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Présidentielle : le programme de Philippe Poutou est-il dans les clous des objectifs climatiques de la France ?

Celui ou celle qui remportera l'élection devra prendre rapidement des décisions importantes pour limiter le réchauffement climatique. En collaboration avec l'association Les Shifters, franceinfo vous propose une analyse détaillée des programmes des candidats à l'Elysée.

Article rédigé par franceinfo
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En collaboration avec Les Shifters, franceinfo.fr publie une analyse du programme de Philippe Poutou en fonction des objectifs climatiques de la France. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

Cet article fait partie d'une opération spéciale, en collaboration avec Les Shifters, une association de bénévoles qui accompagne le groupe de réflexion The Shift Project, spécialiste de la transition énergétique.


Face au réchauffement climatique, la prochaine ou le prochain président de la République devra prendre des décisions importantes. Son mandat prendra fin en 2027, trois ans avant 2030, date à laquelle la France devra avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 40% pour respecter l'accord de Paris sur le climat.

Pour ce faire, il ou elle trouvera sur son bureau la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), un document officiel qui décrit, secteur par secteur – transports, bâtiments, agriculture, industrie, etc. – les efforts importants à réaliser. Une feuille de route que les gouvernements successifs peinent à respecter depuis sa mise en place en 2015.

Les programmes des candidats sont-ils compatibles avec ces objectifs ? C'est la question à laquelle a voulu répondre franceinfo, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle 2022. Cet article présente un résumé de l'analyse faite par Les Shifters du programme du candidat du Nouveau Parti anticapitaliste, Philippe Poutou. Vous pouvez retrouver leur évaluation complète sur leur site

Son programme respecte-t-il l'accord de Paris ?

- (FRANCEINFO)

Malgré la concision du programme de Philippe Poutou, il aborde "en partie les questions de décarbonation", relèvent Les Shifters. Dans son analyse, l'association cite plusieurs objectifs cohérents avec la SNBC, comme celui de planifier et centraliser la mise en place de la transition écologique, l'attention particulière sur les transports, les objectifs forts en matière d'isolation et d'arrêt de l'artificialisation des sols ou encore la protection des sols défendue en matière d'agriculture. "Il ne couvre toutefois que peu les grandes lignes de la SNBC", pondèrent Les Shifters. Les sujets des déchets, de la recherche et de l'innovation bas carbone ou encore des mutations en termes d'emploi ne sont pas traités. Par ailleurs, l'objectif affiché de sortir du nucléaire et des énergies fossiles d'ici à dix ans est jugé trop court "en considérant les limites données par [le dernier rapport de] RTE", le gestionnaire du réseau électrique. 

Que propose-t-il secteur par secteur ?

- (FRANCEINFO)

Transports. Le secteur représente 31% des émissions de gaz à effet de serre nationales, selon le Haut Conseil pour le climat (document PDF). Pour suivre l'objectif de décarbonation complète des transports d'ici à 2050 affiché dans la SNBC, Philippe Poutou fait plusieurs propositions en faveur des transports en commun, "avec le développement des réseaux et de l'offre, une augmentation du versement mobilité pour les salariés et à terme une gratuité totale des transports collectifs". Le candidat affirme également vouloir réduire le transport de marchandise, notamment en relocalisant la production, et reporter le fret routier vers le fluvial et le ferroviaire. Le trafic aérien doit aussi diminuer de manière "drastique", en interdisant les vols courts. "Ces mesures vont toutes dans le sens de la SNBC, mais plusieurs leviers ne sont pas évoqués, comme l'électrification et l'efficacité énergétique des véhicules", concluent Les Shifters.

