Affaire Estelle Mouzin : les éléments qui font de Michel Fourniret le suspect numéro un
Le tueur en série, auditionné mercredi, a été mis en examen pour "enlèvement et séquestration suivis de mort" dans le dossier de la disparition de la fillette, en 2003. Le récent revirement de son ex-femme Monique Olivier avait relancé la piste de l'"Ogre des Ardennes".
Une victime de plus dans la sordide liste de Michel Fourniret ? Le tueur en série a été mis en examen, mercredi 27 novembre, dans le dossier de la disparition d'Estelle Mouzin, pour "enlèvement et séquestration suivis de mort" à l'issue de son audition par la juge d'instruction de Paris Sabine Khéris. Jusqu'à aujourd'hui, l'"Ogre des Ardennes" avait toujours nié son implication dans la disparition de la fillette, survenue le 9 janvier 2003 à Guermantes (Seine-et-Marne), en expliquant qu'il se trouvait ce jour-là à son domicile de Sart-Custinne, en Belgique.
Mais les révélations de Monique Olivier, son ex-femme, lors de son audition devant la juge d'instruction de Paris Sabine Khéris, jeudi 21 novembre, ont fait voler en éclats cette ligne de défense. Désormais, la piste Fourniret est prise très au sérieux par les enquêteurs, chargés de faire parler un homme déjà condamné à la perpétuité pour huit meurtres.
Son principal alibi a volé en éclats
A plusieurs reprises, Michel Fourniret a répété aux enquêteurs qu'il n'avait rien à voir dans cette disparition. Début 2007, la police l'avait même mis une première fois hors de cause. Mais l'audition de Monique Olivier, jeudi 21 novembre, a tout changé. Face à la juge d'instruction Sabine Khéris, l'ex-femme de Michel Fourniret a concédé que le coup de fil que le tueur dit avoir passé à son fils, le 9 janvier 2003, pour son anniversaire, et qui lui servait d'alibi, provenait en réalité d'elle. Son fils n'avait pas répondu, mais l'appel avait été attesté par des relevés téléphoniques.
"Cela signifie que Michel Fourniret n'était pas à Sart-Custinne le jour de la disparition d'Estelle Mouzin. Il était ailleurs", a expliqué Richard Delgenes, avocat de Monique Olivier, qui n'a pas apporté de précisions sur le lieu où se trouvait le tueur en série. "On sait qu'à l'époque, Michel Fourniret partait plusieurs jours (...) Situer et dater ses absences de janvier 2003, c'est un peu compliqué aujourd'hui", a enchaîné l'avocat.
Ces déclarations sont toutefois "à prendre avec précaution", a mis en garde, vendredi 22 novembre Jean-Marc Bloch, ancien directeur du service régional de la PJ de Versailles. "Il faut savoir que ce sont tous les deux de grands manipulateurs", a-t-il réagi, précisant que "ce sont eux qui sont en train de mener, quelque part, l'enquête." Pour lui, "les enquêteurs actuels vont devoir aller plus loin" que ces simples déclarations. "Parce qu'il ne suffit pas de dire 'Ce n'est pas lui qui a passé ce coup de fil' pour dire 'C'est lui qui est l'auteur de la disparition d'Estelle Mouzin'. Il faut encore prouver qu'il était en Seine-et-Marne, à Guermantes [lieu de la dispartion d'Estelle Mouzin], à 18h15 ce jeudi-là. On n'en est pas là pour l'instant", a souligné l'ancien directeur de la PJ de Versailles.
La camionnette blanche, le portrait-robot... des détails troublants
A l'époque de la disparition d'Estelle Mouzin, les enquêteurs recherchent une camionnette blanche décrite par plusieurs témoins. Or, Michel Fourniret possède le même genre de camionnette, avec laquelle il arpentait la Seine-et-Marne durant la même période. Autre détail notable : trois semaines avant la disparition de la fillette, une camarade d'école de cette dernière raconte avoir été importunée par un individu.
Un portrait-robot, établi à partir de sa description, ressemble à celui du tueur en série, comme l'indique Didier Seban, avocat de la famille Mouzin, sur France Bleu Paris : "Le portrait-robot dressé par une petite fille avant la disparition d'Estelle, qui s'était fait aborder par un homme à Guermantes, nous amène vers Michel Fourniret". Des sources au Parisien glissent également que "la juge a des témoignages faisant état de la présence de Fourniret à Guermantes. Bien sûr c'est à prendre avec des pincettes après seize ans, mais ça semble sérieux."
