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"L'Etat ne doit pas nous laisser de côté" : les personnes handicapées interpellent les candidats à la présidentielle

Un grand rassemblement, à l'appel de l'Association des paralysés de France, était organisé à Paris, mardi. L'objectif : faire émerger les thèmes liés au handicap dans la campagne présidentielle.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Partie de Nantes (Loire-Atlanique) le 25 mars 2017, la marche citoyenne est arrivée place du Trocadéro, à Paris, le 11 avril, pour alerter les candidats à l'élection présidentielle. (CAROLE BELINGARD / FRANCEINFO)

"Résiste, prouve que tu existes." La chanson de France Gall résonne au Trocadéro, mardi 11 avril. C'est sur cette emblématique place parisienne que les "oubliés", comme ils se surnomment, ont décidé de se faire entendre. Des personnes handicapées sont venues, à l'appel de l'Association des paralysés de France (APF), conclure une grande marche citoyenne, partie de Nantes (Loire-Atlantique) le 25 mars pour interpeller les onze candidats à l'élection présidentielle.

"Nous attendons qu'ils se saisissent de la question du handicap, expose Pascale Ribes, vice-présidente de l'APF. C'est 18% de la population française, soit 12 millions de personnes." Pour l'association, il y a urgence. Et les statistiques le prouvent : le taux de chômage chez les personnes handicapées atteint 20%, un enfant handicapé sur deux est déscolarisé avant l'âge de 10 ans, rappelle Pascale Ribes. Franceinfo a interrogé des personnes en situation de handicap sur leurs attentes, à moins de deux semaines du premier tour.

Patricia : "En trente ans de handicap, je n'ai vu aucune évolution"

Patricia lors du rassemblement du 11 avril 2017 place du Trocadéro, à Paris  (CAROLE BELINGARD / FRANCEINFO)

A 22 ans, Patricia voit sa vie basculer. Après un accident de voiture, elle se retrouve en fauteuil roulant. "En trente ans, je n'ai vu aucune évolution, j'ai l'impression que personne ne se soucie du handicap", regrette-t-elle. Alors, même si elle n'y croit plus trop, la quinquagénaire est venue de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), où elle vit, pour s'exprimer.

En l'occurrence, Patricia a une requête bien précise à destination des candidats à la présidentielle. En concubinage avec un homme valide qui perçoit un revenu, elle n'a pas le droit à l'allocation aux adultes handicapés. "Ce n'est pas parce qu'on est en couple qu'on doit nous la supprimer, dénonce-t-elle. Il faudrait que j'habite seule pour percevoir cette aide. C'est lamentable. Aujourd'hui, je suis complètement dépendante de mon ami." Sans ressources financières propres, Patricia explique se sentir exclue.

Les médecins nous disent de vivre comme tout le monde, mais ce n'est pas possible, on nous met des barrières. On ne sait plus où est notre place.

Patricia

à franceinfo

Rémy : "A la fin du mois, il ne me reste presque plus rien"

Rémy et Rachid sont venus assister au rassemblement de la "marche des oubliés", à Paris, le 11 avril 2017. (CAROLE BELINGARD / FRANCEINFO)

Lunettes de soleil, chemise à carreaux rouge et noire, Rémy est venu, déterminé, depuis le foyer d'accueil pour adultes handicapés de Pantin (Seine-Saint-Denis). "On est là pour revendiquer nos droits", assène-t-il. Handicapé de naissance, l'homme de 59 ans constate avec amertume l'absence des thèmes liés au handicap dans cette campagne présidentielle. "A la limite, on parle de dépendance, explique-t-il. Mais quand on parle de dépendance, c'est toujours lié aux personnes âgées."

Pour nous, la dépendance, c'est la vie entière, de la naissance à la mort. L'Etat ne doit pas nous laisser de côté.

Rémy

à franceinfo

Pour Rémy, la mesure la plus urgente est la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés. C'est d'ailleurs une promesse de certains candidats, comme le relaie Le Monde. "Je touche 820 euros d'allocation, soit le plafond maximum, mais je donne 70% de cette somme au foyer, il me reste 30% de la somme pour vivre, mais avec ça je dois payer ma mutuelle, mes factures de téléphone, d'internet. Bref, à la fin du mois, je n'ai presque plus rien."

Rachid : "On est mal vus par la société"

Rachid vient également du foyer de Pantin. Tout sourire pour la photo, le jeune homme en a pourtant gros sur le cœur. Outre les questions de revenus, il peste contre la difficulté de prendre les transports en commun comme tout le monde. "Certains chauffeurs de bus se barrent quand tu leur fais signe de s'arrêter, témoigne-t-il. C'est véridique, moi j'ai vécu cela à Aulnay-sous-Bois."

Quand je vois que tous les transports en commun ne sont pas adaptés, j'ai l'impression qu'on est mal vus par la société et que l'on ne veut pas de nous.

Rachid

à franceinfo

En ce qui concerne l'accessibilité, les choses ne sont pas près de s'arranger. Durant l'été 2015, le Parlement a accordé de nouveaux délais pour rendre les bâtiments publics accessibles aux personnes handicapées.

Claude : "En France, il n'y a pas les structures nécessaires"

Claude Boulanger, à la tête de l'Association des paralysés de France en Ile-de-France, place du Trocadéro à Paris, le 11 avril 2017. (CAROLE BELINGARD / FRANCEINFO)

Responsable de l'APF en Ile-de-France, Claude Boulanger porte un regard plus large sur les problématiques liées au handicap. "Il ne faut pas réduire les personnes handicapées à l'allocation, assène-t-il. Cela fige le handicap à une image d'assistanat." La question du logement est aussi au cœur de ses attentes.

Certains candidats parlent de construire des places de prison, mais pourquoi on ne prévoirait pas de construire des centres pouvant accueillir des personnes handicapées ?

Claude Boulanger

à franceinfo

"Beaucoup de personnes polyhandicapées sont obligées de s'exiler en Belgique car, en France, il n'y a pas les structures nécessaires", regrette-t-il. 

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