Affaire Le Scouarnec : "Aucune des instances n'a pris ses responsabilités", l'alerte "n'a pas été relayée", estime une avocate de victimes
La direction de l’hôpital de Quimperlé a été alertée dès 2006 par le docteur Thierry Bonvalota sur ses doutes concernant Joël Le Scouarnec. Cette alerte qui aurait pu éviter des dizaines de victimes, n’a eu pourtant aucun effet.
Après la révélation, lundi 17 février sur franceinfo, du témoignage du Dr Thierry Bonvalot, psychiatre qui a tenté en 2006 d'alerter sur le profil de Joël Le Scouarnec, soupçonné d'avoir fait au moins 349 victimes de crimes sexuels, Me Francesca Satta, avocate de plusieurs plaignants dans ce dossier, a réagi en déplorant que "l'alerte n'a pas été relayée". "Aucune des instances n'a pris ses responsabilités", a fustigé l'avocate lundi sur franceinfo, qui a aussi estimé que "c'est la faute d'un système". Elle plaide en outre, comme certains de ses clients, pour que le procès, devant débuter le 13 mars, soit public.
Franceinfo : Comment expliquez-vous que cette alerte [en 2006, à l'hôpital de Quimperlé dans le Finistère] n'ait rien donné ?
Me Francesca Satta : Tout simplement parce qu'elle n'a pas été relayée. Je pense que ce psychiatre a eu un courage exemplaire que de signaler à l'époque ce dont il avait pu être témoin, dans le cadre de son activité hospitalière. Simplement, ce n'est pas lui qui est directeur d'hôpital. Ce n'est pas lui qui est membre de l'Ordre des médecins. C'est donc à ses supérieurs hiérarchiques de prendre le relais. Ce qui est effroyable, c'est que malheureusement, le directeur de l'hôpital à l'époque n'a pas pris ses responsabilités, nous en avons aujourd'hui la preuve. L'Ordre des médecins n'a pas pris non plus ses responsabilités vis-à-vis de Joël Le Scouarnec. Aucune enquête n'a été menée en interne dans l'hôpital de Quimperlé. Et effectivement, depuis 2006, cet homme qui aurait pu être intercepté bien plus tôt, a pu continuer ses exactions jusqu'en 2017, jour de son arrestation.
C'est la faute d'un homme de ce directeur d'hôpital où la faute d'un système ?
C'est la faute d'un système. On a plusieurs personnes qui sont le relais d'une information. Ce psychiatre donne l'alerte et elle n'est pas relayée. Le directeur de l'hôpital devait mener son enquête pour voir si, effectivement, les informations données étaient vraies ou pas. Il devait les relayer à l'Ordre des médecins. L'Ordre des médecins devait relayer, la DDAS aurait dû effectivement se prononcer sur le sort de Joël Le Scouarnec. Aucune de ces instances n'a pris ses responsabilités. Aucune de ces instances n'a mesuré la gravité des faits qui étaient reprochés et pour lesquels Le Scouarnec avait été condamné en 2005. Cela a continué, par la suite, avec ce qui se passait en interne à Quimperlé. Personne n'a voulu prendre une responsabilité quelconque vis-à-vis de Joël Le Scouarnec et nous en sommes aujourd'hui à 349 victimes potentielles.
Un premier procès dans cette affaire doit débuter le 13 mars. Il y a un différend entre parties civiles, les unes voulant un huis clos, d'autres préférant que les débats soient publics. Pour quelle option penchez-vous ? Les débats pourront-ils être sereins, même s'ils sont publics ?
Je penche pour l'option qui est celle de mes clients. Ils se sont exprimés librement dans les médias réclamant que leur parole soit entendue et réclamant effectivement que ce procès puisse être un procès public. Je pencherais donc en faveur de ce qu'ils désirent. De toute façon, ce débat se tiendra au premier jour du procès. À mon sens, il n'a pas lieu d'être trois mois avant l'ouverture du procès Joël Le Scouarnec. Je pense que les débats peuvent tout à fait être sereins. Nous sommes effectivement dans un procès qui est médiatisé. C'est un faux débat que de dire que celui-ci ne pourrait pas se tenir dans la sérénité. Le fait que le public, éventuellement, puisse y assister, n'empêche pas la sérénité des débats.
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