Au procès des viols de Mazan, Jérôme V. pointe son "addiction sexuelle" et reconnaît s'être rendu à de multiples reprises chez Gisèle Pelicot

Article rédigé par Juliette Campion
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Jérôme V. s'exprime dans le box des accusés lors de son interrogatoire de personnalité au procès des viols de Mazan, devant la cour criminelle du Vaucluse, le 2 octobre 2024. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCE TELEVISIONS)
"Je n'y retournais pas parce que le 'mode viol' me correspondait, mais parce que je ne pouvais pas contrôler ma sexualité", a déclaré mercredi cet accusé de 46 ans, devant la cour criminelle du Vaucluse.

"J'étais en proie à une addiction sexuelle qui m'a rendu détestable", lâche Jérôme V., posté derrière le micro, dans le box des accusés. L'homme de 46 ans s'exprime posément. En trois ans et demi de détention, il semble avoir beaucoup réfléchi sur lui-même. Son interpellation remonte à mars 2021. Cet ancien pompier volontaire est accusé de s'être rendu six fois à Mazan pour violer Gisèle Pelicot, entre mars et juin 2020, en plein confinement. Les enquêteurs ont relevé de multiples pénétrations vaginales et anales sur la victime inconsciente, ainsi que des fellations imposées, "avec la participation active de Dominique Pelicot". 

"Je n'y retournais pas parce que le 'mode viol' me correspondait, mais parce que je ne pouvais pas contrôler ma sexualité", assure-t-il devant la cour criminelle du Vaucluse, lors de son interrogatoire de personnalité, mercredi 2 octobre. Fait rare parmi les accusés : Jérôme V. a reconnu dès sa première garde à vue les faits reprochés, "conscient du caractère transgressif de ses actes", note l'experte psychologue qui l'a rencontré. "Mais le plus important pour lui, c'était ses propres besoins", souligne-t-elle, observant chez lui "une sexualité débordante"

Cet homme au physique athlétique, grand adepte de course à pied, reconnaît avoir eu pendant longtemps un besoin irrépressible de tromper ses compagnes. "Avec elles, je ne pouvais pas tout faire sexuellement", justifie-t-il lors de son expertise psychiatrique. Il a multiplié les conquêtes, via des sites de rencontres, mais aussi dans des clubs libertins ou sur les plages naturistes du Cap d'Agde. "A cause de mon addiction, j'ai été de moins en moins regardant sur ce que j'attendais de mes partenaires, ce qui m'a poussé à accepter des relations sexuelles avec des travestis", relate également l'intéressé.  

"Je lui reprochais de faire l'étoile de mer"

Consommateur régulier de pornographie, Jérôme V. dit avoir regardé "un peu de tout", reconnaissant une préférence pour "la sodomie, les gros seins et le voyeurisme". "Ou bien les personnes sodomisées dans leur sommeil", a-t-il aussi précisé à l'experte psychologue. Interrogé sur ce point mercredi, le quadragénaire ne nie pas son attrait pour la "somnophilie", posant lui-même le terme, même s'il assure n'avoir consulté ce type de contenus que de manière très ponctuelle.

Une assesseure note qu'une liste de 89 prénoms féminins a été découverte à son domicile. "Ça correspond à toutes vos infidélités pendant vos quatre relations ?" L'intéressé acquiesce. "J'ai eu besoin de compter les conquêtes, ce n'était pas que des infidélités", précise-t-il. Ses anciennes compagnes – Jérôme V. dit avoir eu quatre longues relations – ne sont pas tendres à son sujet. L'une d'elles le dépeint comme "très tourné vers le jeu et le divertissement" et parle d'un homme "égocentrique, en manque d'assurance". 

Son ex-épouse, avec laquelle il est resté marié une petite dizaine d'années, est "tombée follement amoureuse de lui", rapporte l'enquêtrice de personnalité, même si, du côté de Jérôme V., "les sentiments n'ont jamais été très hauts", tempère-t-il devant la cour. Le couple a tout de même acheté une maison et eu deux enfants.

"C'était un homme passif et oisif, préférant profiter de son temps libre pour s'adonner à ses deux passions : la randonnée et l'infidélité".

