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Présidentielle : Emmanuel Macron, premier de cordée après une campagne en pointillé

Le président de la République s'est qualifié dimanche pour le second tour, avec une avance plus confortable qu'espérée face à la candidate du RN, Marine Le Pen. Mais les soutiens du chef de l'Etat se gardent bien de tout triomphalisme après des dernières semaines délicates.

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Emmanuel Macron a terminé en tête du premier tour de l'élection présidentielle avec près de 28% des suffrages, le 10 avril 2022. (LUDOVIC MARIN / AFP)

"Macron, président ! Macron, président !" Dans le hall 6 du parc des expositions de la porte de Versailles, à Paris, les militants de LREM laissent résonner durant de longues secondes leur cri de libération. Emmanuel Macron vient de terminer son discours, dimanche 10 avril au soir, plus d'une heure et demie après l'annonce des résultats du premier tour de la présidentielle. Et c'est bien en "vainqueur" (27,84% des suffrages) que le candidat-président s'avance désormais pour le second tour, selon les résultats définitifs fournis par le ministère de l'Intérieur. 

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Comme en 2017, le chef de l'Etat retrouvera Marine Le Pen, qui obtient 23,15% des voix, pour un combat qui s'annonce bien plus difficile, cette fois. Les pronostics sont bien plus serrés qu'il y a cinq ans : Emmanuel Macron est crédité de 54% des intentions de vote pour le second tour face à Le Pen (46%), selon notre sondage Ipsos-Sopra Steria. "Ne nous trompons pas, rien n'est joué", a d'ailleurs mis en garde le président-candidat lors de son discours, dimanche soir. Le locataire de l'Elysée avait lui-même reconnu, lundi sur France Inter, n'avoir pas "réussi à endiguer" l'extrême droite.

Cet aveu d'impuissance est aussi à mettre en miroir avec une campagne a minima et émaillée de polémiques. Entré tardivement dans la course, Emmanuel Macron n'a pas pu mener campagne comme il l'avait imaginé, en raison de la guerre en Ukraine. "Je pensais que l'on aurait un candidat-président. Là, il est président-candidat", résumait avant le premier tour un pilier de la campagne macroniste. Résultat : un agenda adapté jusqu'à la dernière minute avec peu de déplacements sur le terrain.

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La guerre en Ukraine a entravé sa campagne

Les plans de campagne de la macronie sont tombés à l'eau les uns après les autres, dès le départ. Alors qu'il voulait annoncer sa candidature lors d'un déplacement hors de l'Ile-de-France, selon L'Express, Emmanuel Macron a été contraint d'y renoncer à cause de la situation internationale. Et de se contenter d'une sobre lettre aux Français. Le président a imaginé ensuite un meeting à Marseille, le 5 mars, pour lancer sa campagne. Mais les événements en Ukraine l'ont à nouveau contraint à reporter ce grand raout au week-end suivant. Le meeting a finalement bien eu lieu... mais sans le candidat, là encore retenu par le conflit ukrainien. 

"Il y a une part de contraintes dans cette campagne qui dépend des événements en Ukraine."

Un cadre de la majorité

à franceinfo

A moins d'un mois du premier tour, les caciques de la macronie se rassurent pourtant sur un point : les intentions de vote s'envolent en faveur du chef de l'Etat. A la mi-mars, selon notre agrégateur de sondages, Emmanuel Macron frôle la barre des 30%, et il progresse de cinq points sur un mois. Un phénomène que les observateurs qualifient "d'effet drapeau", où la nation se serre les coudes autour du président, chef des armées.

Un refus de débattre très critiqué

Ces bons sondages tranchent pourtant avec ce qu'il se passe sur le terrain. Le 7 mars, Emmanuel Macron lance réellement sa campagne lors de sa première visite à son QG, mais surtout en participant à une rencontre avec les Français, à Poissy (Yvelines), ville tenue par son ami Karl Olive. Or, ce dernier, révèle France Inter, a sélectionné les questions et les participants en amont.

Tollé dans l'opposition, qui dénonce une mise en scène. "L'organisation de Poissy était pleine de bonne volonté, mais elle est apparue comme préparée, ce qui lui a enlevé de la spontanéité", reconnaît François Bayrou. Le patron du MoDem veille d'ailleurs à ne pas reproduire cette erreur lorsqu'il organise, dans sa ville de Pau, le 18 mars, le même genre de rencontre entre le candidat-président et des habitants. 