Bâtiments. Le programme de Philippe Poutou concernant le secteur du bâtiment, responsable de 17% des émissions nationales, s'intéresse à l'utilisation des édifices vacants et à l'isolation de "tous les logements". Sur cette dernière proposition, en accord avec la SNBC, "ni les montants des aides financières ni l'échelle temporelle ne sont spécifiés". Manquent également des mentions au tertiaire, qui représente pourtant 39% des émissions du secteur, à l'abandon des chaudières au fioul ou au gaz ainsi qu'aux matériaux moins carbonés pour les constructions. Difficile donc d'assurer le respect des orientations de la SNBC.

Agriculture. C'est l'un des secteurs les plus responsables des émissions en France (19%). Philippe Poutou propose d'"aller vers une agriculture biologique, sans intrants chimiques, qui préserve les sols" et y favorise la captation de carbone, relève l'association. Il veut également soutenir l'installation des jeunes agriculteurs sous forme de coopératives. Toutefois, "l'ensemble des mesures couvre partiellement la SNBC", constatent Les Shifters, car la transition des régimes alimentaires pour diminuer la part de protéines animales et le sujet de la consommation et de la production d'énergie au sein du secteur agricole ne sont pas traités.

Forêts. Véritables puits de carbone, les forêts et l'utilisation du bois sont très peu abordées par le candidat, "à l'exception d'une mesure dans laquelle il propose de nationaliser les forêts privées de plus de 20 hectares, sans que l'on sache précisément ce que cela implique en termes de gestion", observent Les Shifters. 

Industrie. Le secteur est à l'origine de 19% des émissions territoriales. Philippe Poutou propose, sans donner plus de précisions, de relocaliser pour réduire les flux de marchandises. Il veut également réduire radicalement l'outil de défense français et plus particulièrement l'industrie de l'armement pour réorienter les budgets vers le financement de la transition écologique. Mais il n'évoque pas la décarbonation du secteur en général, ni des filières de l'industrie lourde – chimie, sidérurgie et ciment-béton – qui sont les principaux émetteurs de ce secteur.

Energies. Concernant ce secteur, responsable de 10% des émissions nationales, le candidat adopte "une approche fondée sur la sobriété et l'analyse des besoins, le développement d'un mix énergétique 100% renouvelable, une sortie en dix ans du nucléaire avec fermeture immédiate des réacteurs de plus de 40 ans et une interdiction des énergies fossiles", énumèrent Les Shifters. Si ces objectifs semblent en phase avec la SNBC, "il existe un doute substantiel sur leur faisabilité dans le calendrier annoncé".

Déchets. Sur ce secteur responsable de 4% des émissions de gaz à effet de serre en France, le programme de Philippe Poutou ne prévoit aucune mesure.

La mise en œuvre de ces mesures est-elle réaliste ?

Le programme du candidat ne mise pas sur des technologies à inventer, mais met plutôt en avant une sobriété forte en revendiquant explicitement une réduction des productions et de la consommation d'énergie en supprimant certains secteurs et en interdisant la publicité.

- (FRANCEINFO)

Le caractère transverse de l'enjeu, touchant à tous les secteurs, est aussi pris en compte. Le candidat défend une planification généralisée de l'action publique sur les enjeux écologiques. Il ne précise toutefois aucun mécanisme d'évaluation de ces politiques. 

Mais le candidat évoque très peu l'aspect international de cette crise à gérer, en ne parlant que d'une "fin des traités qui organisent le pillage des richesses", et s'intéresse peu à l'éducation des citoyens et à leur accompagnement dans la transition. En synthèse, ils estiment que "ce programme affiche des objectifs forts en termes de délai ou de niveau, mais les actions présentées ne permettent pas d'imaginer que de tels changements interviennent si rapidement".

- (FRANCEINFO)

Retrouvez ci-dessous les analyses climatiques des programmes des autres candidats : 

>> On a épluché les programmes des candidats à la présidentielle pour voir s'ils respectent l'accord de Paris

>> Les programmes de Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean Lassalle, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse, Fabien Roussel et Eric Zemmour sont-ils dans les clous des objectifs climatiques de la France ?

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