Cent jours d'Emmanuel Macron à l'Elysée : le président a-t-il tenu ses promesses ?
Le 7 mai, Emmanuel Macron était élu président de la République. Dans une interview au "Journal du dimanche", il avait détaillé le programme des cent premiers jours qui suivraient son accession au pouvoir. Franceinfo confronte les paroles aux actes.
"Ce que je ferai de mes cent jours" : à deux semaines du premier tour de l'élection présidentielle, le dimanche 9 avril, Emmanuel Macron dévoilait au JDD l'agenda de ses premiers mois à l'Elysée. L'échéance est arrivée : ce mardi 15 août marque les cent jours écoulés depuis l'accession du candidat En marche ! à la présidence de la République. Mais le chef de l'Etat est-il passé des paroles aux actes ?
D'emblée, Emmanuel Macron expliquait : "Je ne crois pas aux 'cent jours' […] On ne peut pas être dans un pays où la campagne dure deux ans et une présidence se réduit à cent jours !" De fait, il inscrit plusieurs des ses actions "dans les six mois" à venir. Logiquement, toutes ses promesses ne sont pas encore tenues. Mais le candidat ajoutait : "Ces 'cent jours' doivent être les fondations d'une action pérenne." Franceinfo a relu l'interview du candidat Macron et l'a confrontée aux premières mesures du quinquennat.
Sur son gouvernement
Ce qu'il a promis. "Chacun des ministres aura une feuille de route présentée avant les législatives, avec des objectifs en terme de politiques publiques et de budget."
Ce qu'il a fait. Cet engagement n'a été qu'en partie tenu. Les ministres ont dû rendre leur feuille de route (qui planifie leurs actions et méthodologie) le 15 juin au Premier ministre – donc après le premier tour des élections législatives, mais bien dans le cadre des "cent jours". De même, la liste des économies dans les différents budgets des ministères a été communiquée mi-juillet, après la réalisation d'un audit des finances publiques par la Cour des comptes.
Sur la moralisation de la vie publique
Ce qu'il a promis. "Chaque ministre ou candidat aux législatives devra avoir un casier judiciaire vierge. Je souhaite que l'on se donne quelques jours avant la nomination du gouvernement pour que des vérifications fiscales et déontologiques soient menées par l'administration fiscale et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique."
Ce qu'il a fait. Avant l'annonce de la composition du gouvernement, la situation fiscale et patrimoniale des futurs ministres a bien été passée au crible par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Richard Ferrand, visé par une enquête préliminaire dans l'affaire des mutuelles de Bretagne, et les ministres MoDem, éclaboussés par l'ouverture d'une information judiciaire portant sur des soupçons d'emplois fictifs d'assistants parlementaires européens, ont dû démissionner du gouvernement. Toutefois, plusieurs candidats déjà condamnés par la justice ont été investis par La République en marche : Pierre Cabaré, condamné à un an d'inéligibilité, a ainsi été élu dans la première circonscription de Haute-Garonne ; même chose pour Thierry Robert, condamné dans une affaire de diffamation et élu dans la septième circonscription de La Réunion. Si leur investiture a été retirée par LREM, le parti présidentiel n'a pas présenté de candidats face à eux.
Ce qu'il a promis. "Le projet de loi de moralisation de la vie politique sera mis sur la table du conseil des ministres avant les législatives. Avec, d'abord, l'interdiction du népotisme pour les parlementaires, qui ne pourront salarier aucun membre de leur famille. On doit aussi fiscaliser la totalité des rémunérations, en particulier l'indemnité représentative de frais de mandat, et les rendre transparentes. Pour éviter les conflits d'intérêts, les activités de conseil seront interdites."
Ce qu'il a fait. Conformément à l'engagement d'Emmanuel Macron, le projet de loi sur la moralisation de la vie publique a été examiné en un temps record. Le texte interdit les emplois familiaux de collaborateurs pour la famille proche (conjoint, parents et enfants, ainsi que ceux du conjoint) pour les ministres, parlementaires et exécutifs locaux. L'indemnité représentative de frais de mandat est finalement supprimée au profit d'un système de remboursement des frais, sur présentation de justificatifs, ou par une prise en charge directe. Enfin, les activités de conseil ne sont finalement pas interdites mais encadrées : les parlementaires ne pourront pas se lancer dans ce type d'activité en cours de mandat, ni dans l'année avant leur entrée en fonction. Un texte en deça des exigences des ONG. "Le texte apporte des réponses mais pas toutes", déplore ainsi Marc-André Feffer, président de Transparency International France, interrogé par L'Obs.