A Poissy, Emmanuel Macron annonce qu'il ne participera à aucun débat avec les autres candidats avant le premier tour, assurant qu'"aucun président en fonction qui se représentait ne l'a fait". Là encore, l'opposition voit rouge, Gérard Larcher, le président du Sénat, ira même jusqu'à questionner "la légitimité" du président s'il était réélu. Pendant des semaines, la macronie va devoir défendre ce choix présidentiel. "S'il fait 120 minutes de débat, à 12 candidats, ça va être du 110 minutes de 'tout sauf Macron' et lui aura dix minutes pour s'exprimer. Il a beau être bon, il n'aura pas le temps de répondre", justifie un cadre LREM. 

Un programme à rééquilibrer, une polémique à éteindre

Pour se relancer, Emmanuel Macron et ses troupes comptent sur leur programme. Le 17 mars, le chef de l'Etat présente, durant plus de quatre heures lors d'une conférence de presse devant 320 journalistes, son projet pour 2022. Mais dans ce catalogue de mesures, la presse retient surtout deux propositions, classées à droite : le recul à 65 ans de l'âge de la retraite et la réforme du RSA. Valérie Pécresse, la candidate LR, va même jusqu'à accuser de plagiat le chef de l'Etat. Or, dans la perspective du duel avec Marine Le Pen, Emmanuel Macron sait qu'il va aussi avoir besoin de l'électorat de gauche. 

"Le projet présenté en conférence de presse était extrêmement dense. Il s'agissait de réaffirmer le 'en même temps', mais ça n'était pas sorti comme ça dans la presse, on en était conscients."

Un dirigeant de la majorité

à franceinfo

Le rééquilibrage a lieu deux semaines plus tard, lors de l'unique meeting d'Emmanuel Macron, à La Défense Arena (Hauts-de-Seine), près de Paris. Lors d'un show à l'américaine conçu comme une démonstration de force, le candidat met l'accent sur les mesures de gauche de son programme"Il avait eu l'impression d'être caricaturé en voyant qu'une partie de ses propositions était retenue, alors que son projet est plus équilibré", soutient un membre du gouvernement.

Lors de ce rendez-vous, Emmanuel Macron est aussi obligé d'évoquer une polémique dangereuse, née du recours par l'exécutif aux cabinets de conseil, en particulier l'américain McKinsey. Un rapport sénatorial, publié mi-mars, dénonce la "dépendance" du gouvernement et des pouvoirs publics à ces sociétés, ainsi que l'optimisation fiscale pratiquée par l'entreprise américaine. McKinsey va coller comme un bout de sparadrap au candidat Macron, qui subit les assauts répétés de ses adversaires sur ce sujet. "C'est un truc monté en épingle, ça prend parce qu'il y a plein d'amalgames", maugrée une ministre.

L'extrême droite, plus dangereuse qu'en 2017

"Je voulais rappeler à ceux qui s'indignent qu'ils les ont utilisés dans leurs collectivités ou au gouvernement", attaque, de son côté, Emmanuel Macron lors de son meeting à La Défense Arena. Le président sort également l'artillerie lourde contre ses adversaires, et en particulier l'extrême droite. Il faut dire que les sondages sont moins favorables dans la dernière ligne droite de la campagne. Et si Emmanuel Macron baisse, Marine Le Pen, elle, monte. "Nous nous sommes habitués à voir des candidats se dire patriotes tout en voyant leur parti et leurs idées financés à l'étranger", cible-t-il, sans nommer la candidate RN. Dans les allées du meeting, la macronie affiche sa sérénité. 

"On aurait tort de passer de l'euphorie à la fébrilité en dix jours. Entre les deux, il y a la lucidité."

Un cadre LREM

à franceinfo

Mais tous savent que le combat n'est pas aussi simple qu'en 2017, lorsque le chef de l'Etat l'avait largement emporté (66,1% contre 33,9%). "Ne ménageons aucun effort dans les quinze jours à venir, rien n'est fait", a répété Emmanuel Macron dimanche soir. "C'est plus dur", annonçait, fin mars, un ministre, notamment pour deux raisons : Marine Le Pen a mis en sourdine ses sujets de prédilection – sécurité et immigration – pour devenir la candidate du pouvoir d'achat, et Eric Zemmour a joué "pour elle le rôle de paratonnerre".

Dans ces conditions, comment contrer la patronne du RN ? La stratégie est claire : "pas de diabolisation" pour ne pas tomber dans "une dimension moraliste", dixit un cadre de la majorité. "Il s'agit de montrer son vrai visage et de dire quel est son projet", explique-t-il. Au QG de LREM, des petites mains s'activent pour reprendre toutes les positions de la candidate d'extrême droite dans le passé. L'enjeu est de taille. "Pas de gueule de bois le 24 avril", prévient une ministre. Pour autant, les soutiens d'Emmanuel Macron l'assurent : "On ne s'est pas projetés dans l'échec." 

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