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Attaque au couteau à Annecy : sur quoi la justice se fonde-t-elle pour déterminer si un acte est terroriste ou non ?

L'enquête devra notamment établir si le suspect a prémédité son acte et s'il a agi au nom d'une idéologie. Son état psychologique, compatible avec la garde à vue, reste une question centrale.
Article rédigé par franceinfo
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Des membres de la police scientifique sur un des lieux de l'attaque au couteau dans un parc d'Annecy (Haute-Savoie), le 8 juin 2023. (OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP)

Pourquoi l'assaillant s'en est-il pris à des passants dans un parc à Annecy (Haute-Savoie), blessant six personnes, dont quatre très jeunes enfants ? La garde à vue du suspect, Abdalmasih H., a été prolongée, vendredi 9 juin, et l'enquête se poursuit sous l'égide du parquet d'Annecy. A ce stade, le parquet national antiterroriste ne s'est pas saisi de cette attaque qui n'a "aucun mobile terroriste apparent", selon les mots de la procureure de la ville.

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Qu'elle soit retenue ou non, la qualification terroriste est souvent un sujet sensible après des actes qui suscitent une vive émotion, et face à des profils complexes comme celui de ce Syrien chrétien, demandeur d'asile débouté en France, dont des témoins racontent l'errance à Annecy les semaines précédentes, et qui a crié "au nom de Jésus-Christ" au cours de l'attaque. "Il n'y a pas de ligne claire" entre ce qui relève ou non du terrorisme, résume à franceinfo Olivier Cahn, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l'université de Cergy (Val-d'Oise) et chercheur dans un laboratoire du CNRS.

La volonté de semer la terreur, un critère central

Il existe cependant des critères de droit, définis par l'article 421-1 du Code pénal. Toute une série d'actes, dont les "atteintes volontaires à la vie" peuvent être considérés comme terroristes s'ils sont "intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur".

"La première question qu'il faut se poser" est liée au terme d'"entreprise", explique Olivier Cahn : celui-ci veut dire "qu'il faut qu'il y ait une préméditation". L'enquête devra déterminer s'il y a eu un intervalle de temps "entre la décision et le passage à l'acte" de l'assaillant, et si ce temps lui a servi à préparer son acte, par exemple en achetant une arme. Une question que les éléments de l'enquête rendus publics jusqu'à présent ne permettent pas d'établir dans le cas de l'attaque d'Annecy.

Après un tel drame, le trouble à l'ordre public est évidemment constitué. Mais pour pouvoir être qualifié de "terroriste" selon le Code pénal, un acte doit avoir "pour but" de créer la terreur. C'est là qu'entre en compte la difficile évaluation de la motivation du suspect. Parmi les éléments, la justice est attentive à "l'idéologie au nom de laquelle l'acte semble avoir été perpétré" et au "contexte social", explique Olivier Cahn. "Le fait qu'un suspect s'inscrive dans le cadre du jihad global ou de la révolution prolétarienne aide à la qualification", analyse le chercheur. Et ce d'autant plus si la doctrine du suspect "prône le terrorisme comme un des moyens".

L'état psychiatrique du suspect sera déterminant 

Le fait que le suspect de l'attaque d'Annecy mentionne Jésus-Christ lors de son acte n'est pas nécessairement du même ressort, observe Olivier Cahn, car "il n'y a pas de projet chrétien de recours à la terreur pour faire avancer un projet politique" dans le contexte français. C'est en tout cas ce contexte que la justice devra apprécier. 

"L'invocation de Jésus-Christ peut plutôt faire penser à une psychose", observe le juriste, ce qui introduit une autre question, celle de l'état psychologique du suspect et de sa responsabilité pénale. "S'il n'a pas de libre arbitre au moment de son acte", tous les autres éléments permettant de le qualifier de terroriste n'ont plus d'importance, et l'auteur ne peut pas être jugé. Une première expertise psychiatrique, menée vendredi, a permis de conclure que l'état du suspect d'Annecy était compatible avec la garde à vue, sans trancher la question de la responsabilité pénale.

Un dernier critère peut peser dans la décision du parquet national antiterroriste de se saisir ou non, analyse Olivier Cahn : "la gestion de ses ressources". Bien doté, ce parquet spécialisé créé en 2019 a néanmoins "beaucoup de travail". Se saisir d'un dossier impose de désigner un juge d'instruction et de mener une enquête. "S'il se consacre à des dossiers qui ont une forte chance de ne pas aller au bout, car le suspect risque d'être jugé irresponsable pénalement, c'est une perte de moyens" qui peut l'encourager à ne pas prendre ce risque, estime-t-il.

Mais ces considérations peuvent entrer en contradiction avec les attentes d'une partie de l'opinion publique, comme l'avaient montré les réactions à une décision similaire après la tuerie dans un centre culturel kurde à Paris en décembre. Si le parquet national antiterroriste confirme sa position, et que la qualification terroriste n'est pas retenue contre le suspect de l'attaque d'Annecy, "il faudra qu'il explique bien pourquoi", conclut Olivier Cahn.

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