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Présidentielle : pourquoi le Front national peine à financer sa campagne

Malgré un prêt de six millions d'euros souscrit auprès du microparti de son père, Marine Le Pen cherche encore à réunir une somme équivalente.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La présidente du Front national et candidate à la présidentielle, Marine Le Pen, le 9 décembre 2016, lors d'un meeting à Paris. (MARTIN BUREAU / AFP)

La même rengaine revient à chaque échéance électorale. Les dirigeants du Front national se plaignent d'avoir des difficultés à réunir les fonds nécessaires au financement de leur campagne. La présidentielle 2017 ne fait pas exception. 

Mardi 3 janvier, la présidente du FN et candidate du parti, Marine Le Pen, a affirmé qu'il lui manquait encore six millions d'euros, malgré le prêt d'un même montant accordé par le microparti de son père, Cotelec, les ex-Cotisations électorales Le Pen créées dans les années 1980, créancier historique des candidats frontistes. Voici pourquoi le FN peine à se financer.

Parce qu'une campagne coûte cher

D'après Le Parisien, le FN a besoin de 30 millions d'euros pour financer ses prochaines campagnes électorales : 15 millions d'euros pour la présidentielle et 15 autres millions d'euros pour les législatives.

Le Figaro estime que la présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle nécessiterait, à elle seule, un budget de 5 millions d'euros.

Et ces sommes viennent s'ajouter à celle nécessaire au fonctionnement même du parti : un budget d'environ 8 millions d'euros par an en 2014, évalue Le Figaro.

Parce que les revenus du FN sont limités

Les cotisations de ses adhérents. Le Front national revendiquait 85 000 adhérents en avril 2016, selon Marianne. Or les adhésions au FN coûtent entre 15 et 250 euros, selon que l'on est étudiant ou que l'on est prêt à payer une formule "prestige". Mais, au printemps 2016, seuls 57 000 adhérents frontistes étaient à jour de cotisation. Un sérieux manque à gagner pour le parti.

Les versements de ses élus. Le Front national se finance aussi grâce à ses élus. D'après RTL, le parti leur propose des prélèvements automatiques pour que chacun puisse reverser 10% de son indemnité. Depuis les élections régionales de 2015, le FN compte 1 995 élus. Il n'en avait jamais eu autant. Mais environ 400 d'entre eux auraient démissionné depuis leur élection, d'après France Inter. Et la plupart de ceux restants sont des élus locaux qui perçoivent des indemnités plus modestes que celles des élus nationaux. C'est là que le bât blesse : le Front national ne dispose que de deux députés et deux sénateurs.

Les subventions, dons et ventes. Pour boucler son budget, le FN peut compter sur les dons, les subventions publiques versées à chaque parti politique, et sur les recettes de la vente de ses produits dérivés, achetés par ses militants et sympathisants lors des meetings, par exemple. 

D'après Le Figaro, les subventions rapportaient en 2014 environ 5 millions d'euros au FN, les adhésions 2 millions, les versements de ses élus 500 000 euros et les recettes diverses également 500 000 euros. Soit tout juste 8 millions d'euros, l'équivalent de son budget de fonctionnement annuel. Si les revenus du parti n'ont pas évolué, le FN n'a donc aucune réserve d'argent pour financer ses campagnes électorales.

Parce que le parti a du mal à obtenir des crédits

Beaucoup de refus essuyés. Marine Le Pen se plaint d'être "combattue par les banques" françaises, qui, affirme-t-elle,"refusent de prêter à [sa] campagne présidentielle""J'ai sollicité des banques européennes, anglaises, américaines, russes bien sûr, etc. La première qui me dit oui, j'accepterai", a assuré la patronne du FN, mardi, sur BFMTV.

Un argument que les dirigeants du Front brandissent à chaque élection, quand ils médiatisent leurs difficultés financières. Comme en 2014, lorsque le parti s'était justifié d'avoir souscrit un prêt de neuf millions d'euros auprès d'une banque russe, la First Czech Russian Bank (FCRB). 

A l'époque, le Front national avait publié les courriers qu'il avait envoyés pour solliciter des emprunts auprès de quinze banques, françaises et européennes. Il avait aussi dévoilé les lettres qu'il avait reçues des banques ayant refusé de lui accorder des prêts en juillet 2013.

Des banques prudentes. Le CIC avait alors expliqué que "compte tenu de la diversité des opinions des clients, sociétaires et administrateurs élus du Groupe Crédit Mutuel-CIC, nous souhaitons nous en tenir à un principe de neutralité en nous abstenant de financer des formations politiques".

Outre l'argument de la neutralité politique, un analyste financier, contacté par franceinfo, avait confirmé une certaine frilosité des créanciers face au risque. "Les partis et les élus ont un statut précaire aux yeux des banques : ils ont des dépenses considérables et leurs rentrées d'argent dépendent de leur score", avait argumenté ce professeur d'analyse financière.

Une image sulfureuse. Les banques "n'ont aucun risque – nous sommes sûrs d'avoir les 5% et les parrainages d'élus –,on voit bien qu'il y a un acte politique derrière tout ça", rétorque aujourd'hui Marine Le Pen. Dans les sondages, la candidate est créditée d'environ 25% des intentions de vote au premier tour de la présidentielle. Et, contrairement aux scrutins de 2007 ou 2012, l'important volant d'élus acquis devrait lui permettre d'obtenir sans difficulté les 500 parrainages nécessaires pour se présenter.

Mais "si l'on connaît le FN de réputation, les banques ont besoin de connaître ses comptes, de savoir comment ils sont gérés", expliquait l'analyste financier à franceinfo. Et le FN, deux de ses dirigeants et plusieurs très proches de Marine Le Pen sont mis en examen pour des soupçons d'escroquerie aux frais de l'Etat, notamment lors des campagnes présidentielle et législatives de 2012. 

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