Législatives 2024 : le programme du Nouveau Front populaire "est généreux, mais dispendieux", analyse l'économiste Emmanuelle Auriol
"C'est un programme qui est extrêmement dispendieux. C'est généreux, mais c'est très dispendieux", a affirmé vendredi 14 juin, sur franceinfo, l'économiste Emmanuelle Auriol, professeure à l’École d’économie de Toulouse et membre du Cercle des économistes, après la présentation du programme du Nouveau Front populaire pour les élections législatives.
Avec le programme du Nouveau Front populaire, "notre dette va exploser"
Pour Emmanuelle Auriol, "non", ce programme ne peut pas être mis en œuvre. L'économiste rappelle que "lorsque le gouvernement a annoncé les mesures du plan qu'il avait pour assainir les finances publiques en avril, le Haut Conseil des finances publiques a émis des doutes sur le respect des objectifs présentés". Elle compare avec le programme du Nouveau Front populaire qui "dépense infiniment plus". "On revient sur les économies qui avaient été faites. Donc notre dette, si on suit cette politique, va exploser", assure l'économiste.
"On vit à crédit", souligne Emmanuelle Auriol. "50% de notre dette est détenue par des étrangers." Selon elle, "si la dette française explose de la sorte et que les marchés cessent de nous faire confiance, on peut se retrouver dans une situation semblable à la Grèce, mais aussi à l'Italie". L'économiste compare avec ce qu'il s'est passé en 1992 en Italie quand "le gouvernement italien avait mis une taxe sur tous les comptes d'épargne des Italiens pour financer la dette italienne. Ils avaient prélevé 15 milliards d'euros. À Chypre, au bord de l'explosion, ils ont prélevé 50% de l'épargne des Chypriotes".
Le rétablissement de l'ISF n'est pas une solution
Emmanuelle Auriol dénonce notamment "le rétablissement de l'ISF, la taxation des profits, la suppression d'un certain nombre de niches fiscales", prévues par le Nouveau Front populaire pour financer ces mesures de "justice sociale". "L'ISF, on l'avait arrêté non pas parce que ça pénalisait les riches" mais "parce que ce n'est pas très efficace. C'est ça le problème", explique l'économiste. Elle assure que sa suppression en 2018 "n'a pas affecté les finances publiques". "Si le but, c'est de financer quelque chose, il faut qu'on collecte de l'argent et ce n'est pas avec l'ISF" que l'on va le "financer".
L'ISF "ne rapporte pas beaucoup. C'est un impôt qui touche très peu de gens", ajoute Emmanuelle Auriol. "Les gens très riches, ils sont très agiles, ils ont des tas de conseillers, ils arrivent à trouver des façons d'échapper à l'impôt." Elle pointe le fait que "quand Bruno Le Maire a voulu taxer les superprofits des énergéticiens, il n'a pas réussi". L'économiste estime que "ce n'est pas un problème que la France peut traiter toute seule". "C'est un problème qui on doit être traité au niveau européen. Il y a des discussions au niveau de l'OCDE pour avoir un minimum d'imposition sur les entreprises. Mais ce n'est pas quelque chose qu'on va faire tout seul dans notre coin."
Préserver le "modèle social français"
"Je pense que les Français ont une vision de la France et de l'état de l'économie en général qui n'est pas bien réaliste", ajoute encore Emmanuelle Auriol. "Il faut qu'ils aillent voir ailleurs." Elle admet qu'il y a "effectivement des problèmes", mais souligne que l'on a "des infrastructures remarquables, on a un maillage en termes d'hôpitaux publics qui est important, on a une façon de prendre en charge la santé, ce qui n'est pas le cas dans des pays riches comme les États-Unis, l'Angleterre". Ce sont "des bienfaits, mais qui ont un coût", alerte Emmanuelle Auriol. "Et donc ce modèle social français auquel nous sommes tous attachés, il faut faire attention de ne pas le faire basculer."
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