Pourquoi vous devriez vous intéresser aux élections sénatoriales (même si tout le monde semble s'en ficher)
Comme tous les trois ans depuis 2011, la moitié de la chambre haute du Parlement va être renouvelée le 24 septembre. Si ce scrutin indirect ne déchaîne pas les passions, franceinfo a trouvé malgré tout des raisons de s'y intéresser.
C'est le dernier scrutin d'une année électorale particulièrement chargée et le premier vrai test électoral pour Emmanuel Macron, depuis la présidentielle et les législatives. Dimanche 24 septembre, 170 sièges seront remis en jeu lors des élections sénatoriales. Comme tous les trois ans depuis 2011, la moitié de la chambre haute du Parlement va être renouvelée. A cette occasion, ce ne seront pas les citoyens qui glisseront leur bulletin dans l'urne, mais des "grands électeurs".
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Un scrutin indirect qui peut, du coup, sembler moins palpitant pour les Français que la présidentielle ou les législatives, mais qui est loin d'être sans intérêt. Franceinfo vous explique pourquoi vous devriez vous pencher sur cette élection.
C'est un vrai test pour Macron, alors que
la colère monte à l'égard de l'exécutif
A en croire les responsables de La République en marche (LREM), il ne faut pas s'attendre à une vague "Macron" au Sénat comme lors des élections législatives. D'abord parce qu'hormis les députés élus en juin sous l'étiquette LREM, le jeune mouvement d'Emmanuel Macron manque de relais locaux, contrairement aux partis ancrés de longue date dans les circonscriptions.
On sait très bien que la base électorale n'est pas la nôtre. Ce ne sont pas les Français qui votent, ce sont des gens qui ont été élus avec des références qui sont celles du temps d'avant.
Christophe Castaner, porte-parole du gouvernementsur BFMTV
Les macronistes espèrent se retrouver autour d'un groupe de 45 ou 50 sénateurs, comme le confie au Figaro François Patriat, l'actuel président du groupe LREM au Sénat, qui compte 29 membres. Une projection réalisée par Le Monde et l’Observatoire de la vie politique et parlementaire, réalisée fin juillet, se montrait plus optimiste pour le mouvement d'Emmanuel Macron, avec un gain de 44 à 49 sièges et la constitution d'un groupe de 74 à 79 parlementaires, qui serait le deuxième au Sénat.
Ce scrutin prend donc une valeur de test électoral pour Emmanuel Macron, au moment où la popularité de l'exécutif ne cesse de dégringoler. Certains grands électeurs pourraient se montrer refroidis par les dernières annonces du gouvernement concernant la diminution des crédits alloués aux collectivités locales, la réduction du nombre de contrats aidés, ou encore la suppression de la taxe d'habitation. L'éventualité d'un "vote par adhésion pour Emmanuel Macron, ou en tout cas pour un groupe LREM au Sénat, semble plus fragilisée qu’elle ne l’était il y a trois mois", constate ainsi Martial Foucault, directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), joint par franceinfo.
La droite aimerait prendre sa revanche,
mais la partie est loin d'être gagnée
Du côté des Républicains, fragmentés depuis la débâcle à la présidentielle, les sénatoriales sont placées sous le signe de la reconquête. D'autant que l'issue de ce scrutin indirect reflète d'habitude assez fidèlement les résultats des précédentes élections locales, toutes remportées par la droite. Résultat, selon Martial Foucault, compte tenu de "l'état actuel des forces politiques au Sénat" et du fait que seule la moitié de la chambre haute soit renouvelée, "cela paraît presque inimaginable" de voir la droite perdre sa majorité au Sénat dimanche.
L'incertitude majeure, c'est quelle va être l’ampleur de la victoire pour la droite.
Martial Foucaultfranceinfo
Les Républicains ont actuellement 142 sièges et jusque-là ils pouvaient compter sur les centristes pour asseoir une majorité de 185 sièges sur 348. La droite a donc de la marge, mais ses leaders se montrent quand même prudents. "Si on garde ce chiffre, ce sera bien. Dans le meilleur des cas on en gagne, dans le pire on est stable", avance ainsi Bruno Retailleau, l'actuel président du groupe. Mais au moment où LR se cherche un nouveau chef et que le favori Laurent Wauquiez assume un positionnement radical, la droite reste divisée. Depuis le lancement d'En marche !, plusieurs personnalités se sont ralliées à Emmanuel Macron – sans compter les élus LR autoproclamés "constructifs", prêts à travailler avec le groupe LREM.
