Présidentielle : le programme d'Anne Hidalgo est-il dans les clous des objectifs climatiques de la France ?
Celui ou celle qui remportera l'élection devra prendre rapidement des décisions importantes pour limiter le réchauffement climatique. En colaboration avec l'association Les Shifters, franceinfo vous propose une analyse détaillée des programmes des candidats à l'Elysée.
Cet article fait partie d'une opération spéciale, en collaboration avec Les Shifters, une association de bénévoles qui accompagne le groupe de réflexion The Shift Project, spécialiste de la transition énergétique.
Face au réchauffement climatique, la prochaine ou le prochain président de la République devra prendre des décisions importantes. Son mandat prendra fin en 2027, trois ans avant 2030, date à laquelle la France devra avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 40% pour respecter l'accord de Paris sur le climat.
Pour ce faire, il ou elle trouvera sur son bureau la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), un document officiel qui décrit, secteur par secteur – transports, bâtiments, agriculture, industrie, etc. – les efforts importants à réaliser. Une feuille de route que les gouvernements successifs peinent à respecter depuis sa mise en place en 2015.
Les programmes des candidats sont-ils compatibles avec ces objectifs ? C'est la question à laquelle a voulu répondre franceinfo, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle 2022. Cet article présente un résumé de l'analyse des Shifters au sujet du programme de la candidate socialiste, Anne Hidalgo. Vous pouvez retrouver leur évaluation complète sur leur site.
Son programme respecte-t-il l'accord de Paris ?
Dans son programme, Anne Hidalgo couvre tous les secteurs de la Stratégie nationale bas carbone et fait référence à de nombreuses reprises à la baisse des émissions de CO2. La candidate propose même la nomination d'un ministre du Climat, numéro 2 du gouvernement qui serait en charge de l'économie et de l'évaluation systématique des politiques publiques en fonction de leur impact sur le climat et la biodiversité, sans toutefois préciser clairement quels changements cela entraînera.
Parmi les mesures cohérentes avec les objectifs climatiques de la France, Les Shifters relèvent une "évolution importante vers l'agro-écologie", "le développement du secteur ferroviaire et du covoiturage" et un grand plan de rénovation énergétique des logements privés. Ils soulignent également les "mesures d'accompagnement" pour que la "transition écologique soit socialement soutenable".
A l'inverse, Anne Hidalgo "ne mentionne pas l'enjeu important que constitue la diminution de la part carnée de l'alimentation", ne propose "aucune mesure précise sur la décarbonation de l'industrie lourde" et oublie "la réduction des déplacements" en matière de transport. Les Shifters ont également identifié une mesure "allant potentiellement à l'encontre" des objectifs climatiques français : "La baisse de la TVA sur l'électricité et temporairement sur les carburants pourrait provoquer un rebond de la consommation" et donc une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
Que propose-t-elle secteur par secteur ?
Les transports. Pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre de ce secteur très émetteur (31% des émissions en France), Anne Hidalgo prévoit de décarboner l'usage de la voiture (véhicules électriques, reconversion d'anciennes voitures thermiques en électriques, déploiement des bornes), de réduire le nombre de véhicules en circulation (leasing de véhicules électriques, covoiturage) et de taxer certains billets d'avion. Elle prévoit également d'investir dans le ferroviaire (petites lignes, trains de nuit, fret). "Bon nombre des orientations de la SNBC sont donc couvertes, mais certains leviers viennent à manquer", observent Les Shifters. Le programme ne comporte par exemple aucune mesure pour les mobilités actives comme le vélo ou pour soutenir les transports en commun.
