"Antidémocratique", "irresponsable", "un cynisme aberrant" : les forces politiques réagissent à la lettre d'Emmanuel Macron aux Français

Le chef de l'État est sorti de son silence mercredi pour adresser un courrier via la presse régionale et France Bleu, trois jours après les élections législatives. Une lettre qui a provoqué la colère à gauche.
Article rédigé par Camille Laurent
Radio France
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Dans le texte adressé aux Français, Emmanuel Macron "demande à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle". (LUDOVIC MARIN / AFP)

Sa parole était attendue. Trois jours après le résultat des élections législatives, Emmanuel Macron publie mercredi 10 juillet une lettre à l'adresse des Français dans la presse régionale et sur France Bleu. Le président de la République y demande aux "forces républicaines" de "bâtir une majorité solide" et, dit-il, "laisser un peu de temps pour bâtir ces compromis avec sérénité et respect de chacun". Le chef de l'État juge également que "personne ne l'a emporté" lors des législatives anticipées. Dans la foulée de la parution de cette lettre, les forces politiques n'ont pas tardé à réagir, notamment au sein du Nouveau front populaire.

La gauche vent debout

Les membres du Nouveau Front populaire fustigent l'initiative du président de la République. "Dans sa lettre, Emmanuel Macron persiste dans le déni et refuse d'accepter sa défaite", réagit sur le réseau social X l'eurodéputée LFI Manon Aubry. La députée insoumise de Seine-Saint-Denis Aurélie Trouvé, invitée de franceinfo, estime qu'Emmanuel Macron "entreprend un coup de force antidémocratique". Pour Clémence Guétté, députée insoumise du Val-de-Marne, cette lettre n'est "pas à la hauteur de l'Histoire". "Plus seul que jamais, Emmanuel Macron brutalise", ajoute-t-elle sur X. "C'est le retour du droit de veto royal sur le suffrage universel", dénonce Jean-Luc Mélenchon.

François Ruffin, député Nouveau Front populaire (ex-LFI) de la Somme, critique la "manière de gouverner" d'Emmanuel Macron "avec arrogance et toute puissance" que "personne à gauche ne souhaite reproduire". "Qu'il nous laisse travailler, ajoute-t-il, pour changer la vie des gens, un peu, en mieux".

"Emmanuel Macron a décidé seul de cette dissolution. Qu’il tire maintenant les conséquences de son résultat", estime pour sa part Marine Tondelier. "La logique institutionnelle lui dicte d’appeler les chefs de parti du NouveauFrontPopulaire pour nous demander de lui proposer le nom d’un Premier ministre et un gouvernement", écrit sur X la cheffe de file des Ecologistes.

Le RN dénonce "d'indignes arrangements"

Du côté du Rassemblement national aussi, le texte d'Emmanuel Marcron est sévèrement jugé. "Irresponsable !" condamne Jordan Bardalla. "Emmanuel Macron organise la paralysie du pays en positionnant l'extrême gauche aux portes du pouvoir, après d'indignes arrangements. Son message est désormais : débrouillez-vous", réagit sur X le président du Rassemblement national. Marine Le Pen dénonce quant à elle le "cirque indigne" du président de la République. "Si je comprends bien, dans sa lettre, Emmanuel Macron propose de faire barrage à LFI qu’il a contribué à faire élire il y a trois jours et grâce à qui les députés Renaissance ont été élus, il y a également trois jours…", écrit-elle sur X.

La députée RN du Var Laure Lavalette fustige "un cynisme absolument aberrant", accusant le chef de l'État d'avoir "organisé l'impasse institutionnelle et politique dans laquelle nous sommes". "Emmanuel Macron se moque une fois de plus des Français", estime pour sa part Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme. "Le RN a eu trois victoires électorales, il est hors de question qu'Emmanuel Macron prétende les effacer" avec sa lettre aux Français, assure-t-il.

Le camp présidentiel divisé 

Le parti Renaissance et ses alliés semblent partagés. D'un côté, le député Karl Olive, ex-LR, rappelle que ses "lignes rouges avec le Nouveau Front populaire (sont) des lignes Maginot", reprochant à l'alliance de gauche d'être, selon lui, "pour le désarmement de la police", "l'augmentation" et "la création d'impôts". Le président du groupe Horizons à l'Assemblée, Laurent Marcangeli, appelle au contraire à la formation d'un gouvernement "le plus large possible, qui partirait des LR pour aller jusqu'aux sociaux-démocrates (...), voire le Parti communiste et les écologistes".

Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité de France, affirme de son côté "avoir confiance dans la capacité de chacune et chacun à construire une coalition centrale qui fédère de la gauche sociale-démocrate jusqu'à la droite républicaine que le président de la République appelle de ses vœux".

"Je pense que le moment que nous traversons exige que nous dépassions les postures partisanes et que nous cherchions à construire des passerelles avec des partis adverses dans les élections", ajoute quant à lui le député Renaissance Pieyre-Alexandre Anglade. Il souhaite toutefois que cette construction se fasse sans le RN et sans LFI qui sont "des partis contestataires qui malmènent les valeurs de la République". 

La droite ne veut pas être dans une coalition

Chez les Républicains, la lettre du chef de l'Etat est accueillie fraîchement. Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, balaye l'hypothèse de voir la droite entrer dans une grande coalition. "La coalition est arithmétiquement impossible. Tout nous oppose avec la gauche", estime-t-il. "La seule voie de passage que je vois, c'est la nomination d'un Premier ministre d'intérêt public, dégagé des jeux partisans et dont l'équation personnelle permettra de rassembler. C'est une façon de sortir d'une majorité introuvable".

Le député LR de Moselle Fabien di Filippo ironise : "Emmanuel Macron demande aux forces politiques de faire preuve de toutes les qualités dont il a cruellement manqué depuis plusieurs années à la tête de notre pays". Avant la parution de la lettre, Laurent Wauquiez, élu à la tête du groupe parlementaire LR, rebaptisé "droite républicaine", s'était prononcé pour un "pacte législatif" et non "des coalitions gouvernementales".

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