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Peaux de banane, parachute et karaté : le parcours du combattant de Dominique Reynié vers les régionales

Mal accueilli par les élus locaux, le candidat de la droite et du centre en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, issu de la société civile, vit un baptême du feu difficile.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Le candidat de la droite et du centre aux élections régionales en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Dominique Reynié, le 20 juin 2015 à Toulouse. (REMY GABALDA / AFP)

Son saut dans le grand bain de la politique locale continue de faire des remous. "Parachuté" pour les uns, "pas en phase avec la ligne du parti", voire "gaffeur" pour les autres, Dominique Reynié ne fait toujours pas l'unanimité au sein des Républicains. Depuis sa désignation officielle, au printemps, comme tête de liste de la droite et du centre aux élections régionales, c'est de son propre camp que proviennent les critiques les plus féroces.

Avant d'arpenter les routes de l'immense région née de la fusion de Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, Dominique Reynié était plutôt un habitué des couloirs de Sciences Po à Paris, où il donne toujours des cours, et des studios de télévision (notamment celui de "C dans l'air", sur France 5), où le chercheur venait commenter l'actualité politique.

Un "anti-Buisson" libéral et progressiste

Depuis plusieurs années, le président de la Fondation pour l'innovation politique, qui a échoué en 2013 à prendre la succession de Richard Descoings à la tête de Sciences Po, ne cachait plus son penchant pour une droite libérale économiquement, très pro-européenne, et progressiste sur le plan sociétal. Un positionnement en rupture avec une certaine frange de la droite, qui l'accuse de militer en faveur de la gestation pour autrui (GPA). Qualifié d'"anti-Buisson" par Libération, Dominique Reynié, qui n'a pris que récemment sa carte d'adhérent aux Républicains, est aussi un fervent pourfendeur de l'extrême droite et du populisme, thèmes auxquels il a consacré ses deux derniers ouvrages : Populismes : la pente fatale en 2011 et Les nouveaux populismes en 2013.

Lorsqu'au printemps 2015, Dominique Reynié se déclare candidat pour mener la liste de la droite et du centre aux élections régionales dans sa région natale (il est né à Rodez), la surprise n'est donc pas totale. "Je porte un regard de plus en plus inquiet sur mon pays. (...) J'ai le sentiment d'une nécessité à prendre part à cet effort indispensable avant que ça n'aille trop mal", explique-t-il dans Midi Libre pour justifier sa candidature, soutenue par ses réseaux aveyronnais et languedociens.

Je ne veux pas me reprocher un jour de ne pas avoir pris ma part.

Dominique Reynié

dans "Midi Libre"

Sur le terrain, les barons locaux apprécient diversement l'arrivée de ce candidat hors du sérail, qui ne s'est jamais présenté à une élection, et qui n'a jamais milité dans un parti. Mais cette candidature atypique se révèle être une force, dans un paysage où aucune figure forte ne s'impose, et où la quête du candidat idéal est compliquée par la fusion des régions. "Les candidatures classiques se sont neutralisées à cause de certaines rivalités. Finalement, il était le seul à n'avoir de contentieux avec personne", commente le Républicain Jean-Luc Moudenc, qui a refusé de mener la liste régionale pour se concentrer à 100% à sa mairie de Toulouse, remportée en 2014.

Malgré l'accueil un peu frais, le politologue se fait donc désigner "à la loyale" par un comité de 40 élus de la région. Après quatre tours de scrutin, il est préféré, par 23 voix contre 16, au maire de Lavaur (Tarn), Bernard Carayon. Un choix validé in extremis (11 voix contre 9), début mai, par la commission nationale d'investiture des Républicains.

Un saut en parachute pour démentir tout parachutage

"Ces résultats montrent bien que Paris a eu plus de mal à me digérer que ma région !, commente Dominique Reynié en réponse à ses détracteurs. Je suis le seul candidat de France à avoir été désigné par des élus de terrain." Pour clouer le bec à ceux qui l'accusent d'être un parachuté directement venu de Paris, Dominique Reynié est monté dans un avion et s'est envolé au-dessus de Pamiers (Ariège), le 25 septembre, pour effectuer un saut en parachute. La vidéo, diffusée sur YouTube, a été reprise par de nombreux médias.