Les bâtiments. Pour diminuer les émissions de ce secteur (17%, selon les recommandations du Haut Conseil pour le climat), la candidate socialiste propose la rénovation énergétique de 760 000 logements privés par an, pour atteindre 22 millions à l'horizon 2050. Pour ce faire, elle propose un dispositif permettant aux propriétaires de n'avancer aucun frais au moment des travaux et le remboursement au moment de la cession du bien, en fonction des revenus. Si ce rythme de rénovation suit la trajectoire prévue par la SNBC, Les Shifters notent qu'Anne Hidalgo oublie les bureaux et locaux d'entreprises, qui représentent pourtant 38% des émissions du secteur. Surtout, elle ne dit rien du montant des investissements pour mener ce plan à bien.
L'agriculture. Plusieurs mesures portées par la candidate vont dans le sens d'une baisse des émissions de ce secteur, qui représente 17% des émissions françaises : sortie de la production d'engrais de synthèse et de pesticides, développement de la captation carbone des sols, lutte contre l'artificialisation et développement de l'agro-écologie. Mais "la transition des régimes alimentaires pour diminuer la part des protéines animales n'est pas proposée par la candidate" et le sujet de la consommation/production d'énergie n'est pas traitée, observent Les Shifters.
Forêts. Sur ce point important – des forêts en bonne santé peuvent capter du CO2 et limiter le réchauffement climatique –, le programme de la candidate est un peu court, même si elle prévoit de renforcer les moyens de l'Office nationale des forêts. "La candidate ne propose pas de développer l'usage du bois dans le bâtiment ou d'encadrer son utilisation dans le secteur de l'énergie", relèvent également Les Shifters.
Industrie. L'objectif d'Anne Hidalgo est de réduire de 50% les émissions de ce secteur, qui représente aujourd'hui 19% des émissions françaises, à l'horizon 2035, avec une série de mesures : plan de relocalisation des industries stratégiques, réduction des émissions des sites industriels français, fonds de réindustrialisation de 3 milliards d'euros, TVA réduite pour les produits recyclés... Mais elle ne dit rien de la décarbonation des secteurs les plus émetteurs basés en France : chimie, métallurgie, matériaux de construction.
Energies. Sur ce point, "les mesures apparaissent réalistes mais sont peu précises", jugent Les Shifters. Anne Hidalgo veut arriver à 100% d'énergies renouvelables "aussi rapidement qu'il sera possible de le faire" et sortir du nucléaire, mais ne dit pas à quel horizon et avec quels moyens. Les Shifters alertent également sur le fait que la réduction des prix de l'énergie (sans distinction de revenus) peut avoir "un effet rebond" et compromettre les objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Ce secteur représente aujourd'hui 10% des émissions.
Déchets. Sur ce dernier volet (4% des émissions de gaz à effet de serre), la candidate socialiste propose "peu de mesures". Les Shifters relèvent tout de même la TVA réduite sur les produits recyclés, reconditionnés ou réemployés.
La mise en œuvre de ces mesures est-elle réaliste ?
Les Shifters se sont enfin intéressés à la manière dont la candidate compte mettre en œuvre son programme. Anne Hidalgo mise davantage sur des incitations fiscales ou financières que sur des interdictions. "Nombre de mesures restent au niveau de l'intention, sans quantification ni indication claire sur la façon dont elles pourront être atteintes", constatent-ils.
La candidate a globalement bâti son programme sur des technologies disponibles, sans parier sur d'hypothétiques innovations miracles. Sur le plan social, Anne Hidalgo prend bien en compte l'objectif de "transition juste" affichée par la SNBC, avec l'accompagnement des publics les plus modestes et l'instauration d'un ISF climat et biodiversité. "En synthèse, le programme d'Anne Hidalgo propose davantage un accompagnement des particuliers et des entreprises vers la transition, via des mesures principalement incitatives, plutôt qu'une stratégie claire et réaliste pour atteindre les objectifs de la SNBC", analysent-ils.
Retrouvez ci-dessous les analyses climatiques des programmes des autres candidats :
>> Les programmes de Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan, Yannick Jadot, Jean Lassalle, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse, Philippe Poutou, Fabien Roussel et Eric Zemmour sont-ils dans les clous des objectifs climatiques de la France ?
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