Présidentielle 2022 : une centaine de maires, dont celui de Romainville, ne souhaite pas "parrainer un naufrage" à gauche
Ces élus de gauche appelent à la grève des signatures de parrainage pour réclamer l'union de la gauche en vue de l'élection présidentielle de 2022.
Une centaine de maires, dont celui de Romainville (Seine-Saint-Denis), invité mercredi 17 novembre de franceinfo, ne souhaite pas "parrainer un naufrage" à gauche pour l'élection présidentielle 2022. François Dechy, élu à la tête d'une liste citoyenne de gauche, a appelé à la grève des signatures de parrainages lors d’une cérémonie organisée en octobre devant sa mairie, avec d’autres élus. Ils réclament dans ce "serment de Romainville" une union à gauche et une "primaire populaire pour une candidature écologique, démocratique et sociale", alors que plusieurs personnalités politiques se sont déclarées candidates à la présidentielle d'avril prochain. Aucune de ces personnalités ne semble aujourd'hui en mesure de se qualifier pour le second tour, selon les sondages. Et si une majorité de sympathisants de gauche souhaitent l'union, ils ne la croient pas possible.
franceinfo : Vous avez l'impression que si vous parrainez un candidat en particulier, vous envoyez la gauche dans le mur ?
François Dechy : On se fait simplement le relais de nos électeurs, du peuple de gauche, des militantes et des militants de la gauche et de l'écologie qui veulent à tout prix éviter le naufrage que les partis nous préparent. En tant qu’élus, issus de cette dynamique citoyenne militante, on ne veut pas parrainer un naufrage. Choisir entre quatre candidats dont aucun aujourd'hui n’est susceptible de passer les 10%, c'est une farce à laquelle on ne veut pas participer et on utilise donc notre pouvoir de parrainer comme la dernière chance donnée au rassemblement pour qu'il y ait une prise de responsabilité des partis. Nous sommes plus d’une centaine de maires à avoir signé ce "serment de Romainville", qui est un serment positif. On rêverait de pouvoir parrainer un candidat de rassemblement issu d'une dynamique d'accord, à la fois partisane et citoyenne. On fait le serment de ne pas accorder nos signatures tant que le rassemblement n'est pas organisé. Mais on attend avec impatience ce rassemblement. On y croit encore.
Ce que vous entendez, c’est aussi des candidats qui disent "tous unis... mais derrière moi" ?
Oui, c'est la technique aujourd'hui. Mais c'est incompréhensible pour l’électeur. Dans des dizaines de milliers de communes de France, il y a des majorités de projets entre des citoyens engagés, issus de la sphère associative, issus de l'économie solidaire et des militants politiques issus du Parti communiste, d'Europe Écologie Les Verts, de Génération·s, du Parti socialiste. Ces majorités de projets fonctionnent sur les territoires aujourd'hui. Les élus qui ont encore un peu de confiance de la part des électeurs, ce sont les maires. On voit bien que sur les territoires, cela marche. Pourquoi cela ne marcherait pas à l'échelle nationale ? Pourquoi exalterait-on des micro-différences entre les différents partis, entre les différentes candidatures ? Aujourd'hui, on a l'urgence sociale, l'urgence écologique, un certain nombre d'enjeux de rénovation de notre modèle démocratique. On a une convergence du peuple de gauche, des citoyens et des activistes sur ces sujets. Il faut que l'on ait une convergence en termes de candidatures. On a des électeurs, un peuple de gauche, traumatisé par les scrutins présidentiels précédents, traumatisés de l'élimination au premier tour. On a aujourd’hui des aspirations partagées et on a un sens des responsabilités qui n'a jamais été aussi fort chez les électeurs, mais aussi sûrement un sens des responsabilités qui n'a jamais été aussi faible du côté des responsables politiques nationaux. C'est cette dissonance qu'il faut pouvoir résoudre vite.
Existe-t-il un risque qu’en avril il y ait aussi une "grève" des électeurs ?
On est dans l’espoir, aujourd’hui. Mais il faut effectivement un débouché politique au ras-le-bol. On a un ras-le-bol face à la progression du néolibéralisme d'un côté, ou du fascisme de l'autre. Face à cela, on a des aspirations qui n'ont jamais été aussi partagées pour une vraie transformation écologique et sociale de nos modèles. Le problème, c'est qu'aujourd'hui, les partis politiques n'offrent plus de débouchés politiques aux mobilisations citoyennes. C'était pourtant le rôle des partis politiques, historiquement, d'apporter des débouchés politiques aux aspirations du mouvement social de la société civile organisée. C'est ça qu'il faut reconstruire. On avait cinq ans, depuis 2017, pour le construire. Les partis n’ont pas réussi, je ne sais pas s’ils ont essayé, mais en tout cas, ils n'ont pas réussi. Le dernier sursaut de responsabilité des partis, c'est celui que l'on propose. C'est celui de faire la primaire populaire avec la mobilisation citoyenne. C'est le dernier outil des élus locaux engagés : utiliser le serment de Romainville pour lancer cet appel à la responsabilité et éviter effectivement le naufrage. Un naufrage avec une très lourde déflagration démocratique, demain, dans notre capacité à construire. Personne ne croit aujourd'hui au fait que l’on va gagner en 2022. Aucun des candidats n'y pense, mais ils se disent : au moins, on sera mieux placé pour 2027. Ils nous préparent une Bérézina totale sur laquelle on aura du mal à reconstruire. Si on veut reconstruire pour 2022 ou pour après, c'est maintenant qu'il faut agir et c'est maintenant qu'il faut se rassembler.
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