Mort de Nahel : une reconstitution organisée à Nanterre dimanche pour faire progresser l'enquête

Les juges d'instruction souhaitent reproduire les faits sur les lieux du drame, avec tous les protagonistes du dossier, dix mois après la mort de l'adolescent de 17 ans, tué par le tir d'un policier lors d'une interpellation.
Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Le lieu où Nahel, 17 ans, a été tué par balle par la police, à Nanterre (Hauts-de-Seine), photographié le 5 juillet 2023. (ZAKARIA ABDELKAFI / AFP)

Près d'un an après la mort de Nahel, jeune homme de 17 ans tué par un tir de policier à Nanterre (Hauts-de-Seine) le 27 juin 2023, une reconstitution des faits est organisée, dimanche 5 mai, a appris franceinfo de sources concordantes. Elle a lieu à partir de 9 heures, ont précisé les avocats des deux policiers qui ont interpellé la voiture dans laquelle roulait Nahel. Les principaux protagonistes de l'affaire, dont les deux policiers – l'un mis en examen pour homicide volontaire, l'autre placé sous le statut de témoin assisté –, sont convoqués pour cette reconstitution. Des témoins présents au moment des faits seront également là.

Le policier auteur du tir mortel contre l'adolescent portera une cagoule, pour éviter d'être reconnu, confirme son avocat. "C'est une demande habituelle, fréquente, que je formule pour chaque client lors des reconstitutions", précise Laurent-Franck Liénard. Avant cette reconstitution, l'avocat ajoute que Florian M., 38 ans au moment des faits, "reste combatif et continue à se défendre".

Mis en examen pour homicide volontaire depuis le 29 juin, placé en détention provisoire pendant cinq mois, ce policier a été libéré le 15 novembre. Placé sous contrôle judiciaire, il a, depuis, interdiction de porter une arme et d'entrer en contact avec les parties civiles. Il a également interdiction de se rendre à Nanterre, en dehors de la reconstitution. Il doit aussi verser un cautionnement à la justice. Mais il a été autorisé à reprendre son travail, à un poste administratif.

"Des divergences entre les différentes versions"

Après sa remise en liberté, la mère de Nahel avait appelé à un rassemblement à Nanterre, le 19 novembre, et dénoncé une "véritable injustice". "Comment la vie de mon fils peut avoir aussi peu de valeur pour cette justice ?", se questionnait-elle. Quelques centaines de personnes avaient répondu à son appel, dans le calme.

"Pour la première fois, toutes les parties seront confrontées à leur déposition sur la scène du crime, c'est un moment fort", a commenté, vendredi à l'AFP, Nabil Boudi, avocat de la mère de Nahel, qui précise que sa cliente est "très stressée", en raison des "mauvais souvenirs" que cette reconstitution "ravive". Le père de Nahel sera sur place dimanche, mais ne souhaite pas "s'exprimer plus sur cette affaire, qui le touche et le remue profondément", a expliqué son avocat, Serge Money.

Les juges qui ont décidé de la remise en liberté du policier mis en examen avaient reconnu qu'il existait encore "des divergences entre les différentes versions données", mais que le risque de concertation ne suffisait plus à maintenir l'agent en détention, puisque les auditions des parties civiles et les interrogatoires des deux policiers présents sur place le jour du tir avaient pu être réalisés. De plus, à leurs yeux, en novembre, la détention ne constituait plus l'unique moyen d'assurer la protection du mis en examen.

En parallèle, l'instruction, menée par deux juges, un homme et une femme, se poursuit, alors que la mort de Nahel est devenue un symbole du débat sur les violences policières. Une première version de la police, selon laquelle l'adolescent de 17 ans aurait foncé sur le policier à moto, a rapidement été infirmée par une vidéo filmée par une passante. La diffusion des images, qui montrent le fonctionnaire tirant sur Nahel à bout portant lors d'un contrôle routier, avait déclenché des violences urbaines en France.

"Les magistrats veulent aller au fond des choses"

Florian M., qui travaillait pour la 9e journée consécutive, a été entendu une première fois par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), saisie pour mener l'enquête, lors d'une garde à vue de 48 heures entamée dix heures après les faits. Puis son collègue présent à ses côtés, ainsi que les passagers de la voiture conduite par Nahel, âgés de 14 et 17 ans, ont été entendus par la police des polices, dans la semaine qui a suivi le drame.

Par la suite, les parties civiles et les deux policiers ont été auditionnés, au moins une fois, par les magistrats instructeurs. Tous ont livré des versions différentes, notamment sur la raison qui a amené Nahel à redémarrer, après l'immobilisation du véhicule qu'il conduisait. Pour le passager assis à l'avant, le geste de son ami est la conséquence des coups de crosse donnés par les policiers. L'auteur du tir assure de son côté avoir été "un peu poussé" et "acculé", ce qui l'a conduit à faire usage de son arme à feu. Aujourd'hui encore, il affirme qu'il était dans son droit et invoque, selon son avocat, l'article 122-4 du Code pénal, qui ôte toute responsabilité pénale à une "personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime".

Les enquêteurs cherchent également à déterminer avec exactitude les paroles prononcées juste avant le tir, et par qui, car elles sont difficilement audibles dans la vidéo de l'intervention. Si l'IGPN entend la phrase "Tu vas prendre une balle dans la tête", elle n'est pas parvenue à les attribuer formellement ni aux policiers ni à Nahel. Une interrogation demeure aussi pour savoir si les mots "shoote-le" ou "coupe-le" (le moteur) ont été prononcés. D'autres analyses de cet enregistrement ont eu lieu depuis, mais les conclusions n'ont pas été rendues publiques. "L'instruction est très efficace. Les magistrats veulent aller au fond des choses, et vite", estime l'avocat du policier auteur du tir, qui ne souhaite pas en dire davantage.

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