Affaire Grégory : "Nous pensons qu'il s'agit d'un crime collectif commis par différents personnages", déclare l'avocat des époux Villemin
Me Thierry Moser, qui publie ses mémoires, assure que sans être "d'un optimisme béat", il espère "d'ici deux, trois ans une comparution aux assises du ou des responsables de ce crime abject, dont un enfant est la victime".
"Nous pensons, les Villemin et moi-même, qu'il s'agit d'un crime collectif commis par différents personnages", a déclaré vendredi 15 janvier sur franceinfo Me Thierry Moser, avocat depuis 30 ans des époux Villemin, parents du petit Grégory retrouvé mort dans la Vologne en 1984. L'avocat publie ses mémoires. Jean-Marie Villemin qui ne s'était plus exprimé publiquement depuis 2006 sur cette affaire a accepté de signer la postface du livre. "Nous pouvons espérer d'ici deux, trois ans une comparution aux assises du ou des responsables de ce crime abject", a estimé Thierry Moser.
>> L'affaire Grégory résumée en cinq dates.
franceinfo : Comment avez-vous convaincu Jean-Marie Villemin de signer la postface de votre livre ?
Thierry Moser : Jean-Marie Villemin est un ami. Christine Villemin et moi, nous sommes aussi de bons amis. Et donc, depuis plus de 35 ans, je veille sur eux aussi bien que je le peux avec mes confrères François Saint-Pierre et Marie-Christine Chastan-Morand. Nous avons évidemment tissé le couple Villemin et moi-même, des relations d'amitié. J'ai vécu à leurs côtés des moments très, très difficiles et donc que j'ai pour eux beaucoup d'amitié, beaucoup d'affection. Et lorsque j'ai entrepris la rédaction de ces souvenirs professionnels et de mes réflexions professionnelles, j'en ai parlé à Jean-Marie comme on parle de cela à un ami. Et très spontanément, il m'a proposé effectivement de rédiger la préface qui est devenue la postface.
Est-ce que cette affaire continue de le hanter ?
Oui. Le mot est peut-être un peu excessif. Cela nous préoccupe évidemment vivement. C'est un sujet de conversation très fréquent. Jean-Marie travaille comme un bénédictin sur ce dossier depuis des années. Il apporte à ses avocats, dont je fais partie, un appui très solide, très précieux, et nous travaillons les uns et les autres en bonne intelligence dans une équipe soudée. On s'apprécie, on s'estime, on échange nos idées et c'est ainsi que nous construisons notre stratégie dans ce dossier. Jean-Marie connaît parfaitement aussi le travail. Il travaille d'arrache-pied. Il a souvent fourni à ses avocats, dont je suis, des réflexions, des propositions. C'est très constructif, ce travail d'équipe. C'est très amical et c'est très précieux au regard de la recherche de la vérité.
Regrette-t-il d'avoir tué son cousin Bernard Laroche ?
Infiniment. Oui, il regrette. Il m'en a parlé assez fréquemment. C'est un poids pour lui que d'avoir pris la vie de Bernard Laroche même s'il continue à penser que Bernard Laroche est impliqué dans l'acte criminel dont Grégory est la victime. Je ne vais pas rentrer dans les détails. Je vous rappelle que l'information [judiciaire] est toujours en cours à Dijon. Je ne veux pas déflorer le sujet. Je ne veux pas gêner la bonne marche des investigations. Je vais me limiter à des généralités. Nous pensons les Villemin et moi-même qu'il s'agit d'un crime collectif commis par différents personnages. Nous voyons à peu près qui a fait quoi, et comment et pourquoi. Encore faut-il le démontrer.
"Nous pensons que dans le cadre de ce crime collectif, Bernard Laroche a malheureusement joué un rôle actif."
Me Thierry Moser, avocat depuis 30 ans des époux Villeminà franceinfo
Dans votre livre, vous racontez l'acharnement qu'a vécu Christine Villemin de la part du juge Lambert.
La scène de de l'inculpation, le 5 juillet 1985. Nous entrons avec Christine Villemin dans le bureau du juge Lambert qui est encadrée par des policiers. Il était assis à son bureau. Il ne lève pas les yeux. Il a l'air d'un garçon qui est pris en faute et qui a chipé de la confiture dans le pot familial. À ce moment-là, sans lever les yeux, quasiment en rougissant, il lance ces paroles qui sont absurdes : "Madame. Je me lance, je crève l'abcès, je lève l'hypothèque, je vous inculpe". Et à ce moment-là, Christine Villemin : "Mais ce n'est pas possible, vous êtes fou !" Et ensuite, le juge Lambert organise une parfaite hypocrisie qu'on appelait à l'époque "le débat contradictoire". Il s'agissait théoriquement pour lui de savoir s'il devait incarcérer Christine Villemin. Bien entendu, sa décision est déjà prise au préalable. Il prend l'avis du procureur de la République qui est présent dans le bureau qui dit : "Je m'oppose et à l'inculpation et à l'incarcération". Il prend l'avis des avocats dont je suis. Nous disons la même chose. Il passe outre. Et la suite, vous la connaissez. Christine Villemin va être libérée quelques jours plus tard.
En veut-elle à la justice ?
Elle n'en veut pas à la justice. Ce que j'admire chez les époux Villemin, c'est qu'ils n'ont pas d'acrimonie, ils n'ont pas de haine, ils n'ont pas désir de vengeance. Ils ont tout simplement un désir de justice, de sérénité. S'agissant de la justice, autant elle a été calamiteuse, je dis bien calamiteuse à Épinal et Nancy, autant elle a été tout à fait remarquable à la Cour d'appel de Dijon. Nous avons eu face à nous des magistrats dijonnais de grande qualité. Actuellement, nous avons un président très combatif qui semble tout à fait décidé à faire tout ce qui est possible pour parvenir à la manifestation de la vérité.
Les époux Villemin aspirent-ils à une forme de normalité ?
Tout à fait. Ce qu'ils font depuis des années et des années. Ils sont dans la discrétion. Ils ne s'expriment pas dans les médias, ce qui d'ailleurs agacent certains de vos confrères. Tant pis, ce n'est pas grave. Et ce désir de vie paisible, sereine, honnête, c'est tout à fait porté à leur actif. Je les admire pour cette capacité de résilience dont ils ont fait preuve depuis des années.
L'enquête est toujours en cours. Un procès vous semble-t-il possible ?
Je le pense. Je ne suis pas d'un optimisme béat, mais je pense effectivement que nous pouvons espérer d'ici deux, trois ans une comparution aux assises du ou des responsables de ce crime abject, dont un enfant est la victime. Ça me paraît possible. Nous avons dans ce dossier des éléments qui d'ores et déjà sont intéressants au regard de la manifestation de la vérité. Il faut encore les fortifier. Il faut encore continuer à travailler. Et les magistrats et les avocats dont je fais partie s'y emploient.
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