Candidats analphabètes, fausses pétitions : quand le FN dérape pour boucler ses listes
Les plaintes se multiplient après l'annonce par le Front national du dépôt de 550 listes pour les élections municipales.
La liste s'allonge. Les contestations de candidats FN inscrits malgré eux sur les listes du parti pour les élections municipales se multiplient. Dernière en date, celle d'un couple quasi-analphabète de Louhans (Saône-et-Loire). L'Express rapporte, jeudi 13 mars, que ces deux personnes ont écrit au préfet pour dénoncer un "abus de faiblesse et de confiance".
Marine Le Pen a annoncé le 5 mars, sur le plateau de France 2, que le Front national était en mesure de déposer une liste dans au moins 550 villes de France. Un record atteint, semble-t-il, grâce à des méthodes plus ou moins douteuses.
Des colistiers analphabètes, âgés ou malades
Jacky Galland, 64 ans, un ouvrier à la retraite qui ne sait ni lire ni écrire, et son épouse Françoise, 46 ans, sont candidats sur la liste du FN à Louhans. Selon L'Express, ce couple, qui s'exprime avec difficulté, assure avoir été trompé par la tête de liste, qui les aurait inscrits malgré eux. Ce dernier, Sébastien Alloin, reconnaît avoir fait signer à Jacky Galland une "déclaration de candidature" en l'absence de sa femme, mais affirme auprès de l'hebdomadaire avoir été clair sur les conséquences de cet engagement. "Je ne lui ai pas mis le couteau sous la gorge", assure-t-il.
Autre exemple, celui de Bernard Vassort et sa femme Georgette, âgés de 90 ans. Ils ont été inscrits de force par leur fille sur la liste FN de la ville d'Orléans (Loiret), explique La République du Centre (lien abonnés). Georgette Vassort souffre en outre de la maladie d'Alzheimer. Elle est hospitalisée dans un établissement de l'agglomération. Joint par téléphone, Bernard Vassort confirme qu'il ne souhaitait pas être candidat.
Là encore, le Front national tient sa ligne de défense. "Nous ne savons pas dans quelles conditions cela a été fait, mais nous avons sa signature. La liste est légale (…). Nous n'étions pas au courant qu'elle était malade, c'est regrettable…" explique le secrétaire départemental du parti, Bernard Chauvet.
La technique de la pétition
Au Grand-Quevilly (Seine-Maritime), plusieurs personnes se plaignent d'avoir été inscrites à leur insu sur une liste Rassemblement bleu Marine, rapporte L'Express. Des personnes, parfois âgées, qui se seraient fait avoir en pensant signer une pétition. Il s'agissait en réalité d'un formulaire officiel d'inscription. Impossible désormais de retirer son nom, sauf si la tête de liste retire l'ensemble de la liste.
Pour le Front national, à quelques heures de l'heure limite pour le dépôt légal des listes en préfecture (jeudi à 18 heures), il en est hors de question. "Il n'y a eu aucune manœuvre de notre part, nos formulaires d'inscription sont sans équivoque", justifie dans L'Express Nicolas Bay, directeur de la campagne des municipales au FN. Pour les colistiers qui se disent dupés, le seul recours reste le dépôt d'une plainte. De son côté, la préfecture signale à l'hebdomadaire que "plusieurs cas de ce type" ont été signalés dans le département et notamment à Elbœuf, où une enquête a été ouverte par le procureur de Rouen, jeudi 6 mars, annonce le site 76actu.
La promesse de discrétion
Même si la stratégie de normalisation de Marine Le Pen commence à porter ses fruits dans l'opinion publique, il reste difficile pour de nombreuses personnes de s'afficher comme adhérentes de ce parti à la réputation sulfureuse. Du coup, le Front national tente de convaincre les éventuels colistiers en leur garantissant une certaine discrétion.
Pour les femmes, il est ainsi légal d'utiliser son nom de jeune fille pour se présenter devant les électeurs. Il est également possible, pour les hommes comme pour les femmes, de se faire appeler par son deuxième prénom sur les listes. Déguiser son identité, c'est ainsi la proposition formulée sur son blog en février par le secrétaire départemental du FN en Haute-Savoie, Dominique Martin.
Le responsable frontiste se défend de conseiller l'anonymat aux potentiels candidats du FN et explique que tout le monde utilise la même méthode : "C'est assez classique de tenter de rassurer les gens, et ce quelle que soit la couleur politique. Tous les partis font ça."
Le ratissage large
Début octobre, un journaliste de la Voix du Nord (lien abonnés) a failli réussir à intégrer la liste Front national de Roubaix (Nord). Il a contacté la tête de liste par téléphone en expliquant qu'il répondait à l'appel à candidatures lancé sur le web.
Ravie, Françoise Coolzaet va l'accueillir à bras ouverts. Pour le rassurer, outre les possibilités d'anonymat, elle déclare notamment : "Que ce soit clair. Nous, on ne cherche pas de militants actifs. On veut juste des noms. Le plus important, ce sont les huit ou dix premiers, mais les autres, leur seule utilité est de nous permettre de constituer la liste et de nous présenter." A aucun moment Françoise Coolzaet ne pose de questions sur le parcours ou le profil de son potentiel colistier.
Le FN n'est donc pas toujours très regardant sur les personnes qui rejoignent ses listes. Conséquence, il arrive que certains candidats dérapent, comme Anne-Sophie Leclere, qui avait comparé sur sa page Facebook la ministre de la Justice, Christiane Taubira, à un singe. La jeune femme a été exclue du Front national.
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