L'ex-femme de Jérôme V.

à l'enquêtrice de personnalité

La mère de ses enfants assure qu'il était "rigide et exigeant", "obsédé par le poids et la nourriture". Lui estime aujourd'hui qu'il y avait "une monotonie dans les rapports intimes : je lui reprochais de faire l'étoile de mer"

Le "souffre-douleur" du collège 

En prison, Jérôme V. dit avoir avoir trouvé une explication à son besoin perpétuel d'aller voir ailleurs : "C'était une valorisation de ma personne en tant qu'amant, pour me rassurer, à cause de toutes mes carences", explique-t-il distinctement dans son box, semblant plaquer un discours psychologisant. Il illustre son propos en revenant sur son enfance. Il décrit une mère cinglante à son égard, dont les critiques et les remarques seraient à l'origine d'un "grand manque de confiance" en lui. Il assure par ailleurs avoir été le "souffre-douleur" de son collège. "Ma mère n'a jamais relevé, alors que c'était écrit dans des bulletins", soutient-il. 

En cours d'EPS, un groupe d'enfants l'aurait "défroqué devant tout le monde". "J'ai gardé tout pour moi, mes parents n'étaient pas capables d'entendre ma souffrance", assure ce fils unique d'un père facteur et d'une mère au foyer. Dans l'ensemble, il estime avoir eu "un niveau très moyen" pendant toute sa scolarité. Il aurait rêvé d'être professeur d'histoire-géographie, et est allé jusqu'à la licence à l'IUFM, obtenue difficilement au bout de cinq ans. "Je rêvais de travailler au contact des enfants, mais quand j'ai fait mes stages d'observation, je me suis rendu compte que je serais complètement largué", relate-t-il, sans en dire davantage. 

Jérôme V. se juge sévèrement, affirmant avoir "enchaîné les échecs professionnels", exerçant d'abord comme surveillant de collège, puis touchant le chômage pendant un temps, avant d'aller de petit boulot en petit boulot. Au moment des faits pour lesquels il est jugé, il était employé chez un primeur. Il a également exercé comme pompier volontaire, de 2008 à 2016. 

"Aucune empathie pour la victime" 

L'experte psychiatre a décelé chez lui une "faille narcissique majeure" et note qu'il présente toutes les caractéristiques d'une personnalité "dépendante". Elle décrit l'accusé comme un individu se sentant "incapable de fonctionner seul". Jérôme V. "pense que les autres savent faire les choses mieux que lui", "a besoin d'une assistance constante et n'apprend pas à vivre seul", développe-t-elle à la barre mercredi. 

Face à la cour, l'homme se raccroche à cette dernière caractéristique pour expliquer sa venue chez Dominique Pelicot, au printemps 2020. "J'étais célibataire, en confinement", glisse-t-il. Il continue à reconnaître les faits, mais prétend avoir été influencé par des photos pornographiques que lui envoyait le retraité, après chacune de ses venues. "J'avais peur de l'impact, qu'il diffuse les photos", clame-t-il depuis son box, tout en affirmant ne pas vouloir se "cacher derrière une victimisation". Jérôme V. s'exprime souvent par de longues phrases, parfois alambiquées, et ne laisse transparaître que peu d'émotions, si ce n'est lorsqu'il parle de lui-même.

L'experte n'a d'ailleurs pas vraiment décelé de culpabilité chez lui. Elle pointe sa "tendance à rejeter la responsabilité sur Monsieur Pelicot", ajoutant qu'il n'a "aucune empathie pour la victime". Ce que ne conteste pas totalement l'accusé.

"Je pense que j'ai plus de mal qu'une personne lambda à pouvoir me représenter la souffrance de l'autre."

Jérôme V.

devant la cour criminelle du Vaucluse

L'homme a tenté mercredi de montrer sa considération envers la victime, assurant avoir été "très touché" au début du procès par le témoignage de ce "petit bout de femme". "Je me suis dit : 'T'as vraiment fait du mal à une personne qui avait l'air d'être pure'", poursuit le quadragénaire. Il aura la charge de s'expliquer sur les faits jeudi, lors de son interrogatoire sur le fond du dossier. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.