Des photos et un reportage sur Estelle Mouzin ont été retrouvés sur son ordinateur
En juin 2006, le parquet de Charleville-Mézières (Ardennes) où sont instruits les crimes du tueur en série, prévient la Chancellerie que Michel Fourniret pourrait "raisonnablement être suspecté dans la disparition d'Estelle Mouzin". Quelques semaines plus tard, les enquêteurs retrouvent une série de cassettes vidéo appartenant à Michel Fourniret.
Sur l'une d'elles se trouve un reportage de la chaîne belge RTL, consacré à la disparition d'Estelle Mouzin. En analysant son ordinateur, les enquêteurs découvrent aussi que Michel Fourniret a consulté des photos de la fillette sur internet. En prison, Michel Fourniret se défend en affirmant s'être seulement intéressé à l'affaire et nie, encore, toute implication.
Il s'est lui-même impliqué dans une lettre, en 2007
En juin 2007, Michel Fourniret a écrit au président de la Chambre d'instruction de la cour d'appel de Reims, comme le raconte L'Express à l'époque. L'"Ogre des Ardennes" demande à ce que le dossier Estelle Mouzin et ceux de Joanna Parrish et Marie-Angèle Domece soient joints aux affaires pour lesquelles il a été renvoyé devant le tribunal. Le tueur en série a, depuis, avoué les faits dans ces deux dernières affaires.
Mais il n'a jamais rien concédé dans le dossier Mouzin. Interrogé à nouveau à ce sujet au début du mois de mars 2018, Michel Fourniret avait fait des "aveux en creux", avait assuré Corinne Herrmann, l'un des avocats du père de la fillette. Lors de cette audition, il a confirmé ce qu'il avait écrit dans cette lettre datant de 2007. S'il n'y fait pas d'aveux, cette demande n'était pas anodine selon Didier Seban, l'autre avocat de la famille Mouzin. "Michel Fourniret ne dit pas qu'il est coupable, mais ce n'est pas banal, un tueur en série qui dit : 'Je veux qu'on me juge aussi pour ces affaires-là'", affirmait-il en mars 2018. De son côté, le père de la fillette préférait rester méfiant. "Fourniret se cherche des distractions en prison, cela doit rompre la monotonie", commentait-il.
Il joue régulièrement avec les enquêteurs
Le profil de ce tueur en série, condamné à perpétuité pour huit meurtres, incite à la prudence. "Attention aux faux espoirs", prévenait dans Le Parisien Dominique Laurens, la procureure de Meaux (Seine-et-Marne) en charge de l'affaire Mouzin en mars 2018. "La piste de ce tueur n'a jamais été refermée complètement. Mais la prudence s'impose car, là, nous avons du Fourniret dans le texte", affirme la magistrate. "Ce sont des propos très elliptiques. Il n'y a pas le début d'une once d'aveux sur Estelle Mouzin. Il n'a rien reconnu au sens juridique du terme. On n'est pas loin d'une manipulation. Il joue avec les magistrats", ajoute une source judiciaire auprès du quotidien.
Aujourd'hui, la configuration est différente puisque "c'est désormais [Monique Olivier] qui donne les cartes, et ça, Michel Fourniret ne le supporte pas, estime au Parisien le psychologue Jean-Luc Ployé (auteur de L'Approche du Mal, avec Mathieu Livoreil, aux éditions Grasset). Il devrait donc tenter de reprendre la main. A sa manière, sans donner toutes les réponses". Les révélations de son ex-compagne sont peut-être le premier pas vers des aveux car, comme le rappelle au quotidien l'avocat historique de Monique Olivier, Michel Fourniret "ne s'est confié que lorsque sa compagne avait donné des clés aux enquêteurs". "Sa compagne le met en difficulté, il a de bons rapports avec la juge, c'est effectivement la meilleure configuration pour qu'il parle", estime de son côté Didier Seban, l'avocat d'Eric Mouzin.
Monique Olivier a par ailleurs confirmé au juge qu'Estelle Mouzin "était tout à fait le genre de jeune fille qui pouvait satisfaire" son ancien mari. "Les éléments sont réunis pour avancer très sérieusement sur la seule piste qui existe dans l'affaire", concluent les avocats du père d'Estelle Mouzin, Corinne Herrmann et Didier Seban.
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