Rien n'est donc gagné pour LR, d'autant que parmi les départements concernés par l'élection, "beaucoup sont situés dans l’ouest de la France, relève Martial Foucault, Bretagne comprise, et aussi en Ile-de-France", là où Emmanuel Macron a fait "ses meilleurs scores" aux dernières élections. La droite doit également se méfier, selon le politologue, de la présence de candidats "qui ne font pas campagne sous l’étiquette En marche !", mais qui, "une fois élus", pourraient rejoindre le groupe LREM au Sénat à la faveur d'alliances post-électorales, puisqu'ils ont "toute liberté pour choisir leur groupe parlementaire".
Le FN, le PS et l'extrême gauche sont en difficulté
Le Front national traverse une mauvaise passe, marquée notamment par la discorde entre Marine Le Pen et Florian Philippot. Entré à la chambre haute en 2014, le FN dispose actuellement de deux sièges, loin des dix sénateurs nécessaires pour constituer un groupe. Ces élections seront donc l'occasion de tester l'ancrage du FN au niveau local. Il y a trois ans, le parti de Marine Le Pen avait quadruplé son réservoir théorique de voix, en obtenant 3 972 suffrages. Cette année, il espère obtenir un ou deux sièges en plus. Sa plus grande chance réside a priori dans le Pas-de-Calais, avec la liste menée par Christopher Szczurek.
Les joues toujours roses, le PS redoute pour sa part une nouvelle gifle. Le groupe socialiste et républicain, qui avait déjà perdu la majorité au Sénat en 2014, remet en jeu 46 de ses 86 sièges. Mais compte tenu de ses récents déboires, il n'est pas assuré de tous les garder. Il pourrait en perdre une vingtaine, avance Le Figaro.
Quant au groupe communiste, qui voit 16 de ses 18 sièges remis en jeu, il espère pouvoir se maintenir après le scrutin. Un défi important, même si les communistes bénéficieront du choix de La France insoumise de ne présenter aucun candidat. Les communistes comptent aussi sur le début de grogne à l'encontre de l'exécutif pour conserver un groupe d'au moins dix députés. "Je n’aurais pas dit ça en mai. Rien n’est joué, mais c’est possible", confie avec optimisme à Public Sénat Eliane Assassi, la présidente du groupe Communiste, républicain et citoyen au Sénat.
La réforme de la Constitution est en ligne
de mire
Comme il l'a expliqué devant le Congrès le 3 juillet, Emmanuel Macron souhaite "réduire d'un tiers" le nombre de parlementaires et introduire "une dose de proportionnelle" au Parlement. Or, pour pouvoir réviser la Constitution sans recourir au référendum, le président de la République a besoin d'une majorité qualifiée, c'est-à-dire le vote des trois cinquièmes du Parlement réuni en Congrès. A la tête d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale, les macronistes cherchent désormais des voix au Sénat.
Dans la configuration actuelle, 218 voix manquent à Emmanuel Macron : la majorité des trois cinquièmes correspond à 555 parlementaires sur 925 (577 députés et 348 sénateurs). Or, les macronistes disposent de 337 parlementaires étiquetés LREM (308 députés et 29 sénateurs).
Si l'objectif de 50 sénateurs est atteint, les macronistes disposeront alors de 358 parlementaires. Une majorité qui monterait à 400 en comptant les 42 députés MoDem. Pour atteindre la majorité des trois cinquièmes, il resterait donc 155 voix à glaner parmi les parlementaires de droite, de gauche et du centre. Selon Le Monde, si Emmanuel Macron a déjà renoncé à faire basculer la majorité au Palais du Luxembourg, il souhaite favoriser l'élection d'un maximum de parlementaires "Macron-compatibles" pour pouvoir envisager des majorités de projet et faire voter avant l’été 2018 la révision de la Constitution.
La présidence du Sénat est en jeu
Depuis 2014, la présidence du Sénat est acquise aux Républicains. Gérard Larcher a déjà annoncé qu'il était candidat à sa propre succession à la tête de la haute assemblée. Mais le renouvellement de la moitié des sièges pourrait modifier sensiblement les équilibres. Si la droite perd des sièges et que le groupe LREM se renforce, un compromis pourrait être trouvé avec les centristes autour d'un président plus "Macron-compatible".
Tout devrait se jouer en fonction de l'attitude du groupe Union centriste, qui pourrait se retrouver au centre du jeu. Composé actuellement de 42 membres (19 sièges sont à renouveler), ce groupe est assez hétérogène. Il fait cohabiter des élus du MoDem, des radicaux valoisiens et des UDI. Avant l'été, le groupe a décidé de se placer dans la majorité présidentielle tout en gardant une liberté de vote. Mais avec la grogne récente des élus locaux envers le pouvoir, cette alliance pourrait se fissurer après le scrutin.
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