Accident mortel d'un TGV d'essai en Alsace : un test à risque avait été mené trois jours avant le drame
Le 14 novembre 2015, le déraillement de cette rame d'essai avait fait 11 morts.
Un peu plus de huit mois après la pire catastrophe ferroviaire qu'a connu le TGV depuis son lancement en 1981, l'enquête se poursuit. Dans son édition datée du lundi 25 juillet, Le Parisien révèle que trois jours avant le déraillement de la rame d'essai en Alsace, qui a fait 11 morts le 14 novembre 2015, un autre test avait eu lieu. Et qu'au cours de celui-ci, le conducteur avait eu de grandes difficultés à respecter les vitesses demandées.
Que révèle "Le Parisien" ?
Le quotidien a pu visionner une vidéo réalisée le 11 novembre 2015, lors de séances d'essai, filmée grâce à une caméra GoPro installée dans la cabine de pilotage du TGV. Sur le parcours, alors que le TGV fonce à 357 km/h, il doit passer au point kilométrique (PK) 398 à la vitesse de 330 km/h.
C'est à ce moment-là que, selon Le Parisien, l'un des cheminots prévient : "Il y a 27 km/h à perdre là, on les perdra pas en 700 m." "Faut qu'on freine avant, il faut qu'on soit en freinage au 398, donc ça veut dire qu'il faut freiner 500 m avant", ajoute-t-il. Et de préciser : "Un peu après le 397, on freine, terminé, on va pas jouer aux cons." Cette stratégie a fonctionné, d'après le quotidien.
Un autre passage inquiète l'équipe d'essai, et il est bien plus dangereux. Il se situe au point kilométrique 400. Là, il faut passer de 330 à 230 km/h, soit 100 km/h de moins, loin des 27 km/h du premier point compliqué. "Maintiens le freinage, refreine, refreine, freine, freine... Faut être à 230", exhorte un cheminot au conducteur pour y parvenir. "Peine perdue, le TGV franchit le PK 400 à 297,9 km/h, soit 67,9 km/h de plus que prévu", relève Le Parisien. Troisième problème : le TGV d'essai franchit le point kilométrique 403 à 173,2 km/h, au lieu des 160 requis.
Par ailleurs, le quotidien a eu accès au témoignage d'un cadre transport traction, c'est-à-dire le supérieur hiérarchique du conducteur. Il raconte qu'on lui a ordonné de rouler à une vitesse maximale de 360 km/h alors que les essais en survitesse ne peuvent dépasser 352 km/h.
Pourquoi est-ce important pour comprendre l'accident ?
C'est au fameux PK 400 que tout se joue le 14 novembre 2015. Le TGV devait ralentir à ce niveau, mais il freine finalement un kilomètre trop tard. Et ce retard de 12 secondes est fatal. Il ne permet pas au TGV de ralentir suffisamment pour arriver au PK 404 à une vitesse correcte.
Ainsi, le TGV déraille à hauteur d'Eckwersheim (Bas-Rhin) alors qu'il roule à 243 km/h, sur une portion où la vitesse est limitée à 160 km/h, autorisée à une vitesse de 10% supérieure pendant les essais, soit 176 km/h. L'enquête a bien établi que le freinage était trop tardif, et dû à une erreur humaine.
"Avec cette vidéo, on s'aperçoit désormais que même l'élite des conducteurs de TGV a la plus grande difficulté à respecter les survitesses exigées par ces essais. Et le jour du déraillement, alors qu'ils sont conscients de la difficulté rencontrée au PK 400, ils ne décident de freiner qu'un kilomètre plus tard", commente une source proche du dossier dans Le Parisien. Le quotidien a sollicité la SNCF, qui n'a pas voulu commenter. Aucune date n'est encore avancée pour la publication du rapport interne sur cet accident.
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