Affaire du Carlton : qu'est devenu DSK depuis sa mise en examen ?
L'ex-directeur du Fonds monétaire international fait partie des prévenus de cette affaire de proxénétisme. Son audition est prévue entre le mardi 10 et le jeudi 12 février, près de trois ans après sa mise en examen.
C'est un moment décisif pour son avenir. Dominique Strauss-Kahn doit comparaître devant le tribunal correctionnel de Lille (Nord) pour proxénétisme aggravé, entre le mardi 10 et le jeudi 12 février. Près de trois ans se sont écoulés depuis la mise en examen de l'ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI) dans cette affaire dite du Carlton, du nom d'un hôtel de luxe lillois.
Entre 2012 et 2015, DSK a passé plusieurs mois à parcourir le monde pour dispenser des conférences, conseiller des chefs d'Etat et s'initier, maladroitement, au métier de banquier d'affaires. Economiste brillant au destin contrarié, il a aussi connu des déboires financiers et personnels. Francetv info revient sur ses activités au cours de ces dernières années.
2012 : après sa mise en examen, il crée une société de conseil
Le 26 mars 2012, après deux jours de garde à vue, DSK est mis en examen par les juges chargés de l'enquête sur l'affaire du Carlton. Il est accusé d'avoir été au cœur d'un réseau de prostitution mis en place par ses amis dans le Nord-Pas de Calais. Les juges estiment que DSK ne pouvait ignorer que les filles qu'on lui présentait lors de parties fines étaient des prostituées rémunérées, et considèrent qu'il a été le "pivot central" ou encore le "roi de la fête" de ces soirées.
Un peu plus d'un mois plus tard, un autre épisode malheureux rappelle à Dominique Strauss-Kahn que les temps ont changé. Alors qu'il est invité à l'anniversaire du député socialiste Julien Dray dans un bar parisien, l'annonce de son apparition provoque le départ de Ségolène Royal et de Manuel Valls. Au printemps 2012, il est encore un paria au PS. Dans le même temps, l'affaire du Carlton prend de l'ampleur et apporte chaque jour son lot de révélations sur les parties fines auxquelles aurait participé DSK.
Mais l'ex-directeur du FMI ne se laisse pas abattre. A la fin de l'été, il crée une société. Le nom de l'entreprise, implantée boulevard Raspail, dans le quartier parisien du Montparnasse, est tout trouvé : Parnasse. Son objectif : vendre ses conseils et ses conférences de par le monde. C'est aussi une façon de s'éloigner de la politique.
L'hiver arrive et, avec lui, une bonne nouvelle pour DSK. Le feuilleton judiciaire américain autour de l'affaire du Sofitel de New York, dans laquelle il est accusé de viol, s'achève le 10 décembre 2012. Un accord financier confidentiel est conclu avec son accusatrice, Nafissatou Diallo. Mais l'affaire du Carlton, qui n'est jamais très loin, le rattrape. Le 19 décembre, la cour d'appel de Douai valide la procédure et juge fondée la mise en examen de DSK.
2013 : sa société prospère et il donne des conférences dans le monde entier
Sur le plan privé, l'hiver 2012 laisse place à un printemps d'abord frisquet. DSK et la journaliste Anne Sinclair, mariés depuis 1991, divorcent. Elle l'avait soutenu sans compter, y compris financièrement, lors de l'affaire du Sofitel. Un ouvrage de l'essayiste Marcela Iacub sur sa liaison de quelques mois avec DSK, Belle et Bête, est publié à la même période. Il l'assigne en référé pour "atteinte à l'intimité de la vie privée". Puis, en juin, il apparaît riant, pour la première fois, au côté de sa nouvelle compagne.
Sur le plan professionnel, sa situation est satisfaisante. Les affaires marchent. Ses pas le conduisent en Russie, où il siège, depuis l'été 2013, au conseil de surveillance de la Banque russe de développement des régions, une institution financière contrôlée par le géant du pétrole Rosneft. Il occupe le même siège au sein du Fonds russe des investissements directs. Sa candidature a été présentée par une banque qui est le bras armé financier de l'Etat russe. Ce qui signifie qu'il a le soutien du président Vladimir Poutine, souligne l'Agence France-Presse.
La société de DSK est florissante : elle affiche un bénéfice 2013 flatteur de 766 300 euros pour un chiffre d'affaires de 2,546 millions d'euros. Il n'a qu'un salarié, son chauffeur. L'ex-directeur du FMI ne se contente pas de la Russie. Il parcourt le monde, de Londres à Marrakech en passant par Tel-Aviv. Il prodigue ses conseils au gouvernement serbe et à celui du plus jeune Etat du monde, le Soudan du Sud.
