"Tu mens !" : au procès des viols de Mazan, la rage de Caroline Darian face aux dénégations de son père, Dominique Pelicot
Connaîtra-t-elle un jour la vérité sur les agissements de son père à son sujet ? Antoine Camus, l'avocat de Caroline Darian, a questionné Dominique Pelicot avec insistance, mardi 17 septembre, en fin d'après-midi, pour tenter de lui arracher des précisions sur les deux photos de sa fille, retrouvées dans son matériel informatique par les enquêteurs. Depuis la découverte de ces clichés, en novembre 2020, elle est persuadée d'avoir été droguée et peut-être même agressée sexuellement par son père, voire par des inconnus, selon le même procédé que le principal accusé du procès des viols de Mazan utilisait sur son épouse.
Son avocat, qui représente également sa mère Gisèle Pelicot, a donc profité de l'interrogatoire de personnalité du septuagénaire pour essayer de lui rafraîchir la mémoire... Il a commencé par décrire les deux photos. On y voit la même femme, "sur le côté gauche et sur le côté droit, dans une même position fœtale, avec les draps relevés quasiment au millimètre près sur son fessier", a décrit calmement Antoine Camus. Elle porte une culotte que Caroline Darian "a indiqué ne pas être la sienne".
"Je peux comprendre ses doutes, mais en aucun cas il y a eu quoi que ce soit", a affirmé Dominique Pelicot, après avoir déclaré juste avant : "Je n'ai jamais touché mes enfants, ni mes petits-enfants : je sais trop ce que ça fait comme mal." Une référence pour le principal accusé aux rapports incestueux que son père (aujourd'hui décédé) aurait eu avec une petite fille déficiente mentale adoptée par la famille, quand il était encore enfant. Pendant une bonne partie de cet interrogatoire, Caroline Darian, aujourd'hui âgée de 45 ans, l'a fusillé du regard, les mâchoires serrées.
"Je vais gerber !"
"Pourquoi n'a-t-on pas retrouvé de photos de vos fils ?" a poursuivi Antoine Camus. "Je n'ai pas eu besoin de ce comparatif, je ne suis pas attiré par les hommes", a répondu d'emblée le retraité de 71 ans. Comme lors de sa cinquième audition face à la juge d'instruction, Dominique Pelicot a répété ne pas avoir pris lui-même les photos de sa fille. Devant la cour criminelle du Vaucluse, il a affirmé qu'il n'était "pas persuadé" que ce soit bien elle sur les clichés. "Je vais gerber !", a alors réagi l'intéressée, furieuse, avant de sortir de la salle.
"Comment expliquer qu'elle se reconnaisse elle-même ? Que des officiers de police la reconnaissent ?" a insisté l'avocat. "Et pourquoi avoir créé le répertoire 'Ma fille à poil' ?" Pourquoi, a poursuivi Antoine Camus, avoir appelé une photo "Ma salope et sa fille", en référence à un montage qu'il avait réalisé ? Dominique Pelicot a assuré avoir simplement répondu à la requête de quelqu'un "à plus de 200 kilomètres" qui lui a "montré sa femme et sa fille dans leur salle de bain et [lui] a demandé la même chose". Mais son explication n'a pas convaincu la partie civile.
Antoine Camus a continué son interrogatoire, avec ténacité : "Reconnaissez-vous que vous avez eu un regard incestueux ?" "Je n'ai jamais eu ce regard-là sur elle", a rétorqué l'accusé, d'une voix peu audible.
"Ne pouvez-vous pas vous comporter en homme, et dire la vérité ? Ne comprenez-vous pas que votre fille souffre, que sa détresse est criante ?"
Antoine Camus, avocat de Gisèle Pelicot et Caroline Darianà Dominique Pelicot
"Je n'ai jamais touché un enfant", a invariablement répondu Dominique Pelicot. "Vous reconnaissez que c'est bien vous qui avez pris cette photo ?", a encore questionné Antoine Camus. "Non ce n'est pas moi, aucune des deux", a juré l'accusé.
"Ne pas savoir est un piège"
"Tu mens !" a alors lancé Caroline Darian à l'autre bout de la salle. L'avocat a redit que sa cliente était certaine d'avoir été droguée. "Pourquoi vous dites ça, puisque les analyses ont prouvé qu'il n'y avait rien dans ses cheveux ?" a répliqué Dominique Pelicot, en fin connaisseur de son dossier. "Vous savez ce qu'il en est des analyses à retardement sur les psychoactifs... C'est bien dommage qu'il n'y ait pas de preuves. C'est tout le drame de votre fille", a conclu Antoine Camus.
L'échange en est resté là, sous le regard plein de colère de Caroline Darian. Lors de la première semaine d'audience, l'avocat avait demandé au psychologue ayant réalisé l'expertise de la quadragénaire si elle pouvait espérer un jour aller mieux "et se reconstruire sur des points interrogation aussi importants".
"Le drame de ma cliente, c'est qu'elle n'accorde aucun crédit à ce que dit son père. S'il la rassure : elle ne le croira pas. S'il confirme sa pire crainte : elle bascule dans une autre forme d'enfer."
Antoine Camus, avocat de Gisèle Pelicot et Caroline Dariandevant la cour criminelle du Vaucluse
"Ne pas savoir est un piège", avait reconnu l'expert. "Quoi que pourra dire Monsieur Pelicot, ses paroles seront entachées de suspicion", avait-il estimé, invitant Caroline Darian à ne pas se lancer dans "une quête acharnée du savoir". Sans quoi, "il y aura toujours des doutes, des ombres, et donc une torture mentale". Mais est-il réellement possible de vivre en se demandant si son père l'a violée ?
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