui refuse le financement public et renoncera donc à toute aide de l'Etat quel que soit son résultat.
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