Mais cela ne lui suffit pas. Lui, l'économiste pointu, se rêve en banquier international. A l'automne 2013, il décide de se lancer. Il s'associe avec le financier franco-israélien Thierry Leyne pour créer Leyne, Strauss-Kahn & Partners (LSK), basé au Luxembourg. L'objectif des deux hommes est de constituer un fonds spéculatif de 2 milliards de dollars, récoltés dans le monde entier, mais en priorité auprès d'investisseurs de pays émergents.
2014 : il redevient populaire, mais essuie de nouveaux déboires financiers
Au printemps 2014, DSK a le vent en poupe dans les enquêtes d'opinion. Il arrive en tête des personnalités qui pourraient faire mieux que François Hollande, selon un sondage commandé par Le Parisien Magazine. Ce résultat est jugé tellement surprenant et polémique que l'hebdomadaire décide de ne pas le publier. D'autres médias le font. Trois mois plus tard, 22% des sondés, et 26% parmi les sympathisants socialistes, ont envie de le voir jouer un rôle politique important à l'avenir, selon un sondage du Figaro Magazine. DSK reprend confiance. Il confie la phrase suivante à un ami, selon L'Express du 7 mai 2014.
Dans cinq ans, je serai plus gros que la banque Lazard.
Une embellie de courte durée. Le 6 juin, le cours de l'action LSK décroche, comme un premier signal d'alerte. L'été passe. Au début du mois de septembre, l'ex-directeur du FMI donne rendez-vous à l'un de ses amis. Lors de cette entrevue, il reconnaît, selon L'Express du 10 décembre 2014, avoir "des problèmes avec Thierry [Leyne]."
Tous les jours, je découvre des choses que [Thierry Leyne] a faites dans notre dos. Je suis dans la merde.
C'est peu dire. Le 20 octobre, Dominique Strauss-Kahn prend ses distances et renonce à la présidence du fonds d'investissement de LSK. Trois jours plus tard, Thierry Leyne se jette du haut d'une tour à Tel-Aviv, sur fond d'ennuis financiers et de drame familial. DSK réagit publiquement le 30 octobre, dans un entretien au Parisien. Il dit avoir découvert que son ex-associé avait "contracté une série d'emprunts excessifs", dans lesquels il affirme n'avoir aucune responsabilité. Mais en même temps, il admet avoir été au courant de la "réputation contrastée" de Thierry Leyne. En novembre, la société luxembourgeoise est déclarée en faillite. Les dettes s'élèvent à quelque 70 millions d'euros. DSK pourrait encore devoir rendre des comptes à la justice dans cette affaire.
Pourtant, au cours de cet automne, tout n'est pas si noir. Ses relations avec le PS s'apaisent. Le 11 octobre, la communicante Anne Hommel, sa fidèle amie, fête son anniversaire. DSK est logiquement de la partie. D'autres socialistes sont là : Jean-Christophe Cambadélis, Jean-Marie Le Guen et même Manuel Valls, devenu Premier ministre. Pour la première fois depuis sa chute, DSK passe la soirée avec eux, révèle Le Monde. Signe, peut-être, du début de la fin de sa traversée du désert politique.
2015 : il ne dit plus rien avant le procès
Dans l'entretien accordé au Parisien le 30 octobre 2014, Dominique Strauss-Kahn se dit "serein" à propos de l'affaire du Carlton. Il affirme que "cette histoire" a "été montée en épingle". Et se dit confiant.
J'ai bon espoir que le tribunal me rendra justice en février.
Depuis, c'est bouche cousue. Tous les proches de DSK observent un mutisme absolu. A commencer par Anne Hommel, qui vient de créer sa propre agence de communication. Contactée par francetv info, elle décroche le téléphone pour dire qu'elle ne "répondra pas" aux questions. "Il n'y aura aucune communication avant le procès", insiste-t-elle. Les avocats de DSK, Henri Leclerc, Frédérique Beaulieu et Richard Malka, n'en disent pas davantage. "On ne fait aucune déclaration avant l'audience", indique le premier à francetv info.
"Que voulez-vous que je vous dise ? Il respire, il mange, il vit…" finit par lâcher un strauss-kahnien à l'Agence France-Presse. Il faudra aussi qu'il se défende, pendant trois jours, devant le tribunal correctionnel de Lille.
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