"Personne ici n'est responsable de la montée du FN" : en Moselle, Jean-Pierre Masseret rassure les militants PS
Pour sa première réunion publique depuis le retrait de son investiture par le PS, le rebelle d'Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne n'a pas caché son soulagement de pouvoir s'expliquer devant ses sympathisants.
"Vous êtes là et c'est la meilleure réponse du monde !" Après "soixante-douze heures de troubles, d'inquiétude et de nuits blanches", le socialiste Jean-Pierre Masseret l'assure : il a tourné la page. Devant une petite centaine de militants réunis à Sarreguemines (Moselle), mercredi 9 décembre, celui qui a refusé de retirer sa liste pour faire barrage au Front national en Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne repart en campagne. Et peu importe si la rue de Solférino lui a retiré son investiture. Dimanche, sa liste, qui a recueilli 16,1% des voix au premier tour, affrontera celles du frontiste Florian Philippot (36%) et du candidat de l'union de la droite, Philippe Richert (25,8%).
Le combat frontal plutôt que "la stratégie de l'évitement"
Face à un public déjà convaincu, le "rebelle du PS" s'explique tout de même, comme pour s'excuser de la violence des critiques que lui et et ses soutiens ont essuyées depuis le soir du premier tour. Jamais, rappelle-t-il, il n'avait fait mystère de son intention de se maintenir, y compris quand le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, était venu le soutenir à Strasbourg. "Quand j'évoquais cet engagement dans mes discours, c'était la seule fois que j'étais applaudi !"
Jean-Pierre Masseret le répète : il préfère combattre frontalement le FN plutôt que d'opter pour "la stratégie de l'évitement" prônée par la direction du PS. Et puis "personne, ici, n'est responsable de la montée du FN", martèle-t-il pour rassurer ses militants, rejetant plutôt la responsabilité sur la politique nationale.
Je suis convaincu que tous ceux qui vont voter pour notre liste n'auraient pas voté pour Richert.
Et même quand on lui fait remarquer que, selon les sondages, les sympathisants socialistes du Nord-Pas-de-Calais-Picardie et de Paca semblent prêts à faire cet effort de voter en faveur des listes de la droite et du centre, lui assure qu'il n'a "pas d'éléments qui attestent" de l'efficacité du front républicain. Qui, au contraire, ne ferait selon lui que repousser l'inévitable : "Peut-être que l'on va éviter une victoire du FN en Paca, dans le Nord, ou même ici. Mais le nombre de leurs électeurs va continuer à grandir" si ces derniers sont frustrés par le choix qui leur est offert.
"Un cas de conscience pour chacun d'entre nous"
Dans la salle, quelques voix discordantes se font entendre. Saïd, lui, explique que "c'est cuit", que sans une mobilisation pour le vote utile, le FN va l'emporter. Abdel, de son côté, voit une différence entre sa région et le Nord ou la région Paca :
Monsieur Richert, ce n'est pas Estrosi, c'est quelqu'un de respectable. Je voterai sans doute Masseret, mais j'espère que Richert va gagner, parce que nous, on n'a aucune chance.
En revanche, le discours a fait du bien à Fanny et Léone. Elles n'en veulent pas aux militants qui, autour d'elles, vont faire le choix de voter à droite : "On pense tous bien faire. C'est un cas de conscience pour chacun d'entre nous." Mais elles se sont "senties seules" face à la réaction désapprobatrice de leur parti. "C'était important de témoigner notre soutien à Jean-Pierre Masseret. Il nous a dit que nous n'étions pas seuls, et on lui a répondu que lui non plus."
Standing ovation pour Masseret. "Soyons fiers" pic.twitter.com/XsdI0A5rRk
— Louis Boy (@louiscboy) December 9, 2015
A la fin de son discours, le candidat socialiste, pourtant un peu maladroit au micro, s'enflamme, et prend des accents presque mystiques : "Je veux partager ensemble ce moment d'intensité. On peut rester debout et partager, pas un meeting, pas un débat, mais un échange."
Chacun de vous est le prolongement de moi-même. On fait corps dans ce qu'est notre socialisme !
Une fois le micro posé, Jean-Pierre Masseret restera une heure dans la salle, à discuter avec les militants.
"Je sais ce qui peut se passer, mais je l'assume"
"Il nous a requinqués, mais il a l'air fatigué", observe l'un de ses soutiens. Selon son équipe, Jean-Pierre Masseret a enchaîné une centaine d'interviews depuis dimanche, de la presse régionale à la BBC. Il a aussi essuyé de violentes attaques : lui-même cite l'expression de "papy collabo" utilisée par le député PS Malek Boutih à son égard, mais assure que "c'est tellement grossier que ça glisse sur [lui]".
Entre deux débats, mercredi après-midi, il s'est accordé une petite marche dans les allées du marché de Noël de Strasbourg, pour souffler, raconte sa directrice de campagne, Paola Zanetti. "Il a été surpris d'être arrêté par des gens qui l'ont reconnu, ça l'a touché." Des milliers de messages lui arrivent par internet. Il veut tous les imprimer, pour y répondre une fois la campagne terminée. Parfois, ces mails l'accusent d'être inconscient. Le plus souvent, ils disent "des choses très simples, 'merci', 'bravo d'avoir tenu'", raconte le candidat. Des électeurs FN, inspirés par la rébellion du socialiste, lui auraient même promis de changer leur vote, dimanche.
S'il veut réussir le second tour mieux que le premier, Jean-Pierre Masseret aura bien besoin de sa nouvelle notoriété. Car, entre le retrait de son investiture, la défection d'une partie de ses colistiers, des craintes autour de la validation de sa liste et des sollicitations médiatiques de toute part, sa campagne ne s'est pas du tout passée comme prévu. "J'ai retrouvé le terrain ce soir, explique-t-il, mais ça va être très limité" : deux déplacements, l'un jeudi, l'autre vendredi. Il sait que si Florian Philippot l'emporte, tous les regards se tourneront vers lui. "J'ai pris ce risque, je le mesure tous les jours. Je sais ce qui peut se passer. Mais je l'assume."
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