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"C'est la galère pour tout le monde" : en Seine-Saint-Denis, des usagers usés face au service écourté des bus et tramways à cause des émeutes

Article rédigé par Zoé Aucaigne
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
L'un des derniers tramways de la ligne 4 atteint son terminus en début de soirée (21h20) à Montfermeil (Seine-Saint-Denis), le 4 juillet 2023. (ZOE AUCAIGNE / FRANCEINFO)
Depuis près d'une semaine, certains transports en commun s'arrêtent plus tôt que d'ordinaire en raison des violences urbaines qui ont touché le pays. Entre Aulnay-sous-Bois et Montfermeil, les habituels voyageurs se débrouillent comme ils peuvent.

"Il n'y a plus de tram ? Mais il est à peine 22 heures !" Mody se retrouve les bras ballants sur le quai du tramway, à Montfermeil (Seine-Saint-Denis), mardi 4 juillet. Il sort de l'hôpital, le terminus de la ligne. "J'y suis resté des heures pour faire des examens... Mais comment je vais faire pour rentrer chez moi ?", se désole le sexagénaire. Mody s'est fait piéger par la fin de service plus tôt que d'habitude. Bus et tramways doivent être rentrés au dépôt à 22 heures, contre 0h30 en temps normal. Les cinq jours précédents, c'était même 21 heures.

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Cette mesure de "sécurité" a été prise par Ile-de-France Mobilités (IDFM) face à l'embrasement des banlieues parisiennes provoqué par la mort du jeune Nahel, adolescent de 17 ans tué par un policier le 27 juin à Nanterre (Hauts-de-Seine). Cette disposition doit prendre fin mercredi 5 juillet, même si "des dérogations localisées pourront s'appliquer en fonction de la situation", a précisé le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune.

Quelques heures plus tôt, plus loin sur cette même ligne T4, Rachid patiente sur le quai de la gare de Gargan avec sa fille. "Heureusement, je suis en vacances depuis une semaine", s'amuse ce père de famille qui travaille de nuit. Si les restrictions de trafic nocturne avaient duré, "j'aurais dû prolonger mes congés", explique-t-il. Ce mardi soir, il regarde nerveusement l'écran d'affichage. "Je crois qu'on va devoir y aller à pied", appréhende le papa de 47 ans. Il n'est pourtant que 19 heures et il reste trois heures avant la fin du service. Mais Rachid est échaudé. "La semaine dernière, un bus nous a tous fait descendre au milieu de la ligne, vers 18h30, car il avait reçu l'ordre de rentrer au dépôt. J'avais la poussette, le bébé... Ça m'a surpris."

Dormir chez des proches pour éviter les galères

En fin de semaine dernière, la jeune Nessrine, elle, n'a même pas eu le temps de monter dans le bus qu'elle prend d'habitude matin et soir. "Le dernier est passé devant nous vers 19 heures et a dit qu'il ne pouvait pas nous prendre, car il rentrait au dépôt. On était tous là, à se regarder dans le blanc des yeux, à ne pas savoir quoi faire." Coup de chance, elle a sympathisé avec une camarade d'infortune. "Sa mère est venue nous chercher et m'a déposée près de chez moi", sourit l'étudiante de 18 ans. Habitante de Montfermeil, elle confirme qu'ici, sans bus ou tram, "c'est super compliqué de rentrer", "car il n'y a pas de gare RER", et encore moins de ligne de métro.

Le système D s'est imposé. "C'est la galère pour tout le monde", confirme Levana, qui s'active en descendant de son tramway. Ces derniers jours, elle a pris l'habitude de courir. Cette étudiante vit au Raincy (Seine-Saint-Denis) et travaille dans une crèche de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), soit "deux heures de trajet par jour". Mais pour rejoindre la gare de RER, la jeune femme doit d'ordinaire prendre le bus.

"On voulait faire du covoiturage avec ma collègue pour rentrer du travail, mais sa voiture a été brûlée lors des émeutes."

Levana, étudiante

à franceinfo

L'option covoiturage écartée, Levana s'arrange pour dormir ici ou là, chez des amies ou des cousines, qui vivent plus près de son travail. Ces trois dernières nuits, Ahou, auxiliaire de vie, est, elle aussi, restée dormir chez une amie. "Mais là, ça commençait à faire beaucoup", glisse-t-elle. "Je ne suis pas trop les infos. Alors jeudi dernier, quand je suis arrivée sur le quai, il n'y avait tout simplement plus de transports", lance-t-elle en riant. Ce mardi soir, elle prend son temps, profitant de cette précieuse heure supplémentaire de circulation des trams et des bus. 

Horaires adaptés et journées raccourcies

Au fil des heures, les tramways se font moins fréquents, les usagers aussi. Beaucoup ont décalé leurs horaires de travail. "D'habitude, je finis à 20 heures. Ces derniers jours, c'était plutôt 18 heures pour avoir le temps d'attraper le bus", explique Levana. Pas l'idéal pour cette étudiante qui comptait sur ses heures supplémentaires en juillet. "Il y a les études à payer."

A l'arrêt de bus République Marx-Dormoy de Livry-Gargan, Anis tire fébrilement sur sa cigarette. Pour ce travailleur du soir dans le secteur de la restauration, pas question de se faire piéger une nouvelle fois. "Je commence mon service à 21 heures. D'habitude, je prends le bus 30 minutes avant et ça suffit. Mais je me suis fait avoir l'autre jour, alors maintenant, c'est départ 18h30." Comment va-t-il faire pour rentrer à la fin de sa soirée de travail ? On ne le saura pas, son bus est là, et il ne peut pas se permettre de le rater. 

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