Sur le travail parlementaire
Ce qu'il a promis. "Dès l'été, je souhaite que plusieurs textes soient présentés. La simplification, d'abord. Fin mai ou début juin, un projet de loi d'habilitation permettra au gouvernement d'agir par ordonnances pour mettre en place le droit à l'erreur : sauf cas grave, l'administration qui contrôle un individu ou une entreprise ne sera plus immédiatement dans la sanction, mais dans l'accompagnement et le conseil."
Ce qu'il a fait. Initialement, le projet de loi sur le droit à l'erreur (qui fait primer la bonne foi de toute personne physique ou morale ayant involontairement méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation) et la simplification administrative devait être présenté fin juillet en conseil des ministres, mais il est reporté à la rentrée afin "d'étoffer le texte". Le Conseil national d'évaluation des normes s'est interrogé sur sa "cohérence et (son) intelligibilité".
Sur les finances
Ce qu'il a promis. "Dès mon entrée en fonction, un audit des finances publiques sera demandé afin de disposer à la mi-juin des résultats de la gestion en cours. Il n'y aura pas de loi de finances rectificative cet été : ni cadeau ni augmentation d'impôts."
Ce qu'il a fait. Chose promise, chose due : l'audit des finances publiques a bien été réalisé par la Cour des comptes, qui a pointé un risque de dérapage du déficit. S'il n'y a pas eu de loi de finances rectificative, le gouvernement a su manier le coup de rabot. L'exécutif a décidé de dégager 4,5 milliards d'économies supplémentaires d'ici la fin de l'année. Des annulations de crédits touchent le budget de la Défense (entraînant la démission du général Pierre de Villiers), l'Intérieur, les collectivités locales… Les aides personnalisées au logement (APL) baisseront aussi uniformément de 5 euros par mois et par foyer à partir du 1er octobre.
Sur l'éducation
Ce qu'il a promis. "Dès la rentrée 2017, je veux la mise en place des 12 élèves par classe de CP et CE1 dans les écoles de l'éducation très prioritaire […]. Par ailleurs, sur les rythmes scolaires, un décret sur la liberté des communes leur donnera la possibilité d'en sortir. Enfin, un arrêté permettra le retour des classes bilangues dès cet été."
Ce qu'il a fait. Le dédoublement des classes de CP et CE1 dans l'éducation prioritaire entrera partiellement en vigueur à la rentrée, avant d'être généralisé en 2018. Près de 2 500 classes de CP seront dédoublées, sur les 12 000 sections CP et CE1 en zones d'éducation prioritaire. Sur les rythmes scolaires, le décret autorisant le retour à la semaine de quatre jours a été publié fin juin. Près d'un tiers des écoles primaires l'abandonneront ainsi dès la rentrée de septembre. Enfin, Emmanuel Macron a annoncé le 13 juillet l'ouverture de 1 200 sections bilangues ; un chiffre à relativiser, car "près des deux tiers des bilangues ont en réalité été maintenues au cours de l’année scolaire 2016-2017", précise Le Monde.
Sur la sécurité
Ce qu'il a promis. "Je mettrai en place dès l'été une cellule de coordination du renseignement, ainsi qu'une task force sur le terrorisme islamiste sous l'autorité du président. Dès l'été, les mesures nécessaires au renforcement de la sécurité intérieure seront prises."
Ce qu'il a fait. Conformément à la promesse de campagne, l'Elysée a annoncé le 7 juin la création d'un Centre national du contre-terrorisme, placé auprès du président de la République, qui sera dirigé par Pierre de Bousquet de Florian, ex-numéro 1 de la Direction de la surveillance du territoire. Le texte, destiné à lutter contre le terrorisme et à permettre la sortie de l'état d'urgence après le 1er novembre et vivement contesté par les défenseurs des droits de l'Homme, doit en revanche être examiné par l'Assemblée avant son adoption.
Sur l'Europe
Ce qu'il a dit. "Je rencontrerai la chancelière allemande afin d'engager une réorientation du couple franco-allemand, pas seulement économique, mais aussi en matière de souveraineté et de défense. A l'été, je ferai un tour des capitales européennes."
Ce qu'il a fait. Dès le lendemain de son investiture à l'Elysée, le chef de l'Etat a rencontré Angela Merkel à Berlin. S'ils ont affiché leur volonté de coopérer en matière de convergence de la zone euro ou de défense, le passage aux actes (création d'un budget de la zone euro, par exemple) semble encore loin. Les élections législatives en Allemagne, fin septembre, n'y sont pas pour rien. Quant au "tour des capitales européennes", il sera modeste. Emmanuel Macron se rendra en Autriche, en Roumanie et en Bulgarie du 23 au 25 août, afin d'obtenir le durcissement des règles sur le travail détaché en Europe. Il recevra les dirigeants allemand, italien et espagnol le 28 et le Premier ministre néerlandais le 31.
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