Je voulais leur montrer ce qu'était un vrai parachutage, et qu'à ma connaissance, un parachutage ne pouvait être opéré depuis le sol.

Dominique Reynié

Francetv info

Depuis, les relations se sont apaisées avec certains des barons locaux hostiles à ce parachutage, affirme le candidat. Pas sûr que ce soit le cas avec Bernard Carayon, qui a finalement été désigné chef de file départemental dans le Tarn. Un lot de consolation. Ce dernier, sur son compte Twitter, ne mentionne jamais le nom de celui qui est pourtant son chef de file, préférant prendre la pose avec Nicolas Sarkozy lors de sa venue au meeting de Béziers, début octobre. Quant au sénateur de l'Hérault, Jean-Pierre Grand, le point de non-retour a été atteint.

Dominique Reynié méprise les élus, il ne les rencontre pas.

Jean-Pierre Grand, sénateur (LR) de l'Hérault

Francetv info 

"En trois mois, il a réussi l'exploit de se mettre autant de gens à dos que n'importe quel responsable politique en une carrière !", tacle ce villepiniste toujours encarté aux Républicains, mais parti se réfugier sur la liste divers gauche du maire de Montpellier, Philippe Saurel.

Dernière peau de banane en date : une lettre adressée à Nicolas Sarkozy, dans laquelle Jean-Pierre Grand prétend que Dominique Reynié serait inéligible car ne résidant pas dans la région. L'intéressé assure pourtant voter "depuis toujours" à Onet-le-Château, dans l'Aveyron, où il est domicilié. "Ces gens entretiennent volontairement la confusion entre domiciliation et résidence, fulmine Dominique Reynié. Que je sache, le président de la République, François Hollande, réside à Paris, et personne ne s'offusque qu'il vote en Corrèze !"

Le karaté lui a sauvé la vie

Peu étonné de ces réactions, mais surpris par leur violence et leur ténacité, le professeur de sciences politiques observe que "les appareils, quels que soient leurs couleur politique, ont une dimension conservatrice". Il a pu vérifier la pertinence de son analyse lors d'une réunion de la commission d'investiture des Républicains début octobre, au cours de laquelle il a été violemment tancé par Nicolas Sarkozy.

Auréolé de son titre de tête de liste régionale, l'imprudent a cru pouvoir désigner lui-même ses chefs de file départementaux, après avoir passé un accord avec les centristes. Grave erreur ! L'ancien chef de l'Etat, estimant son parti lésé, lui a ordonné de revoir sa copie. Et de façon plutôt musclée : "Soit vous acceptez, soit vous dégagez", lui a-t-il lancé, selon Libération. Résultat : à un mois et demi du scrutin, les noms de ses colistiers ne sont toujours pas officiellement validés.

Entre des élus locaux défendant leur pré carré et un candidat accusé de n'en faire qu'à sa tête, à qui la faute ? "Il y a eu des maladresses de part et d'autre, juge Jean-Luc Moudenc. C'est nous qui l'avons choisi, à nous d'assumer nos choix", lance-t-il.

Il est vrai que certains collègues n'ont pas eu une attitude convenable à son endroit. A l'inverse, sans doute à cause de son inexpérience, certaines de ses méthodes ont pu heurter.

Jean-Luc Moudenc, maire (LR) de Toulouse

Francetv info

Malgré ces embûches, Dominique Reynié, qui s'attaque à un territoire solidement ancré à gauche, veut croire à son destin régional, sur la foi de sondages qui le donnent systématiquement devant la socialiste Carole Delga au premier tour. Pour combler l'écart qui le sépare de sa rivale au second tour, il devra encore batailler. Peut-être pourra-t-il mobiliser les ressources qui ont fait de lui une ceinture noire de karaté ?

En pleine campagne, Dominique Reynié trouve parfois le temps de s'inviter à un cours, comme il espère le faire vendredi, à Toulouse. A 55 ans, le candidat détaille volontiers tout ce qu'il doit à ce sport qui l'a sauvé, adolescent, "d'une certaine forme de dérive". "A une époque, j'ai même pensé en faire mon métier", confesse-t-il. Une carrière politique tient à peu de choses.

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