: Reportage "C'est ridicule, on est en démocratie" : les manifestations contre l'extrême-droite vues par des électeurs du RN
De grandes manifestations contre l’extrême-droite ont eu lieu, samedi 15 juin dans tout le pays. Le ministère de l'Intérieur a compté 254 000 personnes dans la rue au total. Sur les pancartes et les banderoles des manifestants, on pouvait lire des slogans tels que "R-Haine", "démocratie en danger", "les fachos votent, et vous ?". Des messages forts, adressés parfois directement aux électeurs du Rassemblement national, qui ne comprennent pas cette opposition.
Dans l’Eure, à Évreux, où la liste de Jordan Bardella est arrivée en tête aux européennes, la gauche avait appelé à se rassembler, là aussi, contre l’extrême-droite. Les drapeaux des manifestants se sont déployés sur une petite place, au cœur du centre-ville sous les yeux désapprobateurs d'Eric et Peggy. "C’est ridicule, on est en démocratie", s'agacent les deux Ebroïciens. "On n'a pas à manifester parce que Jordan Bardella est en tête. Je ne vois pas pourquoi on manifeste. Cela aurait été Emmanuel Macron ou Monsieur Mélenchon en tête. Est-ce que Monsieur Bardella, il aurait manifesté ? Non ! Je ne crois pas !" vitupère Eric.
Lui a 65 ans, Peggy en a 62 et tous deux sont convaincus que le fondateur de la France insoumise tire toutes les ficelles de ce sursaut à gauche. "C'est Mélenchon qui commande, ce n'est pas leur nouveau truc populaire", affirme-t-il dans une référence au Nouveau Front populaire. Et lorsqu'on évoque l'appel des syndicats à manifester, le couple rétorque que les syndicats "disent qu'ils ne veulent pas faire de politique. Là, ils en font".
"On a essayé tous les autres"
"Le RN, il faut essayer. Pourquoi on n'essaie pas ? On a essayé tous les autres", s'interroge Peggy. Avant qu'Eric ne renchérisse : "Moi j’étais ouvrier, je suis à la retraite. Ce qu'il a dit Monsieur Mélenchon et leur truc populaire, c’est infaisable ! Le Smic à 1 600 euros, un petit entrepreneur qui a deux ou trois ouvriers, il va les payer comment ? Il ne pourra jamais le faire", se désole le retraité.
De son point de vue, le Rassemblement national "ne propose rien non plus ! Mais que ce soit Macron, Bardella ou Mélenchon, avec n’importe qui, on est dans la merde. Ils ne vont pas redresser la dette. C'est impossible", estime l'ancien ouvrier de 65 ans.
"Pourquoi je voterais Monsieur Macron ? Il nous a mis dans la merde."
Éric, électeur du RNà franceinfo
"Avec eux, il n'y a pas moyen de discuter, ils sont cinglés", peste Eric à propos des manifestants rassemblés contre l'extrême droite. "Les gens sont des moutons ! On peut leur faire croire ce qu’on veut". Lui vote Rassemblement national pour une "question de contestation, c'est tout."
Deux mondes s’opposent, dans la petite ville normande, et ne parviennent plus à communiquer. Les 200 personnes venues manifester au cœur d'Évreux, refusant cette idée que le Rassemblement national arrive au pouvoir, sont observées par Josette. "Pour quoi faire ? Les gens ont peur, mais qu’est-ce que le Rassemblement national va faire de plus ou de moins ? Ils se sont mis dans la tête que les étrangers qui sont chez nous, on va les virer".
Le Nouveau Front populaire moqué
Sur le trottoir d’en face, les drapeaux syndicaux comme politiques s’agitent. Ceux des écologistes, de la France insoumise, des socialistes, des communistes jusqu’au Nouveau parti anticapitaliste, le NPA. Une union qui rend furieux Stéphane, il regarde la manifestation d’un œil moqueur. "Il y a quinze jours, ils se crachaient tous dessus et là, comme par hasard, il y a des postes à pourvoir, alors on change de logique ? Bah non", s'agace-t-il. Avec sa compagne Sylvie, tous deux entrepreneurs à Évreux, ils ne comprennent pas le sens de cette marche contre l’extrême droite.
"Jordan Bardella, ce n'est pas l'extrême droite. C'est la droite tout court. On n'est plus du temps de Jean-Marie Le Pen. Ça a totalement changé."
Sylvie, électrice du Rassemblement nationalà franceinfo
À peine un regard pour les manifestants. Et pas de dialogue entre les deux camps. Chacun est reparti de son côté, avec ses propres opinions.
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