Coups bas et tracts anonymes, la haine en campagne dans le fief de Georges Tron
Quatre mois après son non-lieu dans une affaire de viols, le maire de Draveil (Essonne) se représente aux élections municipales dans un climat délétère.
"Cannabis ! Cannabis !" C'est ce que lance Georges Tron, maire de Draveil (Essonne), au visage de l'un des colistiers de la liste d'opposition 100% Draveil lorsqu'il le croise sur le marché. Confortablement calé dans le canapé de son bureau, qu'il a fait installer au deuxième étage du château de Villiers, l'élu reconnaît sans problème utiliser les ennuis du fils d'un adversaire, condamné pour culture de cannabis. "Chaque fois ! Chaque fois que je le croise, je lui dis 'cannabis'. Pendant la campagne des législatives de 2012, il a fait de moi quelqu'un de sale, il n'a aucune leçon à me donner !" lâche-t-il sans ciller. Et de sonner un collaborateur qui lui apporte la copie du jugement en question.
L'anecdote donne une idée du climat de la campagne municipale dans cette ville moyenne (28 000 habitants) de l'Essonne, calée entre la Seine à l'Ouest et la forêt de Sénart à l'Est. Candidat à un quatrième mandat, l'ancien secrétaire d'Etat de Nicolas Sarkozy affronte cette année cinq listes, quatre de gauche et une sans étiquette, 100% Draveil, avec laquelle ses relations sont particulièrement exécrables. Construite ces dernières années sur l'opposition à un projet immobilier soutenu par le maire, elle est surtout emmenée par le beau-frère de Marine Le Pen, Philippe Olivier. Ce dernier et son frère jumeau Jacques sont accusés par l'édile d'être derrière sa mise en examen pour viols et agressions sexuelles en juin 2011. L'affaire avait mis en lumière le comportement parfois inapproprié du maire avec les femmes et sa fascination pour les pieds, sous couvert de réflexologie plantaire. Elle avait également révélé que Jacques Olivier avait rencontré et conseillé les plaignantes. L'affaire s'est soldée par un non-lieu fin 2013.
Tracts anonymes et livre pornographique
"Le miroir truqué" vous connaissez ? Un ramassis de perversion écrit en 2008 par Georges TRON. Les extraits arrivent bientôt.
— Dominique Leuliet (@Dom91210) 25 Février 2014
L'intéressé, convaincu que Georges Tron est bien l'auteur du livre, nie être à l'origine des tracts. Philippe Olivier balaye lui aussi l'accusation, même s'il assume avoir un temps affiché sur la vitrine de sa permanence le réquisitoire du procureur dans l'affaire des pieds, où ce dernier estime que le comportement de Georges Tron "heurte la morale publique". "Cela fait trois ans que dès que Georges Tron se casse un ongle, il m’accuse", ironise-t-il. Il n'a pas complétement tort. A la fin de la séance photo dans son bureau, Georges Tron remarque une ombre portée sur son visage, "comme une balafre". Il ne veut pas refaire la prise, mais glisse en plaisantant : "Je dirai que c'est Philippe Olivier qui m'a agressé".
"Je n'ai aucune relation avec le FN depuis 2011"
La liste 100% Draveil refuse en bloc l'étiquette d'extrême droite que Georges Tron et la préfecture, qui l'a classé dans cette catégorie, veulent lui coller dans cette ville où le FN ne soutient officiellement aucune liste. Sur les documents de campagne, les sensibilités de chacun – gauche, écologiste, MoDem, UMP – sont exprimées. Sauf celle de Philippe Olivier, qui déclare pudiquement qu'il n'a "aucune appartenance politique depuis quinze ans".
L'ancien conseiller régional d'Ile-de-France (1992-2004), qui est passé en 1998 du Front national au Mouvement national républicain (MNR) de Bruno Mégret, préfère rester discret sur son passé politique. Aucune trace de ses anciens partis sur son site de campagne. "Oui, j'ai fait des notes pour Marine Le Pen. Mais je ne revois plus les Le Pen et je n'ai aucune relation avec le FN depuis 2011", assure-t-il, agacé par la question. Celui qui se revendique aujourd'hui de la droite bonapartiste avait pourtant confié au Monde avoir "donné un coup de main" à sa belle-sœur pour la campagne législative à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) en 2012.
Sur le terrain, les deux équipes se marquent à la culotte. Des militants de 100% Draveil assurent avoir été bousculés par "des nervis" de Georges Tron. L'employeur d'une autre militante a reçu un tract anonyme où le visage de son employée est accompagné de la mention "le FN se cache". "Cela fait partie des techniques de la petite dictature locale (...) Nous avons un roquet qui nous mord les mollets", accuse Philippe Olivier. Sur son site, une vidéo montée sur la musique de Benny Hill le montre dans les rues de Draveil, un militant de Georges Tron collé aux basques.
"La pire solution pour Draveil, c'est Tron"
Dans l'équipe du maire, on dément en bloc. "Ils [les membres de la liste 100% Draveil] se mettent tout le temps en position de victimes", regrette Thierry Battesti, adjoint aux Sports. Candidat une nouvelle fois aux côtés du maire, il rappelle "les pieds peints sur les bâtiments communaux pendant l'affaire" et la "Pied pride" à laquelle Philippe Olivier a participé en juin 2011. Quant à la scène immortalisée dans la vidéo, qui témoigne qu'un de ses militants suit Philippe Olivier comme son ombre, Georges Tron lui-même la justifie : "Quand on est en campagne, on distribue les tracts à côté des concurrents. Je fais la même chose avec le PS et les autres listes."
Quelle va être l'issue de cette campagne d'une rare violence ? Le maire espère encore être réélu dès le premier tour, comme en 2008, malgré sa défaite aux législatives et les maigres 51,91% récoltés dans son fief au second tour. Philippe Olivier compte, lui, sortir en tête. A défaut, "soit on appelle à voter à gauche, soit on se maintient pour le faire perdre. La pire solution pour Draveil, c'est Tron", martèle-t-il. Le candidat PS, Jean-Jacques Lejeune, qui pourrait être le grand gagnant de ce duel fratricide à droite, constate "un climat de fin de règne" dans cette ville qui a majoritairement voté pour François Hollande en 2012. Mais il se refuse à tout pronostic : "Il y a un tel brouhaha dans cette ville qu'il est difficile de se faire une petite idée du résultat."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.